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Un beau gosse écrivain «De la race des seigneurs»4 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les bouquins du mardi – Loris S. Musumeci

«N’oublie jamais que tu es un Delval, mon fils. Tu es de la race des seigneurs.» 

Alex Delval, fils d’Alexandre Delval, cherche sa place. Et ce n’est pas chose facile. Le jeune garçon voudrait se lancer dans le cinéma pour la bienveillance et l’amour qu’offrent un plateau de tournage sous les projecteurs et le regard de la caméra. Mais la place semble déjà prise, pour l’éternité. Un seigneur du cinéma y siège: Alexandre Delval. Alors le fils est perdu. Ce qui le pousse à commettre quelques – grosses – conneries. Drogue, violence et l’art de toujours tout gâcher, en tout. Un soir, Alex rencontre un psy. La discussion entre les deux s’entame, pour aller puiser dans le fond des souffrances de l’un comme de l’autre. 

Toujours désagréable

Alain-Fabien Delon, en plus d’être acteur et mannequin, se met à l’écriture. Il s’est fait remarquer sur la plateaux télé ces derniers mois pour son aptitude incroyable à être quasiment toujours désagréable. A cause d’une arrogance naturelle? A cause de la lassitude d’être sans cesse ramené à son père, Alain Delon? A cause du stress? Contrairement au personnage que rencontre Alex, je ne suis pas psy. Ce qui ne m’a pas empêché de remarquer que, derrière l’air ténébreux du fils Delon, se cache une authenticité certaine, un vécu tumultueux ainsi qu’un livre qui mérite à être approché: De la race des seigneurs.  

Il n’y a ni chef-d’œuvre ni daube. Les maladresses au niveau du style se sentent dès le début du roman. Comme souvent, ce sont les dialogues qui pèchent. Trop écrits pour sonner vrai; faussement argotiques pour sonner juste. Dommage mais pas dramatique. L’auteur est d’ailleurs pardonné: l’art du dialogue n’est pas facile à acquérir, et rares sont les écrivains qui le maîtrisent. La construction de l’ouvrage comporte également quelques problèmes, notamment celui de la répétition. Les allers-retours entre la discussion avec le psy et les récits de jeunesse fatiguent à la longue. Côté originalité du sujet, on a connu mieux, mais là encore pas de quoi s’exciter. 

Contre le père

Parce que De la race des seigneurs demeure un bon livre, malgré ses défauts. Alain-Fabien Delon et son personnage sont avant tout attachants. L’un pour ce qu’il est, l’autre pour ce qu’il vit. Alex vit tout un tas d’événements scabreux qui sont non seulement racontés, mais aussi offerts au lecteur. A partir d’une situation particulière, les (més)aventures du garçon interrogent avec intelligence le rapport entre père et fils. Que le père soit un Alain Delon ou un ouvrier ou n’importe qui d’autre. Même dans des situations plus faciles, il y a toujours entre le père et le fils une opposition qui jaillit à l’adolescence. Le fils se construit à partir du père, avec le père, et finalement contre le père. Autant d’ambiguïtés que livre le roman. 

«Mes rêves sont ceux de tout le monde: être heureux, aimer et être aimé, réussir ma vie. Ni plus ni moins. Seul, je n’y arrive pas. Mais voilà que ce soir, l’instinct, la peau, quelque chose de plus beau et plus puissant que la raison m’ordonne d’oser: l’espoir fou que cet inconnu m’entendra. Je raconterai et on saura enfin. On saura le monstre que j’ai comme père. On saura l’amour que je lui porte. On saura la douleur d’un cri jeté dans le vide.»

La fraîcheur de la jeunesse

Il faut le dire, et ce passage l’illustre bien, l’auteur a quand même la classe quand il écrit. Ouais, le gars a du style. Et de l’audace! Il n’a pas peur en effet de nous jeter à la face des termes aussi vagues que significatifs comme l’amour, la haine, l’espoir, la drogue et j’en passe. Il a la fraîcheur de la jeunesse qui ose encore tout: raconter ses aventures sexuelles avec des grands mots, parler du désespoir en le nommant tel quel, témoigner de l’addiction aux drogues dures en ne taisant pas les détails, et rêver d’amour et de gloire les yeux ouverts. 

Voilà l’histoire d’un garçon qui espère, essaie et se rate. Voilà l’histoire d’un anti-héros. Voilà l’histoire d’un maladroit; méchant malgré lui, gentil par volonté. Voilà l’histoire d’Alex qui, ne trouvant pas sa place, s’en crée une. Voilà l’histoire d’Alain-Fabien qui ne trouvant pas sa place non plus, s’en crée une aussi. Il était beau gosse «fils de», beau gosse banal, beau gosse pourri, beau gosse crétin, beau gosse victime. Il est devenu un beau gosse écrivain, et de la race des seigneurs s’il vous plaît.

Alain-Fabien Delon
De la race des seigneurs
Editions Stock
2019
174 pages

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © Loris S. Musumeci pour Le Regard Libre

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