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La vie d’AndrEas Altmann, un témoignage percutant3 minutes de lecture

par Le Regard Libre
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Les bouquins du mardi – Amélie Wauthier

De ses parents, Adreas Altmann n’avait gardé que l’exemplaire de Mein Kampf qu’avait reçu le couple pour son mariage. Un livre, et de mauvais souvenirs. 

Si les premières heures du jeune Andreas n’ont pas été de tout repos – sa mère a essayé de l’étouffer quand elle a appris qu’elle avait mis au monde un quatrième garçon – ça n’allait pas vraiment s’arranger avec le temps. Des premières années de sa vie, Andreas se souvient du mal qu’il s’infligeait pour attirer l’attention de sa mère et être aimé d’elle. En vain. Quant à ses souvenirs de son père, ceux-ci sont postérieurs à ses neufs ans et guère plus réjouissants.

Franz Xaver Altmann est un homme dont le cerveau et le cœur sont ravagés par la Seconde Guerre mondiale. Lui qui avait pourtant tout pour plaire et réussir dans la vie se retrouve avec le commerce familiale sur les bras – marchands de rosaires de pères en fils. Il ne cessera d’être le bourreau de sa femme, puis, après avoir mis celle-ci à la porte, de ses enfants. C’est dans ce climat de guerre, autant physique que psychologique, que le jeune Andreas, ses frères et sa sœur, tenteront de se construire. A Altötting, dans une ville où, comme si cela ne suffisait pas, le catholicisme prospère et sévit également. 

«Je volais donc aussi pour calmer ma faim. Et ne pas devenir encore plus pâle, plus anémique. Cela semble aberrant, un fils qui doit voler son propre père pour préserver son tube gastro-intestinal. Il faut souligner, nous n’étions pas chez un prolo, chez un chômeur ivrogne, mais chez un fabricant de rosaires, ouaille de l’Eglise romaine et catholique, qui appartenait à la classe moyenne aisée.»

Dans ce roman autobiographique, Andreas Altmann nous livre son enfance, meurtrie par les violences portées par son géniteur et les discours catholiques moralisateurs, qui on fait naître chez lui bien des névroses et des peurs, telles que celle des femmes. Ces deux institutions malsaines n’ont rien à envier l’une à l’autre quand il s’agit d’abus et de maltraitance. On découvre le combat d’Andreas pour trouver un but à sa vie – alors qu’il enchaîne les échecs scolaires, musicaux, sportifs –, son besoin de se trouver une figure paternelle de substitution, son questionnement quant aux raisons qui ont fait de son père l’homme qu’il est devenu, etc.

Les souvenirs qu’il a consignés dans son journal intime viennent enrichir ce récit poignant, bouleversant, qui se dévore d’une traite malgré l’extrême brutalité des faits. Le lecteur est happé par le style de l’auteur, qui parvient à transmettre son envie de révolte. On éprouve l’irrépressible désir de découvrir de quelle façon le jeune garçon va s’en sortir – si tant est qu’il s’en sorte – ainsi que ce qu’il va advenir de ses différents tortionnaires.

Ce témoignage questionne ce qui nous construit, nous conditionne en tant qu’individu et être humain relié à d’autres êtres vivants. Quelle emprise avons-nous sur nous-mêmes, du développement de notre propre personnalité aux choix que nous faisons pour nous accomplir? Qu’est-ce qui détermine notre capacité à suivre ou rejeter une doctrine? Comme le père d’Andreas, qui a été lui-même impacté par son propre père et reproduit à l’excès un modèle qui lui est familier. A quel moment peut-on échapper et briser la répétition d’un schéma familial qui se reproduit depuis des générations? 

Il y a chez Andreas Altmann cette volonté de comprendre qui est son père et cette détermination à ne pas reproduire les mêmes erreurs que lui. Ce dernier sert d’exemple de ce qu’Andreas ne souhaite pas devenir. Le jeune homme, qui ne supporte pas le statut de victime, a cette rage de trouver le moyen de se libérer de ce géniteur qu’il a tant de fois rêvé de tuer. Il a su trouver dans sa haine un moyen de survivre, le moteur pour s’en sortir mais également le ciment qui lui a permis de tisser ou renforcer certains liens, comme ce fut le cas avec ses frères et sœur.

«Ce qui nous liait, c’était notre colère contre ”le vieux”. C’était ainsi qu’on appelait Franz Xaver Altmann». 

C’est le cri du cœur d’un homme qu’on a cherché à étouffer toute sa vie, et qui, aujourd’hui, prend la parole pour se révolter contre les injustices qu’il a subies. Un homme libre et digne que rien ni personne n’aura su faire taire. 

Ecrire à l’auteur: amelie.wauthier@leregardlibre.com

La vie de merde de mon père, la vie de merde de ma mère et ma jeunesse de merde à moi
Andreas Altmann
Editinos Actes Sud
2019
325 pages

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