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La FIFA a-t-elle changé?5 minutes de lecture

par Clément Guntern
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D’année en année, les événements sportifs mondiaux comme la Coupe du monde de football ou les Jeux olympiques sont devenus pharaoniques. La FIFA, montrée du doigt pour sa corruption, a-t-elle réussi sa mue vers une gouvernance plus démocratique?

Voici maintenant plus de trois ans que s’est joué, non pas une Coupe du monde ou l’Euro de football, mais une des plus grandes affaires de corruption à la Fédération internationale de football association (FIFA). Le 27 mai 2015, sept responsables de la fédération étaient arrêtés à Zurich alors que se tenait le Congrès de la FIFA. Au total, quatorze individus, en majorité cadres de la FIFA, sont inculpés dans une affaire de racket, fraude et blanchiment d’argent concernant notamment l’attribution de plusieurs coupes du monde.

Le choix de la Russie en tant que pays hôte pour 2018 a été fait à l’époque où se sont produits les faits de corruption reprochés. Ainsi, même si la Coupe du monde 2018 en Russie risque bien d’être la plus chère de l’histoire, avec une facture de onze milliards d’euros, dont six pour des infrastructures, nous ne pourrons pas encore tirer de conclusion sur la «nouvelle» FIFA, celle d’après le scandale, puisque cette compétition en est certainement le fruit.

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Cette édition porte encore les marques de l’ancienne direction, mais la FIFA tente de faire profil bas en finançant de plus en plus le football dans les pays émergents et en voulant arrêter la course au gigantisme pour la Coupe du monde. Ces nouvelles ambitions proviennent du changement à la tête de la fédération et de la grande pression internationale. L’appel à la réforme s’est fait puissant, dans les pays occidentaux surtout, pour combattre la corruption apparemment permanente à la Fédération, car celui qui fut président de 1998 à 2016, le Viégeois Sepp Blatter, est accusé de tous les maux. L’homme fut suspendu du monde du football pendant huit ans. A sa place, une personnalité peu connue, native elle aussi du Haut-Valais, est élue à la présidence: Gianni Infantino. Après les scandales et les affaires, le mot «réforme» était dans toutes les bouches et l’attente grande sur les épaules d’Infantino.

Et ce dernier a tenu à multiplier les actions démontrant sa volonté de réformer l’institution. On pense à l’arbitrage vidéo, à la promotion du football féminin ou à son grand projet d’élargissement de la Coupe du monde de 32 à 40 ou 48 équipes. Malgré l’accumulation d’annonces, l’impact sur les véritables problèmes de la FIFA que sont l’argent et la gouvernance reste bien maigre et les réformes tant attendues ne se sont jamais concrétisées. Bien au contraire: des décisions préoccupantes ont été prises comme la suppression du comité contre le racisme et des membres de commissions de contrôle ont été poussés à la démission. Le président actuel avait même fait échouer une réforme visant à transférer ses pouvoirs exécutifs à un secrétaire général. Mais le plus préoccupant reste le non-renouvellement de la commission d’éthique, celle-là même qui était à l’origine de la suspension de Blatter et de Platini.

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Les véritables chantiers de la Fédération n’ont pas été abordés. Pire, les travers de la corruption que l’on croyait passés resurgissent. Infantino fut au centre d’une enquête pour des dépenses injustifiées et l’enquête préliminaire laissait entendre que de forts soupçons pesaient sur le président. Finalement, l’enquête ne déboucha sur rien. L’argent reste roi à la tête du football mondial et le président en sait quelque chose: il avait déclaré que sa rémunération présidentielle d’un million et demi insultait sa personne. Infantino avait d’abord nié puis avait dû se raviser lorsqu’un enregistrement de la séance fut publié.

C’est cette même soif d’argent et de rentabilité qui a fait germer dans l’esprit de ses concepteurs une Coupe du monde des clubs qui rapporterait à elle seule douze milliards en quatre éditions. L’échec est palpable depuis 2016. Le fossé entre les promesses du nouveau président et ses réalisations ne semble pas près d’être comblé.

Le constat que rien n’a vraiment changé depuis Blatter est partagé par un bon nombre de spécialistes; la méthode pour se faire élire est connue. Elle consiste à promettre plus d’argent aux fédérations, souvent les plus pauvres. Et comme chaque fédération, indépendamment de sa taille, a le même poids dans les élections, l’argent dépensé peut vite être rentabilisé. Malgré l’affirmation d’Infantino que «la FIFA a changé», les anciens démons n’ont pas fui. La gouvernance privée de cette association, qui pèse des milliards, a atteint ses limites depuis longtemps, et la «nouvelle FIFA» que son président imagine en démocratie ressemble plus à une dictature dont il serait le chef. En effet, Gianni Infantino se trouve dans une position toute-puissante: il peut révoquer les responsables des organes de contrôle et il fut le seul à l’origine de la nomination de la nouvelle secrétaire générale – présentée quelques minutes avant son élection au Congrès.

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Cette immense association qu’est la FIFA n’a jamais été habituée à un contrôle indépendant. De plus, les principes fondamentaux des démocraties modernes restent inappliqués. On ignore souvent l’impartialité et on n’applique pas les décisions de la même façon à toutes les fédérations, membres et candidats. Des éléments comme le contrôle indépendant, la publicité des décisions et des processus, mais aussi la séparation des pouvoirs ne sont pas encore respectés. Même les élections ne se tiennent pas dans un cadre démocratique et sont la source de bien des problèmes à la FIFA. Or, comme d’habitude dans les organisations corrompues, le choix du chef est simple: soit tenter d’appliquer les réformes promises au risque de partir, soit rester en poste. Infantino a choisi la seconde option.

Pour beaucoup, la seule voie de réforme pour la Fédération internationale de football passe par l’Union européenne et les Etats-Unis. En effet, la perspective d’une réforme interne des organes de la FIFA semble s’éloigner, les pays moins développés économiquement ayant bénéficié en grande partie de la méthode de Blatter et d’Infantino. L’argent a afflué et ces nations ont réélu Blatter de 1998 jusqu’en 2016. Changer la FIFA n’a pas grand sens pour eux, car ils en seraient peut-être les perdants. Les pays autoritaires eux aussi trouvent l’organisation de la FIFA proche de leurs pratiques et la Coupe du monde, un des événements planétaires les plus importants, reste un formidable vecteur de diffusion pour ces régimes.

Pour l’instant, rien de fondamental ne semble remettre en question la FIFA. Même certains sponsors occidentaux qui avaient fui ont été remplacés en partie par des partenaires chinois. Et dans le milieu du football mondial, tant que l’argent est là, tout va bien!

Ecrire à l’auteur : clement.guntern@leregardlibre.com

Crédit photo: © Wikimedia Commons, Пресс-служба Президента

Vous venez de lire une analyse tirée de notre dossier «La FIFA et le football ont-ils changé?», publié dans notre édition papier (Le Regard Libre N°40).

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Quelle place pour le jeu dans le football moderne ? | Le Regard Libre 31 juillet 2018 - 10 10 22 07227

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