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Hergé, l’homme à la houppette3 minutes de lecture

par Nicolas Jutzet
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Le Regard Libre N° 32 – Nicolas Jutzet

On connaît Tintin et son inséparable fox-terrier, son autre fidèle compagnon de route, un brin vulgaire et alcoolisé, ou encore le lunatique, et brillant, professeur Tournesol. Mais qui connaît celui qui se cache derrière cet univers qui passionne, depuis plus de quatre-vingt ans, les jeunes, et ceux qui tentent de le rester?

Derrière ce véritable pilier du monde de la bande dessinée, se cache un homme tourmenté. Hergé, de son vrai prénom Georges Remi. Un ingénieux (Hergé est la contraction entre la première lettre de son nom et de son prénom) et talentueux dessinateur, qui ne cessera de prendre sa mission à cœur. Le résultat de son travail? Une œuvre mondialement reconnue, et lue. Encore aujourd’hui. 250 millions d’albums vendus, traduits en 110 langues différentes. Un bel héritage. Sa demande explicite d’empêcher la parution de tout autre album de son héros après sa mort nous oblige à nous contenter de l’existant. Vingt-trois albums, plus un non achevé. De toute façon, il est sans doute illusoire de croire qu’un autre auteur, aussi talentueux soit-il, soit capable de faire vivre à nouveau le téméraire reporter. Le génie créateur s’est éteint avec la mort de son dévoué Hergé.

Son enfance est marquée par la guerre. La première. Paradoxalement, celui qui permet à beaucoup de jeunes de vivre de joyeuses aventures au travers de ses planches aura connu une entame de vie terne et difficile. Pour sortir de cet environnement maussade, il dessine, il croque, avec passion. Il en fera finalement son métier. Après être entré comme simple employé de bureau au journal conservateur Le Vingtième siècle, il y devient dessinateur. Il bénéficie de la bienveillance du directeur de l’époque, l’abbé Norbert Wallez. En plus de lui permettre de mieux appréhender sa personnalité, il lui présente celle qui deviendra sa femme, Germaine Kieckens.

Les premiers albums sont éminemment politiques. Tintin au pays des soviets dresse un portrait au vitriol, se moquant de la pénurie et des incohérences du communisme. Le second, Tintin au Congo, doit servir à éveiller les ambitions coloniales de la relève du pays. Ses supérieurs voient la possibilité de happer l’attention et de propager leurs idées auprès des jeunes via les images, bien plus percutantes que le texte. Pour Hervé, c’est un jeu. Toutefois, au fil des albums, les personnages, les histoires, tout prend de l’épaisseur. La documentation est enrichie. Quelque peu instrumentalisé à ses débuts, Hergé s’affranchit gentiment. Il prend son bébé en main.

Un paradoxe nous restera. Hergé aime Bruxelles. Contrairement à son aventurier,  jamais avare de nouveaux horizons, il bouge peu. Du moins en début de carrière. L’impression de le voir voyager à travers son héros nous revient. Par ailleurs, une petite part d’Hergé vient se glisser dans chaque personnage marquant. Tintin sera le jeune boy-scout qu’il a été, et qu’il aurait aimé devenir. Le capitaine Haddock, sa face sombre, rustre et frustre, celle des mauvais jours. Le déroutant professeur Tournesol représente lui l’acharnement au travail d’Hergé. Véritable bourreau de travail, comme ancré à son bureau. Dupont et Dupond rappellent le père de Georges Remi et son frère jumeau qui portaient chapeau et usaient de la canne.

Durant la Seconde Guerre mondiale, il rejoint le journal Le Soir, tombé aux mains de l’envahisseur nazi. A la libération, son manque d’engagement lui sera reproché. Epinglé, il se verra interdit de publication pendant deux longues années. Réhabilité, il passera le restant de ses jours à transformer sa création en véritable industrie. Les débouchés sont nombreux, le travail aussi.

C’est ici qu’il rencontre la jeune Fanny Vlamynck, coloriste. Elle lui fait tourner la tête. Le dilemme est insoutenable pour l’homme à l’éducation sérieuse, pour qui la morale compte. Il souffre. Après une longue phase de réflexion, visible dans Tintin au Tibet qui fait office de véritable psychothérapie, Hergé finit par céder. La pureté, présente dans l’album cité auparavant sous la forme blanche de la neige, cède la place au péché. Il décide de quitter sa femme pour la jeune prétendante.  S’ensuivront des voyages désormais plus réguliers. Comme délivré, il ne cesse pourtant pas de dessiner, de créer, de produire. Jusqu’à sa mort.

Ecrire à l’auteur: nicolas.jutzet@leregardlibre.com

Crédit photo: © Creative Review

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