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«Jojo Rabbit»: la satire qui prouve que le ridicule a tué6 minutes de lecture

par Leïla Favre
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Après le succès de Thor: Ragnarock, sortie en 2017, le réalisateur néo-zélandais Taika Waititi refait surface avec sa comédie satirique Jojo Rabbit. Cette adaptation du roman Le Ciel en cage de Christine Leunens suit la vie haute en couleur du jeune Johannes Betzler, nouvel adhérent des jeunesses hitlériennes. Malgré une thématique vue et revue au cinéma, le projet de Waititi aborde la Seconde Guerre mondiale de façon innovante. L’approche décalée et inédite du film le rend intemporel. Gros plan sur cette comédie satirique, disponible sur Disney+ depuis le 12 août.

Jojo Betzler, jeune allemand de dix ans, entre dans les rangs des jeunesses hitlériennes lorsque la Seconde Guerre mondiale touche à sa fin. Malgré son entrain, son patriotisme et son ami imaginaire – un Hitler sympathique, interprété par Taika Waititi lui-même – le jeune garçon ne va pas tarder à déchanter face à la réalité de la guerre et des actes du régime.

Un départ sur les chapeaux de roues

Les premières minutes du film sont troublantes et abruptes; les couleurs vives, presque criardes, les costumes anachroniques et décalés, l’humour grotesque – comme un coup de genou dans l’entrejambe – surplombent le récit. La présence de Rebel Wilson dans ce casting hétéroclite révèle l’orientation choisie par le réalisateur: la démesure et le burlesque.

Pourtant, la composition du film est bien plus subtile qu’il n’y paraît. Waititi instaure un changement de tonalité qui dévoile la noirceur des événements de la Seconde Guerre mondiale, en même temps que le jeune Jojo, âgé de dix ans et membre des jeunesses hitlériennes, se détache de son monde fantasque et naïf. Les plans sont plus longs, les blagues moins lourdes, la musique moins fréquente et l’ami imaginaire de Johannes, une version gaillarde et enfantine d’Adolf Hitler, se transforme petit à petit en personnage autoritaire et glaçant. Cette structure, calquée sur le point de vue du jeune garçon lentement désabusé, se compose de trois parties. Chacune d’elles exprime à son tour l’absurdité du fanatisme et de la propagande, l’instauration d’un doute collectif et une descente brutale à la réalité lorsque la fin du régime approche.

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Si ce crescendo est finement agencé, son application dans le jeu de Sam Rockwell, incarnant le Capitaine K, animateur du camp d’entraînement de Jojo, l’est un peu moins. Alors que ce personnage est introduit comme un  ancien commandant plein de sarcasme que la guerre rend désormais désinvolte, sa prise de conscience et son sérieux très soudains interrogent quant aux intentions et au rôle de ce personnage hermétique.

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A l’inverse, la mère du jeune nazi, Rosie, interprétée par Scarlett Johansson, est un bon exemple d’équilibre entre comique et profondeur. Rosie Betzler permet de faire le pont entre la réalité de la guerre et la réalité biaisée expérimentée par Jojo. Lorsqu’elle est représentée aux côtés des Allemands, elle symbolise l’archétype de la jolie mère un peu naïve et rieuse, en accord avec le ton comique du film. Mais lorsqu’elle se retrouve auprès d’Elsa, la jeune juive qu’elle cache sous son toit, son inquiétude, pour son fils et pour le reste du monde, transparaît.

Documentaire Inside Jojo Rabbit (2020), contenant les coulisses du film avec interviews, images du plateau et clips

Dans la cour des grands

La virtuosité du film se remarque dans les mécaniques de répétitions de certains procédés techniques et thématiques. Les plans larges des premières séquences, représentant des groupes d’enfants bruyants et agités, contrastent avec les plans larges de la suite où les personnages se retrouvent souvent seuls, ce qui illustre leur désappointement. L’emploi des ralentis est aussi impressionnant. Si, au début de l’intrigue, ils caractérisent l’euphorie de Jojo qui joue à la guerre, celui de la fin du film prend une tout autre tournure en soulignant les ravages de celle-ci.

Hormis les références plus ou moins assumées à d’autres films tels que Le Dictateur (1940) ou encore Moonrise Kingdom (2012), cette comédie satirique partage également une caractéristique avec certaines productions dont l’histoire s’ancre dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale ou d’après-guerre: l’exploitation de la perspective de l’enfant. Ce point de vue sur le monde, poussé à l’extrême dans Jojo Rabbit par le jeu sur les rumeurs ébruitées par les adultes, rappelle les histoires de cour d’école et souligne l’inanité de la propagande nazie. Le regard de l’enfant, témoin innocent de la réalité, a souvent été utilisé comme symbole réconfortant et porteur d’espoir pour la société traumatisée par la guerre. En s’appropriant ce procédé, Taika Waititi reconstruit de façon déconcertante l’histoire et ses vices.

Si la critique semble mitigée et remet parfois en cause les récompenses attribuées au film, c’est peut-être parce que Jojo Rabbit est un film multiforme. La variation de tons dans la mise en scène, la performance des interprètes et l’intrigue elle-même méritent que l’on s’y attarde.

Crédits photos: © Twentieth Century Fox

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jojo rabbit affiche

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