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«Love, Simon»: mais comment faire son coming out?7 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci

«Donc, comme je le disais, je suis comme toi. J’ai une vie totalement, parfaitement normale.»

Il est plutôt cool comme mec et il est beau garçon. Au lycée, tout roule. En famille, rien de quoi se plaindre. Et son groupe de potes est soudé et génial. Simon mène donc une vie «totalement, parfaitement normale». Mais il y a un secret dont le jeune a omis de faire part à son entourage: il est homosexuel. Bien sûr, il est sorti avec des filles pour faire genre, comme on dit dans le jargon de la jeunesse, mais ce sont les garçons qui lui donnent les papillons aux ventres.

Que ces papillons restent bien dans le ventre et qu’ils n’aillent pas s’épandre partout. Simon ne sait pas comment s’y prendre pour faire son coming out; Simon n’est pas prêt. Et c’est très bien comme ça. Mais un garçon du lycée s’avoue homosexuel sur les réseaux sociaux. Evidemment, il a choisi l’anonymat pour exprimer ce qu’il a au fond de lui sans pour autant en assumer les conséquences en société. Simon n’y est pas indifférent. Il décide, lui aussi sous anonymat, d’écrire à ce garçon. «Je suis comme toi.» Une réponse, un nouveau courriel et l’affinité s’allume. Alors que la love story épistolaire bat son plein, un esprit plus maladroit que malveillant tombe sur la correspondance. Et tout se complique pour Simon et son secret.

Coup de gueule contre le doublage des voix

Love, Simon pourrait contenir pour certains tous les défauts du cinéma; pour d’autres, ce serait un film génial qui traite du coming out dans ce monde de brutes. Sans tomber dans l’idéologie des pro ou contra des films à sujet homosexuel, le film a bel et bien des tares; mais, vous vous y attendiez, il a aussi ce quelque chose de particulier qui le rend spécial, dans le sens positif du terme. Dans un style tout américain, la famille du protagoniste principal incarne le bon et connu modèle bourgeois du père viril et de la mère tendre et attentive. Les amis s’amusent à Halloween, boivent du café glacé et rient en dansant dans la voiture.

Evidemment, tout cela est ridicule et rébarbatif. De tout façon, ce côté High School Musical est désormais inhérent au cinéma populaire visant les adolescents. Ces défauts n’en sont en fait plus vraiment puisqu’ils ne manifestent pas des ratages, mais forment un style, aussi mauvais soit-il. En outre, ces défauts sont plus qu’attendus et prévisibles. On sait donc qu’on les retrouvera avant même d’avoir vu le film. Inutile alors de s’acharner sur eux; d’autres le font déjà, et en sont même devenus de grincheux spécialistes.

Il est cependant légitime de poser au moins une bonne fois pour toutes la question du doublage des voix. Pourquoi diable les traductions françaises de ce type de films sont-elles toujours les mêmes? Pourquoi sont-elles toujours aussi plates que grotesques? Elles ne reflètent en rien la manière de parler français chez les jeunes et les intonations ressemblent à celles des publicités les plus pathétiques. J’exprime aujourd’hui une demande solennelle aux compagnies de doublage de renouveler un peu leurs doubleurs et de cesser – par pitié! – le massacre des voix originales. On peut entendre dans la bande-annonce en anglais que la voix de Simon est parfaitement normale; nul besoin par conséquent que le doubleur lui attribue une voix faussement adolescente qui humilie ce pauvre acteur.

La recherche de soi

Coup de gueule à part, Love, Simon s’inscrit dans un style qu’il assume, mais qu’il sait dépasser aussi. C’est ce qui le fait sortir du lot et le rend séduisant. La première grande qualité du film, c’est Simon. Sa personnalité. Le personnage est construit par le réalisateur Greg Berlanti avec maturité et profondeur. Le jeune comprend bien que coming out ou non, sa personnalité ne changera pas. Il montre même que son homosexualité ne fait pas sa personne. Simon est homosexuel, certes, mais il avant tout et simplement Simon. Le message est fort à l’heure où l’orientation sexuelle est vue parfois sous un aspect communautaire.

Dans la même veine, il y a les choix scénaristiques qui ne font pas de l’homosexualité le sujet central du film. Love, Simon évoque le chemin difficile d’un jeune homosexuel. Néanmoins, il ne s’y limite pas. Le film pose plutôt à l’écran l’assomption de sa personne à l’adolescence. Qui suis-je aux yeux des autres? Qui suis-je en mon for intérieur? Ai-je de la valeur? Puis-je plaire? Comment plaire? Et la liberté ? Comment fait-on pour être libre? pour être heureux? Ces interrogations aux allures banales et superficielles sont en réalité essentielles à un âge ou l’on se construit et l’on perd bien des repères et des sécurités de l’enfance. Elles doivent rejoindre les jeunes par un canal qui les atteint. Le cinéma en est un. L’histoire de Simon aussi.

Pas peur de l’humour

En pleine continuation du sain esprit du film, l’humour tient sa place. Dans une opération d’abattage des caricatures de l’homosexuel typique ou des complaintes pleurnichardes sur une vie qui serait trop dure et injuste, Love, Simon s’élève. La pudeur, ou une certaine bien-pensance, empêchent souvent au sujet homosexuel d’être drôle; parce que trop grave, dit-on, parce que trop sérieux, parce que marqué de trop de discriminations, parce que sacré. L’histoire de Simon prend le contre-pied de ces usages. Le personnage de Simon lui-même en prend le contre-pied. Sans jamais se renier ou se rabaisser, il sait rire de lui, de sa maladresse à vouloir correspondre au gay classique.

Quelques scènes laissent au spectateur un sourire bienveillant et affectueux aux lèvres. Notamment lorsque Simon s’imagine dans un comédie musicale gay au lycée où il aurait le rôle principal. Ou encore, lorsqu’il recherche sur Google des images l’aidant à s’approprier un style gay. Il tape dans sa barre de recherche «gay style» et essaie des pantalons très slim ou des petits T-shirt bien moulants, mais finit par garder sa paire de jeans et son bon vieux sweat’.

Autre scène innocente et agréable: il veut apprendre à parler des garçons qui lui plaisent en compagnies de filles. Elles, très à l’aise, sortent avec exaltation: «il a un beau cul!» Lui, moins à son aise, tâche de répéter l’expression avec une voix de grande folle, mais il remarque bien que cela ne lui est pas naturel et en rit allègrement.

Happy end, et alors?

Sans trop en révéler, vous savez pertinemment que dans ce genre de films, tout est bien qui finit bien. Sans être angélique, le dénouement de Love, Simon ne colle pas forcément au réel. On sait combien les tragédies au sein des familles peuvent être destructrices. Le long-métrage est-il pour autant dénué de sens? Absolument pas. Oui, il y a le fameux happy end. Et alors? Pourquoi ne pas encourager les jeunes homosexuels à s’assumer comme tels et garder l’espoir d’une vie paisible?

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Love, Simon divertit. Love, Simon sensibilise. Et même s’il ne peut pas provoquer des miracles, il est en mesure de donner un coup de pouce à chaque jeune, homosexuel ou non , dans la quête d’être pleinement soi, dans la ferme résolution de demeurer libre, dans le désir de vivre, dans le choix du bonheur, dans la construction d’une vraie histoire d’amour.

«Je mérite de vivre une histoire d’amour.»

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © Twentieth Century Fox

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