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Le drame de l’ordre du Temple solaire mis en roman5 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Le 4 octobre 1994, à Salvan (VS) et à Cheiry (FR), des adeptes de l’ordre du Temple solaire périssaient au nom d’une apocalypse prochaine. Si les faits sont connus, Julien Sansonnens a choisi de prendre la plume pour en livrer l’histoire sous forme de roman. Au centre du récit, «l’enfant aux étoiles», la fille du gourou Joseph Di Mambro. Un ouvrage poignant, douloureux et questionnant.

C’est l’histoire d’une tragédie, de destins d’êtres humains dont on se dit: «Comment ont-ils pu en arriver là?». C’est l’histoire d’un drame, qui a marqué notre petit pays à jamais. C’est avant tout l’histoire d’une secte, l’ordre du Temple solaire. Apparue tout d’abord sous la forme d’une fondation culturelle et ésotérique à Genève, l’organisation a changé de nom à de nombreuses reprises avant qu’on en retienne cette dénomination abrégée par trois lettres à jamais terrifiantes: OTS.

Les sectes suscitent la curiosité des gens, c’est un fait. Voyeurisme malsain ou interrogation plus que légitime? Sans doute un peu des deux. Julien Sansonnens, romancier d’origine neuchâteloise, en a bien conscience et c’est dans une démarche à la fois humble et légitimée qu’il publie L’enfant aux étoiles aux Editions de l’Aire. Un roman-enquête entre réalité et fiction. L’auteur s’est beaucoup documenté avant de s’atteler à une œuvre aussi délicate. Les faits sont respectés; la fiction n’apparaît que quand il semble y avoir des lacunes dans la succession des événements. Des mystères.

Un livre-choc qui nous interroge

C’est le grand mérite de L’enfant aux étoiles: il s’agit d’un roman qui nous interroge. En somme, cela n’aurait servi à rien d’assister à nouveau à la narration des événements comme les Suisses ont pu le faire avec un dossier fourni de L’Illustré et par la suite avec de nombreux reportages, documentaires, récits et témoignages. Avec ce livre de Julien Sansonnens, nous avons affaire à de la littérature, et de la littérature qui n’hésite pas à poser sur la table un certain nombre de questions qui dérangent.

Parmi ces pistes de réflexion, une en particulier peut désarçonner le lecteur au premier abord. Et si le déclin du catholicisme traditionnel en Valais et à Fribourg était l’une des raisons expliquant que des personnes aient pu être séduites par la «mystique» autoritaire d’une organisation comme l’ordre du Temple solaire? Après tout, la fin de la transcendance se solderait-elle par de telles croyances aveugles dans des sectes ésotériques et meurtrières? La question soulevée par l’ancien député du Parti ouvrier et populaire est polémique. Mettre sur le même plan sectes et religions, c’est osé.

«Cette Eglise ne porte-t-elle pas une part de responsabilité dans les massacres, elle qui, depuis Vatican II, semble s’être évertuée à expurger tout ce qui pourrait évoquer le mystère, l’inexplicable, une certaine tradition? N’a-t-elle pas, bien involontairement et bien indirectement, poussé certains de ceux qui devaient constituer la masse de ses fidèles vers d’autres mouvements, vers d’autres cultes, plus à même de répondre aux grandes questions qui finissent toujours par ressurgir?»

Autre interrogation sensible, celle sur le statut des gourous. Sont-ils des crapules, rien que des crapules, ou les deux chefs de l’OTS, Joseph di Mambro et Luc Jouret, se sont-ils fait prendre à leur propre jeu spirituel? Qu’ils aient été des arnaqueurs, truqueurs, manipulateurs, menteurs, escrocs financiers, cela ne fait aucun doute. Mais à force de préceptes sophistiqués, de discours apocalyptiques inspirés à la fois de l’écologie, de la tradition néo-templière et des religions antiques, de cérémonies en grande pompe dont tous les anciens fidèles reconnaissent l’intensité émotionnelle, n’ont-ils pas fini par croire eux-mêmes à une partie de leur supercherie?

Une prose qui s’essaie

Faut-il parler du style quand on écrit une chronique sur un livre au contenu si grave? Oui, assurément. On peut et on doit parler de la langue quand il s’agit de littérature. Ce serait comme ignorer l’image quand il est question de photographie. Avouons donc que sur la forme, Julien Sansonnens nous aura moins convaincus que sur le fond. Des tournures à la germanique comme «Existait en elle une tendresse», l’usage du pronom personnel «tu» au lieu du «je», ou encore des préciosités telles que «tu n’as voulu l’envisager comme une simple arnaque» laissent plutôt dubitatif, pour ne pas dire déçu.

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Point positif, l’auteur n’a pas eu peur d’expérimenter une écriture tout en traitant d’une matière on ne peut plus tragique et sujette à controverses. Le récit qu’il livre de cette jeune fille victime de la folie de son père et décédée à l’âge de douze ans, mais aussi de sa mère, touche au plus profond des cœurs. Et forme un bel hommage aux victimes et à leurs proches.

Julien Sansonnens, L’enfant aux étoiles, Editions de l’Aire, 2018, 267 pages

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Crédit photo: © Editions de l’Aire

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