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«Papillon», le corps est narrateur3 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci

« J’arrive pas à croire que t’aies pris perpet’. »

Paris, 1931. L’ambiance est swing, l’ambiance est folle, l’ambiance est chaude. Henri Charrière, surnommé Papillon, travaille comme cambrioleur pour une organisation criminelle. Son chef, un vieux diable aux dents pourries, semble admirer le jeune employer tout en sachant qu’il garde discrètement des parts de la rapine. Travail terminé, Papillon rentre avec sa petite amie, une danseuse travaillant pour le même patron que lui ; ils passent une nuit d’amour.

Lendemain matin : arrestation. Fausse accusation de meurtre. Coup monté. Tout va très vite. C’est la perpétuité. En Guyane. Le pire. Bateau prisonnier, ambiance glauque et rencontre de Louis Delga, un riche faussaire. Papillon lui offre sa protection contre l’argent qui lui permettra l’évasion. Et c’est le début d’une relation compliquée mais forte entre les hommes.

De la couleur des chaudes nuits d’amour à celle glaciale des prisons

Papillon est un film saisissant portant en avant un sujet poignant ainsi que du talent dans le jeu comme dans la réalisation. Mais c’est avant tout une œuvre réussie dans sa photographie. Pour un long-métrage étalant violence et vie de prison, l’esthétique a le droit d’être choyée et pouponnée. Deux sont les effets les plus flagrants qui montrent que le jeune réalisateur danois Michael Noer se prépare un avenir cinématographique à succès.

Le principal est celui de l’excellent jeu des couleurs. Ces dernières forment un ensemble et s’unissent pour révéler la situation du film sans qu’une tonalité ne commette une fausse note. Au début, le spectateur assiste à ambiance de couleurs très dark et chic, pour passer ensuite au rouge vif des nuits parisiennes, qui mène à la surexposition jaune et agressive des loges de cabarets de mauvaise vie où les chefs en profitent pour régler son compte à qui le mérite. Retour au rouge vif et excitant de Paris. Et passage à un orange léger saupoudré d’un rouge brunâtre laissant ressortir et les nuances plus claires et les nuances plus foncées de la nuit de sexe. Et tout cela, en cinq minutes seulement.

Vient, après une mise en situation joyeuse, le bleu glacial de la prison qui annonce la tragique péripétie. De ce bleu froid, on passe à un bleu plus cobalt parce que relevé par le soleil qui guide les prisonniers jusqu’au bateau, et ainsi de suite. De la lumière la plus gracieuse à l’obscurité la plus angoissante, Papillon voyagera à travers les larges étendues des jeux de couleurs au cinéma.

Non négligeable : le rôle de la caméra. Elle accompagne la peur, les défis, l’adrénaline qui monte en suivant des acteurs de face. Elle tremble aussi lorsque les pires sentiments font surface. Evidemment, elle ne manque pas non plus de marquer la supériorité écrasante et zélée des autorités de la prison coloniale.

Les corps comme narrateurs

Entre l’aspect purement esthétique du film et les choix plus pratiques au service de la trame, il y a la place accordée au corps, particulièrement celui de Papillon. Sans conteste, cet homme incarnée par le Britannique Charlie Hunnam, est très beau par ses dispositions naturelles et aussi grâce à la mise en valeur de l’image. Dans sa souffrance et dans son courage, dans ses positions cadavériques comme dans ses moments de lutte, le corps de Papillon raconte non seulement une émotion mais encore une partie de l’histoire et une partie de l’Histoire des prisons guyanaise. Les tatouages sur son torse parlent également, notamment celui du papillon. Le corps de Delga, dans la peau de Rami Malek, joue un rôle équivalent dans sa faiblesse et sa petitesse. Les deux personnages sont complémentaires et ils le sont entre autres par leurs corps. Les corps sont narrateurs.

Il y aurait d’autres aspects de Papillon à analyser avec attention, parce que ce film est un grand film. Il n’est cependant pas question de parler de chef-d’œuvre dans la mesure où il manque un je-ne-sais-quoi de vie et de complexité dans l’histoire. L’ambiance de la prison coloniale, même si plutôt bonne, est à mon sens quelque peu caricaturée. Il n’en demeure pas moins que l’histoire vraie d’Henri Charrière et de son camarade prend aux tripes et laisse imprimé dans la peau le tatouage d’un papillon qui reste pour l’amitié, puis qui s’envole pour la liberté.

« Je dois rester pour la même raison qui te pousse à partir. »

Ecrire à l’auteur : loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo : © Pathé Films

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