Promenades théâtrales (1/6)
Le Regard Libre N° 14 – Loris S. Musumeci
Dans l’obscurité, la salle se remplit peu à peu. Les murmures et le bruit sourd des pas discrets annoncent un début qui, dans l’excitation incomprise, l’émotion douteuse mais aussi l’appréhension, s’approche ; lorsque soudain, telle une vague surgissant d’une mer silencieuse, tel un coq chantant trop tôt, avant l’aube d’un nouveau jour, surgissent, de la profondeur du cœur des coulisses, les fameux et décisifs trois coups. Le rideau d’un rouge épais et dense s’ouvre ; c’est sur les planches que commence une nouvelle réalité, celle de vies appelées à être ressuscitées sur la scène par la représentation. L’art dramatique s’actualise alors à nouveau. Le corps d’un homme s’apprête à revivre l’existence d’un autre, tout en l’offrant à un public unique et éphémère ; cela par la présence temporelle du comédien qui réanime une histoire intemporelle. Bienvenue au théâtre, lieu de mystère continu.
Ils seraient si nombreux, les éléments théoriques, techniques et philosophiques à évoquer pour réaliser une introduction au théâtre, qu’un seul livre aurait déjà quelques difficultés à les contenir. De fait, Henri Gouhier, notamment éminent penseur de l’art, en toute humilité, affirme, à la fin de son ouvrage Le théâtre et l’existence, qui cherche à aller du théâtre à la philosophie par la pensée de l’essence même de ce premier – thèse qu’il aborde dans un essai précédent L’essence du théâtre – : « La philosophie et l’esthétique du théâtre doivent se constituer à travers une histoire comparée des arts du théâtre et en faisant appel à de multiples sciences, psychologie et psychanalyse, sociologie et ethnographie. Toutefois, une vue d’ensemble peut être commode, permettant de poser, de situer et de soupeser les problèmes fondamentaux. Une telle esquisse, par sa nature même, s’adresse simplement à tous ceux qui aiment le théâtre et qui ne refusent pas l’effort de réfléchir sur ce qu’ils aiment, sachant que la meilleure façon d’aimer est encore de chercher à comprendre. ‘Conclusion’ ne conviendrait pas plus ici que ‘dénouement’ à la fin d’un premier acte. Ces pages ne sont rien de plus qu’une scène d’exposition. »