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Elections sous tensions au Pakistan3 minutes de lecture

par Clément Guntern
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Les lundis de l’actualité – Clément Guntern

Le 25 juillet de cette année se tiendront les élections législatives au Pakistan. Information qui, au premier abord, peut sembler banale. Cependant, jamais, dans ce pays de 200 millions d’habitants aux portes du théâtre afghan, deux gouvernements civils successifs ne s’étaient succédé. Alors qu’au moins quinze chefs d’Etat ont été déposés par la puissante armée depuis 1947, un semblant de stabilité se serait-il installé dans la République islamique du Pakistan ?

Au vu de la campagne législative actuelle, parler de démocratie libérale semble être un abus de langage. En effet, l’armée et les services secrets pakistanais, organes extrêmement puissants dans la vie politique pakistanaise, ont mené une campagne de terreur parmi les critiques de l’institution militaire. Plusieurs journalistes ont été enlevés dont Gul Bukhari, une critique de premier plan de l’armée dans la presse pakistanaise. Sur les réseaux sociaux aussi, la censure est appliquée ; toutes les sympathies envers le parti civil au pouvoir sont contrôlées et qualifiées par l’armée d’ « activités antiétatiques ». De plus, à l’approche de l’échéance du 25 juillet, la censure s’intensifie sur les réseaux sociaux et dans la presse. Le journal anglophone Dawn en a fait les frais puisqu’il a été interdit de parution pour des violations éthiques alors qu’il venait de publier un entretien avec l’ancien premier ministre destitué dans lequel il critiquait les militaires. Pourtant, ces pressions sur la vie démocratique se sont toujours fait sentir au Pakistan. La différence se situe dans le fait que la répression a gagné en visibilité ces derniers temps. Tant qu’une sorte de politique dynastique demeurera au Pakistan, les militaires garderont une place importante dans le pays.

Cette élection, en plus d’être importante pour la stabilité interne du Pakistan, vont influencer les prises de décision dans toute la région. D’autant plus que cette année et en 2019 auront lieu des élections aux Etats-Unis, en Inde et en Afghanistan, les trois autres acteurs dans la région. Depuis le début de son mandat, le président Trump a tenu des propos durs à l’encontre de la République islamique. Le président des Etats-Unis l’accuse de jouer un double jeu avec les Talibans : d’un côté le Pakistan reçoit des subventions américaines (certes réduites de trois à un milliard), et de l’autre Islamabad soutient les Talibans afghans. Trump a évoqué la mise en place de sanctions afin de pousser les Pakistanais à coopérer avec eux en Afghanistan. Selon les militaires pakistanais, de telles mesures de déstabiliseraient pas le pays; bien au contraire, elles renforceraient l’armée dans le rôle dans lequel elle se met, celui de garant de l’indépendance face à un complot international. Le plus grand danger pour Islamabad ne se trouve pas dans les menaces américaines, ni même dans sa grande animosité avec son voisin indien, mais bien dans la lutte contre les islamistes.

Car si le Pakistan se retrouve aujourd’hui à lutter contre des islamistes au sein de ses frontières et de l’autre côté de la barrière en Afghanistan, c’est parce que les autorités ont instrumentalisé ces mouvements. Que ce soit lors de l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques dans les années huitante ou dans la partie indienne de la région disputée du Cachemire, Islamabad a soutenu des factions islamistes. Ce soutien avait un double objectif : contrer l’Inde et avoir un pouvoir ami en Afghanistan. Le long de sa frontière ouest, le Pakistan a perdu son emprise sur les Talibans pakistanais qui se radicalisent dans leur opposition à l’armée nationale.

Cette situation régionale de lutte contre l’islamisme et la coalition des Etats-Unis avec le pouvoir afghan et l’Inde fait se renforcer le sentiment de conspiration. Ainsi, un moment crucial pour l’avenir du Pakistan comme ces élections législatives risque d’être repris à son compte par l’armée qui se sent menacée dans sa domination nationale. La répression pré-électorale en est certainement le symptôme. La démocratie, dans tous les pays du monde, reste malheureusement un bien plus que fragile.

Ecrire à l’auteur : clement.guntern@legardlibre.com

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