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«En liberté!» et le micmac de nos têtes4 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci

«Non, mais tu rends compte que t’as bouffé l’oreille de ce mec?»

Jean Santi était vaillant, loyal, valeureux et il a donné sa vie pour défendre sa ville. Hommage au flic défunt, qui a laissé la commissaire de police Yvonne veuve, et un petit garçon orphelin. Deux ans qu’il est mort; et deux ans qu’Yvonne raconte tous les soirs au petit à quel point son papa était un héros. Le deuil passe par le culte. Mais voilà qu’un jour, au commissariat, un bijoutier reconnaît la bague qu’Yvonne porte au doigt. Et là c’est le choc.

Les cadeaux luxueux de Jean venaient de petits arrangements avec les criminels à arrêter; notamment dans cette affaire de bijouterie. Le bijoutier et le commissaire avaient en effet convenu un cambriolage fictif et envoyé un employer innocent en prison, l’accusant du délit. Le héros était en fait un corrompu. Le héros n’était en fait pas un héros. Pour que la boucle soit bouclée, le faux inculpé sort de prison, et Yvonne sent évidemment qu’elle a une dette envers lui. Ce qui mènera à des situations les plus loufoques.

De la qualité dans la photographie

En liberté! collectionne toute une série d’habiletés. Le scénario témoigne d’un travail approfondi ainsi que d’un bon esprit du réalisateur Pierre Salvadori. La bande-son a elle aussi ses qualités, mais c’est surtout la photographie qui impressionne. Il est vrai que ce n’est pas à l’image la plus soignée que l’on s’attend face à une comédie. A l’instar du film Au poste! avec Benoît Poelevoorde, sorti récemment, En liberté! montre qu’une caméra dirigée avec talent n’est pas que l’apanage des films d’auteur impopulaires.

A lire aussi: Poelvoorde dans un «Au poste!» totalement absurde et génial

Les jeux entre net et flou donnent une vraie plus-value à l’image dans la mesure où ils servent le scénario et donnent un peu plus de saveur au film, même si le spectateur ne s’en rend pas forcément compte. Les lumières colorées, quant à elles, définissent les différentes ambiances dans lesquelles se retrouvent les personnages. Sans trop vous en dire, attendez-vous à passer du bleu de la liberté dans la nuit au bord de la mer aux lumières rouges d’un bordel sadomasochiste.

Un décalage

Aussi, lors des dialogues, on remarque à plusieurs reprises un décalage entre le locuteur et le récepteur. L’un est filmé de côté, l’autre de face. Là encore, un détail de mise en scène en dit long sur le message porté par le scénario: est-on jamais capable d’écouter ce qu’on nous dit? «Excuse-moi, j’étais complètement ailleurs.» La réplique revient souvent, entre différents personnages. Celui qui n’a pas écouté n’est plus écouté à son tour. Les scènes se transmettent la balle. Il en va de même pour le décalage illustré par des faux dialogues. Deux discours parallèles se répondent: ce qui ne manque pas de créer un effet comique raffiné.

On en vient alors au travail de la bande-son, laquelle réalise concrètement les décalages. S’il y a décalage entre les dialogues, il y a aussi décalages dans le temps et dans la réalité. Sans cesse, par l’imagination, on revient aux histoires mythiques du commissaire Santi qu’Yvonne raconte à son fils. Et à chaque fois, ces histoires sont différentes; au gré des états d’âme de la mère. Pour marquer ce passage, le bruit d’une bobine se rembobinant est lancé. Il donne un air burlesque au film et en même temps il crée un petit rituel qui fait que le spectateur se sent pleinement embarqué dans l’histoire.

Pas de limites à l’imagination

Si En liberté! regorge de burlesque, il n’est toutefois pas toujours vraiment comique. Certes, on rit, mais le rire est léger et très ponctuel. La critique pourrait alors blâmer cet apparent manquement du film. Pourtant, il faut comprendre que le fait de rire plus ou moins ne doit pas être le critère le plus important d’une comédie; surtout parce qu’il y a plusieurs types de comédies. D’aucunes sont bien grasses et fournies – et cela fait du bien de temps en temps! –, d’autres sont plus fines et moins drôles – elles ne perdent pour autant pas leur statut de comédie.

Le long-métrage de Salvadori, malgré ses quelques lourdeurs et ses défauts dans des effets de répétitions mal maîtrisés, a le mérite de toucher la profondeur de ce que c’est qu’être humain. Le film plonge dans les phantasmes des personnages, en sondant leur désir de bonheur et leurs aspirations les plus personnelles. En somme, il révèle avec pudeur ce qu’il y a dans la tête des gens en laissant libre cours au micmac mental des protagonistes. La scène finale, plus que toutes les autres, dit enfin la toute-puissance de l’imagination malgré la réalité parfois tragique. Comme quoi, l’esprit n’a pas de limites en prison comme En liberté!

«On est ceux à qui les gens aiment faire du mal.»

Ecrire à l’auteur : loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo : © Filmcoopi

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