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«Dark is the Night»3 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Festival International de Films de Fribourg – Loris S. Musumeci

« Durant mon mandat, je mettrai un terme au problème de la drogue. »

Lando (Phillip Salvador) chante un joyeux « Happy birthday to you ! » au karaoké. Sarah (Gina Alajar), sa femme, rit. Alan (Felix Roco), leur fils, se confond aux quelques autres amis présents pour l’occasion. Des coups de feu interrompent soudain la fête. La police coure dans la rue. Un jeune garçon prend la fuite ; sans tarder, il est abattu. La foule se rassemble autour du cadavre. La mère de la victime accoure. Elle hurle de désespoir : « Mon fils est drogué, pas dealer ! » Effondrée.

Suite à l’épisode de la veille, Lando et Sarah recommandent la plus grande prudence à leur fils unique, qui consomme. Par ailleurs, le couple a pris la décision de se retirer d’un cercle mafieux de deal. Ce dernier profite de la précarité pour trouver des mains discrètes dans le commerce de la drogue. Le risque encouru est double : celui de la lutte effrénée et sans pitié du président Duerte, et celui du groupe criminel quitté, ne leur assurant plus aucune protection. La journée du danger ne passe même pas qu’Alan disparaît. Ses parents le cherche partout, paniqués, dans leur triste bidonville de Manille.

Un cinéma porté par l’expérience

Dark is the Night accumule les bons procédés qui lui donnent chair et puissance. Son réalisateur, Adolfo Borinaga, s’est en effet déjà forgé un nom dans le cinéma philippin, et même asiatique. Du haut de ses trente-neuf ans, son talent d’observateur s’est vu élevé par de nombreuses réalisations qui lui ont donné une expérience confirmée. Autant pour le son que pour l’image, les détails servent avec loyauté une thématique grave et actuelle, à savoir la répression menaçante de Duerte contre la drogue.

Tout au long du film, la voix du président gronde à la radio. Il parle directement à la première personne, assénant des « je vais vous tuer », « honte à vous », « je vais vous trouver ». Le ton est donné d’emblée, son rythme aussi. Sans cesse, le spectateur est suivi par cette voix forte, dictatoriale et grésillante. Elle immerge le long-métrage dans l’angoisse permanente. Point de répit, de jour ou de nuit les milices de Duerte peuvent vous attraper, qui que soyez, où que vous soyez.

Une caméra à l’épaule pour un effet documentaire

La photographie collectionne en bonne et due forme des gros plans sur les visages apeurés, particulièrement sur celui de Sarah, laissant apparaître ses constantes gouttelettes de sueur. Là n’est pas cependant la majeure habileté de réalisation. C’est la caméra à l’épaule qui rend davantage service au sujet. A la course ou aux pas rapides, elle suit les protagonistes, parfois tremblante, toujours agitée. De toute évidence, cela donne à Dark is the Night un côté documentaire parfaitement légitime. En outre, le filmage s’opère à plusieurs reprises depuis un coin caché, plaçant un obstacle sur l’image qui accentue le camouflage. Sarah et Lando semblent ainsi observés, espionnés.

Concernant le sujet en lui-même, il ne peut que toucher et révolter. Evidemment, la politique de Duerte est sanguinaire ; elle mérite dénonciation. En parallèle, Borinaga expose aussi bien le dilemme de la pauvre gent des bidonvilles : pour survivre financièrement, elle doit dealer, mais en dealant, elle risque à chaque instant la mort. La corruption des policiers, quant à elle, n’est pas épargnée non plus du scénario.

Dénoncer jusqu’à l’excès

Néanmoins, le film veut tant montrer, dire, dénoncer, crier qu’il pèche d’excès. L’erreur se retrouve directement dans le jeu des acteurs et dans la disposition de l’histoire, surtout à la fin. Déjà, il y avait eu en scène d’ouverture une mère anonyme pleurant son défunt fils. Mais au fil de l’avancement de la trame, ces mères, épouses et grand-mères se démultiplient, jusqu’à faire de l’ombre à la famille principale.

Malheureusement, il est difficile d’accueillir le trop-plein de misère sans en ressentir une once de lassitude. En outre, chacun déverse sa tristesse et son sentiment d’injustice face au régime de répression, au point d’en devenir pathétique, larmoyant et caricatural. Davantage de sobriété, de simplicité et de calme dans le jeu auraient mieux porté le film, comptant de nombreuses qualités. Sans faire une overdose de ses manquements, Dark is the Night perd en puissance ; mais son message reste gravé dans les yeux et dans les veines.

« Vous êtes bannis. »

Ecrire à l’auteur : loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo : © Dark is the Night

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