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«Campeones»: les champions de l’amour du sport5 minutes de lecture

par Alexandre Wälti
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Les mercredis du cinéma – Alexandre Wälti

N’allez jamais regarder un film espagnol doublé si vous parlez la langue d’Almodovar, évidemment. Vous perdrez la saveur de l’articulation rapide des mots, ce ressort indispensable du comique ou parfois du drame. Ou plutôt, regardez peut-être plus attentivement les détails de la séance avant d’entrer dans le cinéma. Car le résultat peut être catastrophique.

Sans les sous-titres à la version originale et le rythme de la langue de Rafael Alberti, poète andalou de la mer, Campeones de Javier Fesser pourrait être fade. Déjà, Champions, titre français du film, est moins percutant et plus plat. Tout le contraire d’une balle de basket-ball! Espérons que le film ne reflétera pas ce faux pas de début de séance. Peut-être que la magie du cinéma prendra le dessus sur le doublage qui ne suit pas les lèvres des acteurs. Voilà ce qui m’est passé par la tête dès la scène d’ouverture du film. Après, tout est allé très vite!

A peine assis, voilà déjà Marco (Javier Gutiérrez), l’entraîneur assistant sanguin d’une grande équipe de basket-ball en pleine action. D’abord l’engueulade avec un handicapé mental, employé de la Mairie de Madrid, qui lui met une contravention sur le parking. Un homme qu’il retrouvera par la suite sans le savoir. Puis le match durant lequel il bouscule l’entraîneur central pour un désaccord stratégique. Enfin, l’ivresse, l’accident, les insultes, les barreaux et un jugement qui tombe: travaux d’intérêt général. Il perd son permis de voiture et entraînera Los Amigos, une équipe d’handicapés mentaux, durant plusieurs mois. La dégringolade quoi, en tout cas pour celui qui n’admet ni la défaite ni d’avoir tort ni le manque d’efficacité de ses joueurs. La fierté trop espagnole dans son trait le plus extrême.

Toujours le rythme, et encore le rythme, la vitesse d’élocution fait défaut en français. C’est un fait! Ce qui donne d’abord un ton peu ragoûtant au film. Surtout que la caméra de Javier Fesser passe aussi d’une scène à l’autre à une vitesse parfaitement comique comme lors du premier entraînement dans le centre social. Mettons tout ça de côté et voyons si le rire est au rendez-vous.

Encore une fois, tout est dans le rythme! Celui qui a vu une représentation des Fourberies de Scapin de Molière ou toute autre comédie saura. Et l’autre? Et bien l’autre, s’il est suffisamment curieux, devrait profiter du théâtre ou du cinéma le plus proche pour s’époumoner. Pour rire de tout et avec intelligence. Voilà peut-être le mot d’ordre de Javier Fesser au moment d’écrire le scénario de son film. Marco, dès les premières heures d’entraînement, fera face à nombre de surprises incroyables. Comme celles du sac de Scapin d’ailleurs.

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Marco: un homme ambitieux à l’opposé extrême des joueurs qu’il entraîne à présent. Il veut gagner à n’importe quel prix. Eux veulent juste s’amuser entre amis comme tout le monde. Sergio (Sergio Olmo) travaille dans une usine de cosmétique. Il a des absences soudaines, oubliant parfois qu’il tient le ballon dans les mains. Juanma (José de Luna) s’occupe avec passion des animaux qu’il chouchoute sans limites dans un refuge. Il ne se lave plus parce qu’il a peur de l’eau mais il veut tout de même remercier et embrasser son coach sans arrêt.

Benito (Alberto Nieto Fernández) est plongeur dans un restaurant et son patron se moque toujours de lui lorsqu’il évoque l’équipe de basket-ball. Il tire toujours en arrière depuis le plus loin possible du panier. Enfin, l’hyperactive et l’hyperattachante Collantes (Gloria Ramos), surnommée la casse-couille pour une raison très claire. Elle n’en fait qu’à sa tête et ne se laisse embêter par personne. Comme tout le reste de l’équipe, tous souffrent d’un handicap mental différent et forment petit à petit un véritable collectif. Ceci, évidemment, changera à la fois le comportement de Marco tout comme celui de ses joueurs.

Une grande aventure humaine, en fait! Une comédie, aussi! Et de qualité de surcroît! En tout cas, ce n’est pas une catastrophe, loin de là, je vous rassure. Un comique qui dépasse la simple barrière de la langue et la difficulté du doublage. Des rires francs et des sourires affectifs. Des membres d’une équipe de basket-ball qui ont simplement soif de se libérer des peurs, de la différence, des regards malveillants et qui veulent être ce qu’ils sont: des personnes avec leurs qualités et leurs défauts, avec leurs joies et leurs peines. Des sportifs au service de l’équipe.

Des hommes et femmes dont le plus pur plaisir est celui de se libérer de toute différenciation. Une liberté qui se gagne justement à la sueur. Comme s’ils avaient suivi le contenu de la phrase de Rafael Alberti:

«La libertad no la tienen los que no tienen su sed.»

Ecrire à l’auteur: alexandre.waelti@leregardlibre.com

Crédit photo: © Paesens-Film

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