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«La Planète des singes: Suprématie»5 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci

Une rubrique partenaire de Cinérevue, l’émission cinématographique de NeuchVox. Prochain direct : lundi 2 octobre 2017, 20h30 – 21h00

«Je t’ai offert la paix, et tu as tué ma famille.»

Après les deux premiers épisodes des Origines et de l’Affrontement, César vit au cœur d’une forêt reculée avec sa tribu de singes. Malgré l’isolement de ces derniers, le colonel McCullough et sa milice indépendante voient toujours en eux une menace pour l’humanité. Une nuit, ils leur lancent une attaque secrète pour imposer l’autorité des hommes. La lutte, bien que brève, provoque la mort tragique de nombreux singes, dont celle l’épouse et de l’aîné de César.

Le chef du clan avait offert la paix au colonel, mais suite aux événements, l’heure des représailles arrive. Submergé par la haine, César s’aventure à sa recherche. Il est accompagné dans la quête assoiffée de vengeance par trois sages et vaillants compagnons de diverses races simiennes: Maurice, Rocket et Luca. La route est longue, dure, douteuse. Elle ne manque pas de surprises, qui finissent par mener le singe face à l’ennemi; dans des conditions terribles, vers des révélations inattendues.

Des comédiens masqués

Si la trame parvient ici à un point culminant, le film est déjà abimé par de nombreuses ratures. A commencer par les singes eux-mêmes. Simplement, les émotions que voudrait transmettre leur histoire ne passent pas. Le premier ensemble de défauts provient de leur apparence. Les gestes qu’ils expriment prennent tantôt des mouvements de robots, tantôt des allures de caricatures théâtrales.

Du théâtre, les singes virent même au carnaval. Pour cause: le regard humain porté par les primates, provoquant un décalage désagréable. Ce sont en effet des acteurs recouverts de capteurs qui ont joué les rôles. La technologie du numérique les a ensuite habillés virtuellement de pelage. Le résultat à l’écran offre le constat désolé de comédiens masqués. Qui plus est, avec des déguisements de basse qualité. Les scènes les plus lumineuses révèlent des poils trop brillants, synthétiques de façon flagrante.

A lire aussi: La Planète des singes, une histoire racontée par sa musique et ses bruits angoissants

«Hu, ha, ha»

Le spectateur n’est cependant pas au bout de ses peines face à ces bêtes grotesques, car leur langage est encore de plus mauvais goût. La volonté de susciter le réel se ressent bien, mais les «hu, ha, ha» à tire-larigot deviennent vraiment pesants. La communication passe d’ailleurs sans cohérence aucune de la langue des humains aux cris, jusqu’à des signes de sourds-muets. Maladroitement traduits par des sous-titres, en caractères jaunes, comble d’esthétique.

Les traits faciaux, censés soutenir le tout en subtilité, renversent davantage la crédibilité des singes en les rendant plutôt drôles. Ils rappellent en fait les marionnettes des guignols. Enfin, ce qui sort de leur gueule, à savoir grammaire des phrases et scansion, renvoie à des hommes des cavernes mal interprétés.

Lenteur et prévisibilité

Quant au rythme de l’histoire, il est aussi lourd qu’un gorille boulimique. César chevauche les plaines enneigées à la poursuite du colonel. Cette partie est néanmoins si longue en proportion à la totalité du film, qu’il n’est pas inopportun de se demander si le singe n’a pas oublié son but au profit de quelque douce balade.

Les phrases pensées et repensées, mûrement réfléchies en vue de donner de la gravité aux personnages, participent de cette lenteur. D’autant plus que ce sont presque toujours des banalités qui se disent, excepté un petit nombre de sentences d’un tissu plus philosophique. Les procédés de jeu dramatique chargent en plus le long-métrage de prévisibilité. Une série de séquences se remarque tout particulièrement dans la répétition: lorsque le colonel s’approche de César pour lui parler, il se met accroupi, penche légèrement la tête, et prend un visage de pitié grimacée. De toute évidence, le moment en question perd de sa profondeur si le spectateur s’amuse à recomposer lui-même les mouvements et déplacements du plateau de tournage.

Des tonalités extrêmes

Du côté de sa photographie, La Planète des singes: Suprématie ne produit rien d’exceptionnel non plus. De beaux paysages s’offrent sur la pellicule, mais l’émerveillement tourne vite à l’écœurement tant les clichés d’une nature immaculée sonnent faux. Les images deviennent assurément laides et lassantes sans trop tarder.

Que ce soit dans le froid et ses neiges de la guerre, ou dans la sèche et fertile chaleur de la «terre promise», les tonalités apparaissent trop extrêmes. L’errance de César, Maurice, Rocket et Luca se noie dans le gris pénible qui veut trop jouer l’hiver. Le soleil orangé en fait de même sous les meilleurs augures d’un peuple ayant retrouvé sa liberté. L’impression de chaleur est si accentuée, que le spectateur se croit plus face à une publicité de vacances au bord de la plage.

«Laisse-le!»

La réalisation de Matt Reeves sauve au moins un mérite: la symbolique. Rien que pour ce bon point, le film demeure un tant soit peu intéressant. Les allusions bibliques, historiques et politiques font preuve de pertinence. La figure du patriarche Moïse, pour l’exemple, est très visible à travers César qui veut libérer son peuple. Au temps où les singes sont réduits en esclavage, le cri du messie des primates retentit en celui du personnage biblique. «Laisse-le!», hurlent, désespérés, Moïse comme César alors qu’un vieillard est fouetté injustement jusqu’au sang. La culture d’animation devrait se souvenir de la scène représentée avec force dans Le Prince d’Egypte.

Suprématie, le titre francophone du chapitre, même, ne peut s’empêcher de provoquer quelque écho aux suprémacistes blancs américains. Une guerre entre le nord et le sud du pays est aussi mentionnée dans le film. Lien à tisser à la guerre de Sécession. Plus aucun Noir à libérer, mais des singes. L’idéologie nazie, pour sa part, ne manque pas non plus de visibilité. Les camps évoquent tout de suite ceux du Reich, ainsi que les projets génocidaires et les discours prônant un salut de la pureté raciale.

Le troisième volet de la saga simiesque est déplaisant à regarder, et son réalisateur signe somme toute un échec artistique qui connaît, par les lois du commerce, tout de même un bon succès dans les salles. Pour le moins, l’œuvre inspirée de Pierre Boulle continue sa mission de réflexion et raisonnement, dans un Occident point exempt de totalitarisme.

«Vous êtes enfin tous chez vous.»

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © i2.wp.com

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