Vous êtes sur smartphone ?

Téléchargez l'application Le Regard Libre depuis le PlayStore ou l'AppStore et bénéficiez de notre application sur votre smartphone ou tablette.

Télécharger →
Non merci
Accueil » Le choix de la désobéissance

Le choix de la désobéissance3 minutes de lecture

par Virginia Eufemi
0 commentaire

Les mercredis du cinéma – Virginia Eufemi

Ronit Krushka (Rachel Weisz), talentueuse photographe exilée à New York, apprend la mort de son père, le rabbin d’une large communauté juive orthodoxe londonienne que Ronit a quitté depuis longtemps. La jeune femme décide toutefois de rentrer en Angleterre pour rendre hommage à son père. Là-bas elle retrouve ses amis d’enfance Esti (Rachel McAdams) et Dovid (Alessandro Nivola) qui se sont mariés entre-temps. Or, l’accueil est froid, voire glacial dans la communauté qui rejette la rebelle new-yorkaise en la culpabilisant de l’abandon de son père, figure de référence de la communauté. En effet, c’est Esti qui a fait appeler son ancienne amie dans l’espoir de la revoir et de ranimer leur ancienne passion, jamais éteinte dans le cœur de la jeune femme très pieuse.

Le film du réalisateur chilien Sebastiàn Lelio est inspiré du livre éponyme de la romancière anglaise Naomi Alderman, qui, comme sa protagoniste, a décidé de ne plus vivre dans la religion juive orthodoxe de sa famille. Ronit nous est très vite présentée comme une rebelle, qui n’hésite pas à répondre à son oncle, à casser les codes vestimentaires et les mœurs de la communauté. Toutefois, son tempérament relève plutôt de l’effronterie que de la véritable désobéissance ; la jeune femme, la trentaine dépassée, agit telle une adolescente souhaitant s’affirmer. La femme qui désobéit, c’est Esti, défiant l’autorité religieuse et maritale à la recherche de soi. Ce n’est donc pas Ronit qui vient agir comme un élément perturbateur externe et pervertir la femme soumise, mais bien cette dernière qui souhaite retrouver son amour de jeunesse et provoquer l’opportunité d’être soi-même.

Le prix de la désobéissance

Le film s’ouvre avec une allocution du rabbin sur le libre arbitre, propre de l’Homme : les anges dénoués du Mal suivent la volonté de Dieu, tout comme les animaux qui ne font qu’écouter leurs instincts bestiaux. L’Homme, lui, a le choix entre le Bien et le Mal. Esti, elle, n’a pas choisi de naître dans cette communauté qui a vu son homosexualité comme un Mal à soigner. Le retour de Ronit prend des airs de jeunesse perdue, d’adolescence laissée en suspens. Les deux femmes ont un comportement déphasé face à leurs sentiments : elles se cachent derrière un mur pour s’embrasser, retrouvent les endroits où elles ont vécu leur histoire passée. Mais Esti réalise l’absurdité de cet amour d’autrefois.

Si le long-métrage ne tombe pas dans la niaiserie, c’est justement grâce au réalisme des réactions de chaque personnage : lorsque Ronit propose à son amie de la suivre à New York – ce qui aurait constitué le happy ending parfait –, Esti refuse. Il ne s’agit pas d’une passion passagère, ni du grand amour : l’enjeu est plus grand, c’est la lutte pour être soi, pour être libre d’aimer qui l’on veut. Une grande tendresse lie les deux femmes, leur relation « sonne juste », elle n’est pas surjouée, elle est naturelle. Le spectateur, immergé depuis le début dans cette communauté isolée, se sent de retour dans la réalité lorsque les deux protagonistes vont à Londres. Cette sortie redimensionne le regard sur la relation des deux femmes.

Le trio, autrefois inséparable, s’éclate définitivement lorsqu’Esti avoue avoir embrassé Ronit à son mari Dovid, en lice pour être le successeur du rabbin décédé. C’est donc un double désespoir que nous suivons : celui d’un homme trahi par sa femme et celui d’un rabbin qui commence à douter de sa foi. Sous des tons résolument gris et sur une bande-son surprenante, voire décalée – composée par le musicien anglais Matthew Herbert –, le spectateur assiste à un récit riche et complexe où chaque thème est traité avec pudeur – et quelques lenteurs. Les soupirs rythment cette histoire avant tout humaine qui parle d’un amour interdit, de la recherche de la liberté et du retour aux origines. Lovesong (1989) de The Cure, que Ronit et Esti écoutent lorsqu’elles se retrouvent, résume à merveille Désobéissance :

« Whenever I’m alone with you
You make me feel like I am home again
Whenever I’m alone with you
You make me feel like I am young again
[…]
However far away
I will always love you
However long I stay
I will always love you
[…]
Whenever I’m alone with you
You make me feel like I am free again »

Ecrire à l’auteur : virginia.eufemi@leregardlibre.com

Crédit photo : © Pathé Films

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Contact

© 2024 – Tous droits réservés. Site internet développé par Novadev Sàrl