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«Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu» pour mériter ça?6 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
2 commentaires

«J’en peux plus de la France; il n’y a plus que des fainéants et des jaloux.»

La fameuse famille qui a accumulé les mariages mixtes est de retour. S’il a fallu que les Verneuil, bons bourgeois catholiques provinciaux un poil racistes, acceptent dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu les conjoints étrangers de leurs quatre filles, à savoir un Algérien musulman, un Juif séfarade, un Chinois et un Ivoirien, ils doivent désormais les convaincre de rester en France. Chacun d’eux veut en effet quitter le pays pour rejoindre sa terre d’origine. La France et ses stéréotypes ethniques les ont lassés. 

«Si nos gendres n’aiment plus la France, on va leur faire aimer la France.» La mission est lancée. Entre maladresses et bourrasques, l’aventure familiale continue. Sans oublier les Koffi qui, à l’instar des Verneuil, devront faire preuve d’une grande ouverture d’esprit face au tumulte surprenant qui s’annonce dans leur famille. 

Comment cela est-il possible?

Dès les premiers instants, le film envoie du lourd. On retrouve la famille mixte au grand complet. Les blagues fusent, très vite, très fort. Mauvaise surprise: elles sont médiocres et laissent davantage une grimace de déception qu’un sourire sur le visage. Plus que du lourd, c’est du lourdingue que le film envoie. Et nous n’en sommes qu’au début. Le pire est à venir et à subir. L’excellente comédie qu’était Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu tombe en déchéance avec un Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu arrogant, agaçant et crétin. 

Comment cela est-il possible? Comment une même équipe qui avait ravi les salles de cinéma réussit-elle à se casser la figure en livrant à un public déjà acquis du n’importe quoi? Il semble que tout réside dans l’authenticité. Totalement présente dans le premier film, totalement absente du second. La réalisation de Philippe de Chauveron avait accompli un coup de génie en osant aborder avec franchise et bonhomie les thématiques du mariage mixte et du racisme.

Certes, le film se concluait dans une veine que l’on pourrait considérer politiquement correcte. Et alors? Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu était drôle, sympathique, bien interprété. Et s’il s’achevait dans une gentille réconciliation générale où chacun finissait par accepter celui qui lui était étranger, il n’en livrait pas moins le ressentiment de tant de Français avec légèreté, humour et brio. 

Puisqu’ils sont tellement drôles!

Dans Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu, le scénario, la réalisation et le jeu des acteurs sont passés de l’authenticité comique à la supercherie pas drôle du tout. Ivre du succès phénoménal et bien mérité du premier film, l’équipe tout entière s’est crue si géniale qu’elle a tout caricaturé pour s’engouffrer dans une répétition sans imagination ni conviction. 

Les acteurs, surtout les quatre gendres, arrivent comme des stars sur un tapis rouge surjouant leur rôle importé du film précédent. Ils balancent des vannes, déjà le sourire aux lèvres; mais oui, puisqu’ils sont tellement drôles! Et bien sûr, ils font de courtes pauses entre les blagues pour attendre que le public rie. 

Les autres acteurs ne sont pas en reste. Même Claude Verneuil (interprété par l’honorable Christian Clavier), qui demeure tout de même celui qui s’en sort le mieux avec le personnage d’André Koffi, ne convainc pas. Il se crée un personnage exagérément grincheux, raciste et désagréable avec sa femme. En plus, il se rêve écrivain en préparant la biographie d’un poète que personne ne connaît. L’idée est bonne, mais son application laisse en bouche le goût amer d’une grosse et vilaine rature. 

Juste pour faire bien

Certaines scènes sont en outre si mal écrites et si mal jouées qu’on se sent mal à l’aise. Mesurées au millimètre près pour apparemment faire rire, elles donnent plutôt envie de fermer les yeux, la face cachée dans ses mains, pour limiter les effets dévastateurs du désespoir en cours. On doit affronter notamment la fille de Koffi dansant toute seule et en chantant avec un fort accent africain «Merci Taubira, grâce à toi je vais me marier!». Et oui, parce qu’elle est lesbienne et va se marier avec une Ivoirienne qui habite en France. Evidemment, le patriarche Koffi, sévère et conservateur, n’est pas au courant. Alors attendez-vous à bien rire. Ou pas. 

Franchement, c’en est trop. L’idéologie envahit le film de bons sentiments. Ce n’est pas parce qu’on aborde l’homosexualité, mais parce qu’on l’aborde mal. De manière grotesque, le scénariste semblait vouloir à tout prix en placer une sur l’homosexualité. Juste pour faire bien. Quitte à ne mâcher que trois fois la thématique pour la recracher directement sur la pellicule. De toute façon, le film est tellement génial! A quoi bon essayer de se donner un peu de peine?

La contrainte à devoir rire

Le plus désespérant toutefois, c’est que le public paraît pris dans le piège d’arrogance et de contrainte à devoir rire tendu par le film. Les gens se sentent de fait obligés de rire, écrasés par la notoriété bien appuyée et bien rappelée de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu: les acteurs, avec leur allure excessivement sympathique, forcent les spectateurs du regard. Ce sentiment est vraiment désagréable et attristant. 

D’autant plus que lors de la séance, j’ai entendu durant l’entracte des propos qui m’ont mis encore plus la boule au ventre: «C’est rigolo, hein?» J’ai envie de pleurer. Le grand public – la salle était comble – sans doute tout aussi déçu que moi, essaie de se rassurer. S’adressant à sa compagne, à sa famille ou à ses amis, le spectateur se sent obligé de se dire qu’il n’a pas payé les billets pour rien, qu’il a franchement passé un bon moment. Le tout, accompagné d’un sourire crispé. 

Aussi dure que la remarque puisse paraître, il faut dire que le film dans son ensemble est entièrement responsable d’avoir trahi un public, essentiellement composé de personnes qui ne vont pas souvent au cinéma – faute d’autant plus grave car celles-ci ont placé leur confiance en des acteurs qu’elles attendaient avec joie pour rire un bon coup et oublier les problèmes du quotidien.

Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu, une comédie? Osons-nous le terme? Alors même que l’on se moque de nous? Alors même qu’on sort de la salle triste et secrètement déçu – question de garder la face si l’on est en groupe? Non, désolé, pas de comédie, mais une arnaque indigne. Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu pour mériter ça?

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © JMH Distributions

QU’EST-CE QU’ON A ENCORE FAIT AU BON DIEU?
FRANCE, 2019
Réalisation: Philippe de Chauveron
Scénario: Philippe de Chauveron, Guy Laurent
Interprétation: Christian Clavier, Chantal Lauby, Ary Abittan, Medi Sadoun, Frédéric Chau, Noom Diawara, Julia Piaton, Frédérique Bel, Emilie Caen, Elodie Fontan, Pascal NZonzi
Production: Les films du 24, Les Films du Premier, TF1 Films Production
Distribution: JMH Distributions
Durée: 1h39
Sortie: 30 janvier 2019

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2 commentaires

Fabien Moulin 9 février 2019 - 14 02 02 02022

Je n’irai pas le voir. À quand une critique du Palais idéal du Facteur Cheval? J’ai adoré .

Répondre
Le Regard Libre 10 février 2019 - 18 06 00 02002

Cher Fabien,
La critique du “Palais idéal du Facteur Cheval” sera publiée mercredi sur notre site.
Belle soirée,
La rédaction

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