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«Moi, Tonya», le triomphe de l’irrévérence3 minutes de lecture

par Alexandre Wälti
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L’insolence fait du bien quand elle est filmée avec dignité et talent. Une phrase pour caractériser un film, c’est peu, trop peu. Surtout dans le cas de Moi, Tonya. Un film qui est inspiré de l’histoire vraie d’une patineuse américaine, Tonya Harding, dont la personnalité tenace a permis l’existence d’une athlète d’exception. Une vie de fermeté, de violence et aussi brutale qu’un bloc de glace éclatant au sol.

De la brutalité dans le monde du patinage artistique? Apparemment, l’association étonne et va à l’encontre de l’image – sûrement trop stéréotypée – qu’on se fait souvent de ce sport. C’est toute la force du film de Craig Gillespie: montrer la souffrance silencieuse derrière la célébrité éphémère. Il entrecroise des entretiens avec les véritables personnes de l’intrigue et le monde de la fiction.

Un va-et-vient surprenant entre le langage documentaire et cinématographique. Il filme ainsi sans détour le quotidien harassant d’une femme qui doit constamment remonter la pente pour réaliser un rêve: être la première patineuse à effectuer la figure la plus exigeante de la discipline aux Jeux Olympiques, après l’avoir réalisé dans les compétitions nationales dès 1991. Nous parlons du triple axel – trois tours et demi sur soi en l’air, avant de retomber sur la glace.

Le miroitement de tristes réalités

Le réalistateur s’est emparé d’un destin hors du commun et tout à la fois trop quotidien si l’on en croit les statistiques sur les violences conjugales. Permettez-nous une digression à ce sujet. En Suisse, par exemple, durant l’année 2016, 17’685 infractions de violence domestique ont été enregistrées par la police. Après un bref calcul, cela représente tout de même environ quarante-huit cas quotidiens (OFS). Ce fléau n’est pas le thème central du long-métrage, mais il le traverse et le marque d’une empreinte indéniable. Il ruine plus d’une vie, détruit tant de familles. Comme celle de Tonya.

Ne nous écartons pas davantage. Revenons-en à nos patins. Etre patineuse ou patineur, c’est un entraînement quotidien de plusieurs heures pour une discipline olympique moins populaire que le ski alpin. Quelle patineuse a gagné la médaille d’or du programme libre aux JO de PyeongChang 2018? Vous n’êtes pas le seul ou la seule à l’ignorer.

Une existence fracassée

Margot Robbie interprète avec furie et déchirement Tonya Harding. Une femme toujours à la limite de l’implosion qui résiste, qui survit malgré les contrecoups personnels à répétitions, qui renaît sans cesse grâce à sa passion infatigable pour le patinage. Un être fracassé par la vie qui ne cherche que le dépassement de soi et, au passage, l’explosion des codes propres sur soi et trop princesse du patinage artistique. Une rockeuse au milieu des ballerines, à l’image de la bande-son; très rock’n’roll.

Et que dire de la glaçante et hilarante Allison Janney – récompensée par l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle – qui joue la mère de Tonya? Elle assure l’humour volontairement noir de l’ensemble; matrone impitoyable et délicieusement cynique. Des éclats de rires qui débouchent parfois sur une détestation profonde.

Moi, Tonya est surtout une belle réussite formelle. Craig Gillespie a effectivement respecté le caractère rebelle et parfois insolent de Tonya Harding; au point de l’inclure même dans sa manière de monter son film. Casser le langage cinématographique traditionnel pour mieux souligner la force de la protagoniste principale.

Un irrespect indispensable des codes sociaux

Une irrévérence qui fait du bien, explose la prison du conformisme et le danger de l’uniformisation. Ici, c’est dans l’univers du patinage; dans la rue, cela peut être le refus d’un système ou de certaines pratiques. Le réalisateur n’hésite ni d’interrompre brutalement les instants de suspens ni de créer des apartés dans lesquels les acteurs s’adressent directement au spectateur; pour le confronter à la réalité, l’interroger sur ce qu’il voit. Et ce, souvent à des moments importants du film.

Bref, Moi, Tonya est saisissant. C’est le portrait de ce qu’il y a parfois derrière une championne. Le biopic insipide est évité et une destinée trop banale est mis sur le banc des accusés. Il n’est pas question de dénoncer, juste de démontrer une réalité. C’est aussi simple que cela.

La russe Alina Zagitova, médaillée d’or du programme de patinage libre femmes aux Jeux Olympiques de PyeongChang 2018, a-t-elle connu un destin semblable à celui de Tonya Harding? Nous l’ignorons, même si nous en doutons.

Ecrire à l’auteur: alexandrewaelti@gmail.com

Crédit photo: © Ascot Elite Entertainment

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