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Les Valaisans, un peuple à part3 minutes de lecture

par Sébastien Oreiller
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Le Regard Libre N° 21 – Sébastien Oreiller

Je ne veux pas donner mon avis sur l’affaire Darbellay. Je me bornerai à constater que la tourmente autour de cette affaire de mœurs, quoique largement médiatisée dans le Vieux Pays, semble avoir fait plus de scandale chez nos voisins, dans les cantons de Vaud et Genève. Peut-être parce que cela ne nous concerne pas, peut-être parce qu’ici, il n’y a personne à convaincre, l’opinion du tribun conservateur étant universelle au sein de son parti, et largement partagée par les autres partis de droite, c’est-à-dire la quasi-totalité du canton. Si toutefois nous pouvons vraiment parler d’opinion: il vaudrait mieux en effet parler d’une habitude, ancestrale, religieuse, partagée de tous, croyants ou non, comme une sorte d’inconscient collectif valaisan.

A l’inverse de l’anonymat des grandes villes, nous, les provinciaux, habitués au cadre du village, considérons la famille comme un environnement naturel. Ce ne sont pas les maîtresses de nos politiciens qui changeront cela, fort heureusement. D’ailleurs, la vie privée de nos élus ne nous intéresse pas, l’adultère non plus, et Dieu sait s’il est monnaie courante, peut-être même justement a fortiori parce qu’il est monnaie courante. Tout le monde connaît tout le monde, il faut bien faire avec, et de toute façon cela nous est égal.

Voilà donc un cas paradigmatique de la mentalité valaisanne, un cas qui explique, en fait, notre indifférence au monde extérieur, avec tout ce que cela peut comporter de négatif, mais aussi de positif. Tant par notre situation géographique que par notre entrée tardive dans la modernité, mais aussi par l’éternel schéma des tensions politiques, qui ont peu changé en deux siècles, le Valaisan se considère en décalage avec le reste de la Suisse, en tout cas romande, il se considère en fait comme un être à part. Avec un certain orgueil d’ailleurs. On nous dit les Corses de la Suisse, je dirais plutôt les Siciliens.

Sans tomber dans un romantisme outrancier, j’aimerais tisser un parallèle avec un film que j’aime beaucoup et dont j’ai déjà traité, Le Guépard, de Luchino Visconti. «Nous sommes vieux, très vieux. Ce que nous voulons, c’est un long sommeil dont personne ne pourra nous réveiller. Notre aspiration la plus violente est une aspiration à l’oubli. Désir de voluptueuse immobilité.»

Et en parlant du caractère des Valaisans, comme le prince de Salina, nous pourrions dire plutôt le caractère du Valais, «l’ambiance, la violence des paysages», la montagne, la chasse, la vigne, tout ce qui nous retient à notre terre en fait, parce qu’elle est tout pour nous, encore aujourd’hui, de la plaine aux stations de ski, et que nous ne supportons pas que l’on y touche, et surtout que le reste de la Suisse vienne y toucher.

Et pourtant! Comme le dirait Don Fabrizio à son chapelain, allergique aux rafales, il faut bien un petit peu de vent, sinon tout n’est que marasme. Aussi arrive-t-il dans notre histoire que nous nous retrouvions face à des défis, urgents, qu’il convient d’affronter. Mais ne sont-ce pas là que des vagues passagères, aussi vite oubliées qu’elles étaient nécessaires? Qui aujourd’hui, en regardant la fertile plaine du Rhône, pense encore à Maurice Troillet, le grand homme qui a fait jaillir les vergers des marécages, construit les routes, le tunnel du Grand-Saint-Bernard, fondé les écoles d’agriculture, tant de réformes pour faire entrer le pays dans la modernité, mais une modernité qui reposerait sur la paysannerie traditionnelle? Une modernité pour combattre la modernité en quelque sorte.

Je finirai sur cette note: si l’immobilité n’est pas un état souhaitable, en tous cas sur le long terme, la modernité ne peut être désirée pour elle-même. La frénésie du changement telle qu’elle agite nos voisins est aussi néfaste que le conservatisme automatique, peut-être plus encore, car on ne sait jamais vers où l’on va, tandis qu’on sait toujours où l’on est et d’où on vient. Mais, me diriez-vous, quel rapport avec Darbellay?

Ecrire à l’auteur: sebastien.oreiller@netplus.ch

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