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Des gauches inconciliables3 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Quelques actualités illustrent une réalité politique bien peu discutée et pourtant intéressante et fondamentale: la présence dans le paysage idéologique contemporain de diverses gauches inconciliables. Voici trois exemples.

Premièrement, la loi sur la laïcité de l’Etat de Genève acceptée par la population genevoise le 10 février dernier a résulté de débats de deux ans au parlement. Le Parti socialiste, les Verts et Ensemble à gauche ont passé leur temps à taxer cette disposition légale de liberticide, discriminatoire et même islamophobe. Le motif? Le texte adopté interdit le port de signes religieux distinctifs par des représentants de l’Etat. Certains élus de gauche, dont la députée Salika Wenger, se sont cependant exprimés contre leurs partis pour défendre une autre position. Cette position, qu’on appellera républicaine, veut que les signes convictionnels n’aient rien à faire sur une élue ou une infirmière. Et qu’il en aille de la neutralité de l’Etat.

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Deuxièmement, le silence de la gauche suisse face au régime chaviste du président vénézuélien Nicolas Maduro durant des années n’avait quasiment pas été questionné par les médias. Ceux-ci ont attendu les récentes manifestations populaires pour s’empresser d’aller interroger les camarades helvétiques, de façon complaisante. Il a fallu que ce soit dans l’hebdomadaire valaisan Le Confédéré que ces manquements médiatiques soient dénoncés par l’historien Philippe Bender, dans sa chronique du vendredi 8 février 2019, intitulée «A l’heure des comptes»:

«En Valais, personne n’a jamais trop demandé l’opinion de Mathias Reynard sur ces tragédies politiques. D’ailleurs, pourquoi poser des questions qui fâchent? On préfère l’interroger sur le cortège de la Fête-Dieu à Savièse, le réchauffement climatique, les pistes cyclables, l’égalité des salaires ou l’homophobie, sujets plus porteurs. Mais pourquoi ce silence et cette complaisance, le journalisme d’investigation ne devant connaître aucun tabou? Y aurait-il deux poids et deux mesures, pour la droite ou pour la gauche, le centre encore? Les blâmes réservés aux parlementaires du mauvais bord, les éloges les plus flatteurs étouffant les autres, du bon bord

Troisièmement, les terribles insultes antisémites à l’égard de l’intellectuel Alain Finkielkraut dans le cadre de la manifestation des «gilets jaunes» à Paris le 16 février dernier ont suscité un soutien médiatique et politique bienvenu. Mais quels contrastes dans les réactions à gauche! D’un côté, la majorité des politiciens socialistes et commentateurs de cette sensibilité n’ont cette fois-ci pas hésité à nommer et regarder en face ce nouvel antisémitisme constitué par les ressentiments des banlieues et par une ultra-gauche se confondant avec l’ultra-droite d’Alain Soral et Dieudonné. De l’autre, une certaine gauche radicale représentée par un certain Jean-Luc Mélenchon a de quoi faire frémir par son ambiguïté. Lisez plutôt ce qu’a twitté ce triste personnage au lieu de condamner les faits purement et simplement:

«Pour les macronistes, la lutte contre l’antisémitisme n’est pas sincère. Juste un prétexte politicien pour régler des comptes, créer une diversion, profiter du mal.»

En ne condamnant pas les manifestations flagrantes et filmées d’antisémitisme dont la capitale française a été le théâtre, Mélenchon réalise précisément ce qu’il fait semblant de dénoncer: l’instrumentalisation de cette réalité tragique. Emmanuel Macron, lui, n’est pas ambigu quand il écrit ces mots sur son compte Twitter, lui, le progressiste, qui ne partage certainement pas une bonne partie des idées de Finkielkraut:

«Fils d’émigrés polonais devenu académicien français, Alain Finkielkraut n’est pas seulement un homme de lettres éminent mais le symbole de ce que la République permet à chacun. Les injures antisémites dont il a fait l’objet sont la négation absolue de ce que nous sommes et de ce qui fait de nous une grande nation. Nous ne les tolérons pas.»

Ces trois événements récents, dont le troisième est évidemment le plus alarmant, montrent que la gauche suisse comme la gauche française ne sont pas homogènes et qu’elles réunissent des courants inconciliables. On constate la présence d’une nouvelle gauche, multiculturaliste, qui se heurte à une gauche républicaine et moins électoraliste. A cela s’ajoute le clivage, au sein même de la gauche républicaine entre les sociaux-démocrates et les plus critiques envers le libéralisme et l’Union européenne. Ce pluralisme est bienvenu. Mais on en retiendra un élément préoccupant, qui sort du champ du débat: le flou d’une certaine gauche de la gauche à l’égard de cette insoutenable haine de l’être, l’antisémitisme, aux formes nouvelles.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com 

Vous venez de lire l’éditorial ouvrant notre édition papier N°48.

Crédit photo: Wikimedia CC 2.0 / ActuaLitté

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