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Oxfam et le terrorisme intellectuel6 minutes de lecture

par Nicolas Jutzet
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En début de semaine dernière, vous avez sans doute lu, ou entendu, les réactions indignées au dernier «rapport» d’Oxfam, qui est «une confédération internationale de 20 organisations qui travaillent ensemble, avec des partenaires et communautés locales, dans plus de 90 pays». Son slogan, d’une modestie rare («Ensemble, nous pouvons construire un monde plus juste sans pauvreté»), indique aux derniers indécis que sa vocation est noble. Intitulé «CAC 40 (du nom de l’indice boursier de la Bourse de Paris)  des profits sans partage», il ne laisse que peu de place au doute. Mais qu’en est-il en réalité? Sous couvert d’une lutte louable, Oxfam ne ferait-elle pas de la politique? Focus sur le contenu et la méthodologie.

Le contenu du rapport

Le constat dressé en introduction par le rapport est cinglant: «En 2017, 82% des richesses créées dans le monde ont bénéficié aux 1% les plus riches, alors que les 50 % les plus pauvres n’en ont reçu que des miettes. La France n’échappe pas à cette tendance: les 10% les plus riches détiennent plus de la moitié des richesses nationales quand les 50% les plus pauvres ne se partagent que 5% du gâteau. Cette répartition inégale des richesses s’organise d’abord là où elles se créent: au sein des entreprises».

Des revendications correctives suivent cette mise au pilori: encadrer la rémunération des actionnaires; mieux associer les salariés aux bénéfices de l’entreprise; instaurer la transparence sur les écarts de salaire dans les entreprises; appliquer au maximum un facteur 20 entre la rémunération la plus haute et la rémunération médiane de l’entreprise; limiter les rémunérations les plus hautes des dirigeants et cadres supérieurs; assurer un salaire décent à l’ensemble des employés de la chaîne d’approvisionnement; combler le fossé salarial entre les femmes et les hommes.

L’idée de le démonstration étant que les actionnaires, qui possèdent l’entreprise, sont excessivement favorisés, au dépend des travailleurs, qui selon les auteurs, sont les seuls créateurs de richesses. On apprend donc que sur «100 euros de bénéfices, les entreprises du CAC 40 ont en moyenne reversé 67,4 euros de dividendes aux actionnaires, ne laissant plus que 27,3 euros pour le réinvestissement et 5,3 euros de primes pour les salariés». Face à ce chiffre, il est clair que le citoyen lambda ressent une injustice. Pourquoi donc les actionnaires toucheraient tant, alors que ce sont bien les employés qui travaillent chaque jour, pendant toute l’année pour parvenir à ce résultat?

Un problème de méthodologie

Tout d’abord, il s’agit de rappeler que ce pourcentage, entre 2009 et 2016, soit la période étudiée, reste stable. Deuxièmement, on mélange ici, de façon forcément insidieuse tant c’est grotesque, des pommes et des poires. Le salaire des employés, les investissement dans l’entreprise et les autres charges sont distribués en amont de la répartition du bénéfice. Jean-Marc Daniel, professeur associé à l’ESCP Europe et directeur de rédaction de la revue Sociétal, rappelle que la richesse se mesure à la valeur ajoutée créée. Cette dernière est ensuite divisée en deux blocs: l’un qui rémunère le travail sous forme de salaire, et l’autre qui rémunère le capital sous forme de l’excédent brut d’exploitation – autrement dit, le profit.

Avec ce deuxième bloc, l’entreprise a le choix. Soit elle réinvestit directement le capital, soit elle le redistribue sous forme de dividendes aux actionnaires. Or le premier bloc, celui des salaires, représente deux tiers de la valeur ajoutée, et la rémunération du capital, le tiers restant. Malheureusement, ce chiffre, qui contient pourtant l’information utile, ne permet pas de faire passer le message que souhaite propager cette organisation soi-disant indépendante. Sciemment, on se permet donc, pour permettre aux chiffres de s’accorder avec le slogan, de choisir un indicateur plus que discutable.

Il est évidement aussi omis de préciser que contrairement au salaire qui tombe de façon régulière en fin de mois, le dividende peut être inexistant et représente un investissement à risque. Or ce dernier doit être récompensé, sinon il pourrait, simplement et bêtement, ne pas être pris. Or pire que le capital productif, il y a l’absence de capital. Toutes les PME du monde peuvent en témoigner. Le capital, c’est le nerf de la guerre.

Aucune fin ne justifie n’importe quels moyens

En fin de compte, il est indéniable que la volonté de thématiser une éventuelle répartition inégale et contreproductive des richesses au sein des entreprises doit être prise au sérieux. Mais face à la faiblesse méthodologique, qui peine à masquer un biais idéologique fort, le message se dilue tant il perd de sa pureté. On souhaiterait plus de prudence et d’esprit critique au sein des médias qui reprennent à l’unisson les conclusions du dossier.

La récupération politique est immédiate. Surtout en période d’échec pour l’opposition au «Président des riches». Pris en flagrant délit de populisme doux, l’économiste Thomas Porcher – nouvel héros de la France insoumise et membre des Economistes Atterrés (ils souhaitent «vivement voir l’économie se libérer du néolibéralisme») – est symptomatique de cette dérive qui voit la fin justifier les moyens. Il passera ensuite son temps à tenter de vociférer contre ceux qui doutent de son expertise. Certains s’aventureront à dire que l’on peut posséder un doctorat en économie et en ignorer les fondamentaux. Ou du moins le feindre.

Politisation des inégalités: l’instrumentalisation dangereuse

Par ailleurs, l’attention se focalise sur les toutes grandes entreprises du pays, avec un discours anti-capitaliste contre le monde affreux de l’entreprise et martelé pour une énième fois, oubliant bien vite que les travailleurs de France et l’économie du pays ne passent pas seulement par les mastodontes, mais avant tout via les entreprises de taille moyenne. En amalgamant volontairement l’entier de la chose, sans jamais nuancer, ces idéologues font un tort incroyable dans un pays d’ores et déjà analphabète en économie.

Dans un récent rapport, l’Institut Sapiens rappelle que «les Français manifestent une grande curiosité pour les questions économiques. Celles qui portent sur la croissance, le chômage, le pouvoir d’achat, la consommation ou les impôts sont au centre de leurs préoccupations. Mais ils montrent aussi que leur méconnaissance de ces mêmes questions est réelle, faute de disposer des concepts et des outils nécessaires à leur bonne compréhension. Cette inculture économique des français qui sont globalement méfiants envers le monde de la finance et plus hostiles qu’ailleurs à l’économie de marché coûte cher à notre pays en termes de croissance et d’emploi.»

Les raisons d’être optimistes

Dans son dernier livre, Non, ce n’était pas mieux avant, Johan Norberg, voyant le verre plus qu’à moitié plein, démontre que la situation actuelle est pour le moins satisfaisante et que nous allons vers le mieux. Selon lui, «en 1800, 94% de la population était dans une extrême pauvreté (définie par un revenu équivalent à moins de 2 dollars par jour de pouvoir d’achat par la Banque mondiale). Aujourd’hui, c’est moins de 10%, majoritairement concentrés en Afrique, alors même que le nombre d’habitants de la planète a été multiplié par sept (7,4 milliards)».

Les premiers animateurs du débat sur les inégalités se trompent de cible, en oubliant que le but final de la redistribution ne doit pas être un égalitarisme fou qui freine les premiers de cordée, mais plutôt l’outil permettant l’alimentation d’un filet de sécurité efficace, notamment pour accompagner les cycles économiques. Ici comme ailleurs, la solution est plus pragmatique qu’idéologique.

Ecrire à l’auteur: nicolas.jutzet@leregardlibre.com

Crédit photo: Pixabay

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