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«Duelles», entre satisfaction sensorielle et frustration intellectuelle4 minutes de lecture

par Kelly Lambiel
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Les mercredis du cinéma – Kelly Lambiel

Sur le plan formel, le dernier film d’Olivier Masset-Depasse est un chef-d’œuvre. Lumière, bande-son orchestrale, univers rétro, jeux de caméra techniques et maîtrisés, performance des acteurs, il jouit de qualités esthétiques nombreuses, indéniables. On peine pourtant à se laisser porter et si on sort de la salle les sens satisfaits, on ne se défait pas du goût, certes subtil, mais désagréable qui reste en bouche. Décryptage.

Une entrée savoureuse

Respiration lourde, saccadée. Image floue. Gros plan sur des yeux qui épient à travers un rideau. Lentement les silhouettes se dessinent et la musique fait son entrée. Le suspens est présent, une ambiance inquiétante s’esquisse. On comprend vite que les couleurs chatoyantes des intérieurs cossus d’un quartier bourgeois de Bruxelles et les toilettes impeccables des maîtresses de maison tirées à quatre épingles sont un décor en carton qui menace, sournoisement et imperceptiblement de s’écrouler.

A l’image de l’asymétrie presque indécelable qui caractérise les villas mitoyennes dans lesquelles le drame prendra place. Le contraste mis en évidence par ce fond coloré des années soixante et le climat pesant de la scène d’ouverture semble être une combinaison efficace à l’élaboration d’un thriller psychologique. Peut-être parce que cela fait penser à un certain Hitchcock, dont Olivier Masset-Depasse ne minimise d’ailleurs pas l’influence. On entre donc dans le film avec un a priori positif, prêts à se laisser surprendre. 

Une trame qui laisse sur sa faim

Céline (Anne Coesens), la brune, et Alice (Veerle Baetens), la blonde, sont deux voisines et amies qui voient leur complicité voler en éclat après la mort de Maxime. Céline impute à Alice l’accident de son fils auquel cette dernière a assisté, impuissante. Suite à ce drame, on devient spectateur de sa descente aux enfers entre culpabilité, sentiment d’injustice et paranoïa. Céline entretient-elle volontairement une relation malsaine avec Théo, ancien meilleur ami de Maxime et fils unique d’Alice? Cherche-t-elle à se venger? Ou est-ce là simplement le besoin légitime d’une mère en souffrance qui tente par tous les moyens de se raccrocher à son enfant disparu? 

Quelle que soit la réponse, Alice perd pied et nous entraine avec elle dans sa chute. Enfin presque. Les nombreux retournements de situation, les coïncidences peu crédibles et les parallélismes forcés, dignes d’un bon téléfilm de l’après-midi, finissent par lasser. Peu de surprises quant au dénouement final, cerise amère sur le gâteau d’un film qui s’essouffle quelque peu sitôt sorti du four.

Un visuel (trop?) soigné

Malgré le talent des protagonistes principales, l’intensité du jeu de Veerie Baetens et la retenue de celui d’Anne Coesens notamment, les promesses du départ ne sont pas tenues. Non pas que le film soit dépourvu de qualités qui auraient pu rattraper le manque d’originalité du scénario mais, là encore, le trop se fait ennemi du bien. Certes, les mouvements de caméra circulaires qui enferment Alice dans son délire montrent bien qu’elle n’a pas d’échappatoire. 

Les nombreux gros, même très gros plans, parfois nets, parfois flous sur les objets, les mains ou les yeux contribuent à créer une atmosphère mystérieuse. Les longs plans-séquences accompagnés d’une musique très évocatrice retranscrivent de façon efficace les tourments internes des personnages. En ce qui concerne le savoir-faire, rien à redire, c’est à un véritable exercice de style, parfaitement maîtrisé, que nous convie le réalisateur.

Toutefois, à vouloir trop souligner certains éléments et à trop forcer certains liens, le réalisateur retire au spectateur toute autonomie et faculté d’imagination. Tout est montré à défaut d’être évoqué, suggéré, alors que le film possède tout ce qu’il faut d’un point de vue technique et scénaristique pour satisfaire le spectateur. On voit ainsi Alice perdre pied mais à aucun moment, malheureusement, la possibilité d’être déstabilisé, mené en bateau, perdu, intrigué ne nous est offerte. Une pointe de folie et d’abstraction qu’on aurait aimé voir Olivier Masset-Depasse emprunter à l’autre grande référence du cinéma à qui son film rend hommage, David Lynch. 

Ecrire à l’auteur: lambielkelly@hotmail.com

Crédit photo: © Agora Films

Duelles
FRANCE, BELGIQUE, 2018
Réalisation: Olivier Masset-Depasse
Scénario: Olivier Masset-Depasse, Giordano Gederlini
Interprétation: Veerle Baetens, Anne Coesens, Mehdi Nebbou, Arieh Worthalter
Production: Haut et Court, Savage Film, Versus Production
Distribution: Agora Films
Durée: 1h33
Sortie: 17 avril 2019

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