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Société

Tribune

Pour une libéralisation des drogues5 minutes de lecture

par Nicolas Jutzet
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J’aimerais par ces lignes revenir sur les principaux arguments que j’ai pu défendre lors du débat organisé par Le Regard Libre sur la politique des drogues, le 12 mai dernier. Cet article est également l’occasion de rendre un hommage ému et emprunt de respect à Olivier Guéniat, chef de la police judiciaire de Neuchâtel. Sa disparition est assurément une perte inestimable pour ses proches, sa famille, ses collègues. Pour le Neuchâtelois que je suis, c’est également une perte de savoir immense, tant l’expertise de l’homme était vaste et reconnue. Continuer son combat, pour la jeunesse, pour plus de pragmatisme, pour des résultats sur le terrain, sera notre plus bel hommage. Assurément, il manquera.

Afin de clarifier mes propos, voici tout d’abord les définitions nécessaires à la bonne compréhension de mon argumentaire:

• La dépénalisation est l’abolition de sanctions pénales pour certains actes, même si des amendes peuvent toujours s’appliquer.

• La légalisation des drogues peut être définie comme la consécration juridique des libertés d’user, de produire et de faire commerce de produits psychotropes jusqu’alors illicites. Elle se distingue de la dépénalisation qui désigne un assouplissement de la sanction pénale pouvant aller jusqu’à sa suppression pure et simple. La dépénalisation signale un processus d’affaiblissement de la répression, mais elle reste inscrite dans une logique prohibitionniste. La légalisation requiert au contraire une abrogation de l’interdit.

Contre la consommation, mais pour la légalisation

Durant ce débat, j’ai pu rappeler mon opposition personnelle à toute consommation de stupéfiants. Cela étant, pour des raisons notamment d’efficacité sur lesquelles je reviendrai, il faut, c’est mon postulat de base, dépénaliser et légaliser toutes les drogues. Cette position est tout à fait compatible avec mon aversion pour la consommation. En cessant de dépenser de l’argent (deux tiers du budget consacré à la problématique de la drogue actuellement) dans une répression qui ne fonctionne pas, ou si peu, et en créant de nouvelles entrées (TVA, ou taxe spéciale comme sur le tabac par exemple), la libéralisation de ces produits permet de mieux prendre en charge les personnes qui sont en dépendantes.

En soignant l’accompagnement, mais aussi en renforçant le volet préventif, il est possible d’arriver à une meilleure gestion de la problématique. Cette vision utilitariste est souvent décriée pour sa vénalité. Il est évidemment possible de rejeter toute idée de profit sur les choix d’autrui en lien avec des produits qui rendent dépendant, mais la cohérence voudrait dans ce cas d’arrêter de vendre alcool, cigarettes et autres produits du genre. Quid du sucre, du café et d’autres «drogues» démocratisées?

De plus, la banalisation de l’infraction décrédibilise totalement la force judiciaire. L’attrait de l’interdit pousse une partie non négligeable de la jeunesse à tenter l’expérience, de transgresser la loi. Cette dérive sape la légitimité de l’autorité étatique. Il est comique de voir que cet argument n’est pas retenu par les apôtres du tout répressif, voire de la prohibition. Dans ce sens, l’autorisation de vente de la CBD (cannabis à faible teneur de THC) est un magnifique cheval de Troie. En créant une confusion entre le permis et l’interdit, elle prépare les esprits à une autorisation complète. Elle place le policier dans une position délicate. C’est une décision hautement politique que celle prise par la Conseil fédéral.

Liberté et responsabilité

Dépénalisation et la légalisation se justifient également par le fait qu’il n’est pas admissible, par paternalisme, de décider de manière arbitraire de ce qui est bon ou pas pour le citoyen. Il s’agit par-là de mettre fin à la stigmatisation qu’induit l’interdit. Cette nouvelle liberté accordée aux citoyens passe toutefois par une adaptation globale du système suisse. Impossible pour moi de transmettre des libertés sans y ajouter de responsabilités.

Il est donc indispensable de supprimer l’obligation de s’assurer contre la maladie et de permettre à chacun de partager ou non ses risques; c’est bien le but d’une assurance, avec quelqu’un qui présente un comportement «à risque». Je précise ici, pour éviter tout procès d’intention dommageable, qu’il serait uniquement possible de sélectionner les «comportements à risque» et non les risques tout court. Pour le libéral que je suis, refuser de faire payer à quelqu’un le fait d’être né avec des gènes déficients est une évidence. Le hasard génétique ne doit pas être reproché, le comportement risqué, oui.

Que la distribution de drogues soit ensuite assurée par l’Etat comme en Uruguay, ou de façon libre comme dans certains Etats américains, est une question purement politique. Des bienfaits sont présents dans l’une des deux variantes comme dans l’autre. La première peut faire office d’étape provisoire, pour éviter de brusquer les esprits.

Le produit vendu est d’une meilleure qualité que ce que l’on trouve actuellement sur le marché noir. Elle permet de créer localement une partie de la vente, ce qui crée des emplois auparavant délaissés à un marché noir qui engendre crimes et malversations. De plus, comme évoqué plus haut, elle permet de récolter des fonds pour accompagner et soigner ceux qui peuvent l’être.

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Les différents exemples testés ailleurs doivent pouvoir nous inspirer sans entretenir l’illusion d’une solution parfaite qui pourrait mettre un terme à la consommation du jour au lendemain. Des améliorations sont possibles. Elles sont à portée de main. Saisissons l’occasion.

Vous venez de lire une tribune tirée de notre édition papier (Le Regard Libre N° 28).

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