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«Loin de Douala», et l’Afrique vous manque3 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les lettres romandes du mardi – Loris S. Musumeci

Roger veut boza. C’est-à-dire qu’il veut partir pour l’Europe. Le jeune Camerounais n’en peut plus de Douala. Il rêve de football, il rêve de liberté. Le garçon est en effet beau gosse aux yeux des filles, et excellent joueur avec le ballon. Mais l’école ne l’intéresse pas: là, il est simplement mauvais. Honte pour la famille. Heureusement, le petit frère, Jean, sauve la mise niveau études: il est brillant. En revanche, avec les filles et les ballons, point de succès.

Ce n’est pas seulement l’amour du football qui pousse Roger à partir pour de bon: il hait sa mère. Elle se déchaîne contre lui, le bat violemment. En fait, elle n’a d’yeux que pour son «Choupinours» Jean; ce qui laisse la jalousie s’installer entre les frères. Le seul membre de la famille avec lequel un peu d’amitié est possible: le père. Or celui-ci meurt, sous la passivité de sa femme, bigote, qui préfère prier plutôt que d’appeler les secours. Trop c’est trop. Adieu Douala. Disparition de Roger. Jean part à la recherche de son frère avec son cousin Simon, un exemple de courage. Que l’aventure à travers un Cameroun sous les attentats commence.

Du style oral à l’humour

L’écriture de Max Lobe est bien fournie. L’écrivain sait concilier les paragraphes narratifs plus longs et les pauses. Il s’arrête sur des détails ou quelque précieux moment. Un plat trop épicé, la poitrine d’une fille, une pagne colorée. d d’un style oral fait pleinement partie du goût de la pause chez l’auteur. Les expressions d’un français tout africain donnent au roman un penchant réaliste, mais surtout comique.

Néanmoins, l’humour n’y est jamais moqueur. Il pointe avec tendresse le ridicule des tics de langage camerounais, sans pour autant les dévaloriser. C’est la langue du pays. Avec son phrasé lent bien qu’agité. Et le burlesque tient toute sa place. Des rires et des rires! Jean et Simon, sur le chemin pour retrouver leur «frère-cousin», rencontrent une femme belle et attirante qui se révèle un homme. La réaction des deux jeunes est simplement délicieuse. «La voix grave de la jeunette ne laisse aucune ambiguïté. C’est un travelo.»

L’Afrique vous manque

Au fur et à mesure du voyage, la découverte de la terre se fait de plus en plus plaisante. Son grand mérite est de ne pas virer à l’exposition du Cameroun à tout prix. L’aventure est dénuée de toute allure documentaire. Le lecteur peut apprécier de page en page, de ville en ville, les personnalités propres au lieu et les mésaventures prenant un aspect grave.

Bien que le roman se lise légèrement, le côté grave et plus tragique des choses est amené par Max Lobe tantôt avec justesse, tantôt avec excès. Lorsque l’auteur peint le tableau d’une société corrompue, il modère le désastre; en somme sa critique n’est ni idéologique ni gratuite. Aussi, quand il évoque Boko Haram, cela sied bien à l’aventure de Jean et Simon, qui découvrent une société qui change.

Là où l’écrivain commet peut-être un abus: les questions de l’identité familiale et de l’identité sexuelle. Il faut noter qu’il chute dans l’impasse des explications psychologisantes; tout a un sens qu’il faut absolument raconter et répéter au lecteur dans une logique paraissant si simple. Pourtant, le plaisir de lecture est assuré. Une fois Loin de Douala posé sur la table, que déjà l’Afrique vous manque.

 «Mais d’un coup on entend des tirs. Et tout le monde se couche. Silence. Effroi. Doux Jésus! Où est passé Simon? Je tourne la tête à gauche, à droite. Dans mon cœur, je récite: L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien. Et puis j’essaie de me rappeler le verset coranique. Je l’ai déjà oublié. Merdouille!»

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © Loris S. Musumeci pour Le Regard Libre

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