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«La Ch’tite famille»: un film pas très bo(o)n4 minutes de lecture

par Thierry Fivaz
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Les mercredis du cinéma – Thierry Fivaz

Il y a dix ans de cela, à la même période, sortait dans les salles de l’Hexagone et de Suisse romande Bienvenue chez les Ch’tis (2008). Seconde réalisation de l’acteur et humoriste Dany Boon, cette comédie désormais bien connue racontait l’histoire d’un Français du Sud quelque peu affabulateur (Kad Merad) qui se voyait muter – pour son plus grand désarroi – à Bergues, petite ville située dans le Nord, et dans laquelle il rencontrait un Ch’ti au grand cœur (Dany Boon). Cette reprise du tandem antagoniste et l’alchimie qui se dégageait entre les deux comédiens rappelèrent immédiatement certains grands succès du cinéma populaire français – à l’image de La Grande Vadrouille (1966) – et demeure, sans doute, une des raisons de l’incroyable succès de ce film aux vingt millions d’entrées.

Mais si la recette s’était montrée efficace en 2008 celle que nous propose cette année Dany Boon avec La Ch’tite famille (2018) l’est beaucoup moins. Convoquant encore une fois l’accent du Nord et ses particularismes langagiers, le sixième long-métrage de Boon narre l’histoire de Valentin D. (Dany Boon), un natif du Nord qui est monté à Paris pour vivre pleinement sa passion et qui va jusqu’à en oublier (ou plutôt renier) ses origines. Formant avec son épouse Constance Brandt (Laurence Arné) un couple de créateurs parisien bien en vue – on compte à leur actif une chaise à trois pieds aussi instable qu’inconfortable, mais lauréate de nombreux prix –, Valentin, confronté au snobisme du milieu créatif et ayant honte de ses origines modestes et populaires, perd son accent, coupe les ponts avec sa famille et va jusqu’à prétendre qu’il est orphelin. Un manège qui durera dix ans.

Valentin perd le nord

Or tout le monde n’a pas la chance d’être orphelin, et comme on pouvait s’y attendre, c’est au pire des moments – lors d’un vernissage de la rétrospective des œuvres du couple au Palais de Tokyo – que la famille aux manières grossières et au fort accent ch’ti débarque dans la vie parisienne et bien rangée de Valentin et Constance. Si l’enthousiasme des retrouvailles familiales s’avère mitigé, la comédie démarre véritablement lorsque Valentin, violemment renversé par une voiture, est frappé d’amnésie partielle et croit qu’il est âgé de dix-sept ans. Face au drame, la famille fraîchement débarquée fera alors front, et avec Constance, épouse modèle et aimante – dont Valentin n’a d’ailleurs aucun souvenir – s’emploiera pour que le malheureux recouvre la mémoire.

Des miroirs délirants

Si La Ch’tite famille, comme tous les films de Boon, est emplie de bons sentiments, nous pouvons cependant nous demander si l’hommage que le réalisateur-acteur semble adresser à sa région natale en demeure véritablement un. En effet, dans La Ch’tite famille, les nordistes sont envisagés uniquement comme des êtres grossiers, vulgaires, limités intellectuellement et financièrement intéressés. Car si la petite famille arrive officiellement à Paris pour fêter les quatre-vingts ans de la mère de Valentin (jouée par une froide et peu attachante Line Renaud), c’est aussi et surtout parce que Gustave – le frère de Valentin (Guy Lecluyse) – et son épouse (Valérie Bonneton) souhaitent que Valentin leur prête quelques milliers d’euros.

Quant aux Parisiens, ces derniers ne sont pas mieux lotis; reprenant le poncif habituel, il ne s’agit que de personnes vénales, superficielles et excessivement snobs – à l’instar du père de Constance et beau-père de Valentin, Alexander Brandt (François Berléand). Or, si jouer avec les stéréotypes, les exagérer, les déformer, permet parfois de mieux les déconstruire et suscite ainsi rire et amusement, La Ch’tite famille au lieu de jouer avec ces clichés, les manipule sans finesse et semble dès lors les consolider.

Un étrange mélange des genres

Quant au titre du film, s’il pouvait faire croire qu’il s’agissait d’une suite à Bienvenue chez les Ch’tis, force est de constater que nous en sommes bien loin, tant au niveau du rythme de la comédie – qui s’avère vraiment poussive – que de la comicité; les blagues ch’ti de La Ch’tite famille deviennent vite éculées et on en va jusqu’à se demander si le réalisateur n’avait pas déjà tout exploré dans ce premier film nordiste.

Enfin, dans de récents entretiens, Dany Boon précise que La Ch’tite famille est un objet très personnel. On sent très bien que le réalisateur s’est impliqué dans son film, mais à vouloir trop mettre de soi, on perd en clarté. Le film va dans tous les sens, passant tantôt de la comédie (presque) dramatique, à la comédie loufoque, en passant par celle de mœurs; on frôle l’indigestion et on en viendrait presque à tremper son maroilles dans son café.

Ecrire à l’auteur: thierry.fivaz@leregardlibre.com

Crédit photo: © Pathé Films

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