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Le drame des paysans porté à l’écran par Edouard Bergeon3 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier

C’est un film aussi bien dur – dans son propos et ce qu’il montre à l’écran – qu’artistiquement réussi, et donc beau. Au nom de la terre d’Edouard Bergeon met en scène un paysan (Guillaume Canet) qui reprend la ferme de son père et qui glisse lentement du bonheur à l’horreur, malgré une femme et des enfants aimants. Un film percutant, basé hélas sur la réalité du monde agricole et de son évolution depuis quarante ans.

France, 1979. Pierre (Guillaume Canet) rentre du Wyoming où il a dû s’occuper de milliers de bêtes. La ferme familiale qu’il retrouve appartient certes à une plus petite échelle, mais cela ne l’a pas empêchée de s’agrandir considérablement pendant son absence. Son père Jacques Jarjeau (Rufus), qui a hérité de la ferme à la mort de son propre père à l’âge de treize ans seulement, a bien sur la développer, non sans atteinte aux normes en vigueur. C’est au tour de Pierre de reprendre la ferme familiale. «Bon, l’important, c’est que ça reste dans la famille», barjaque ce paysan de l’ancienne mode à son fils lors de la transmission de la ferme devant le notaire et la fiancée de Pierre, la belle et étrangère Claire (Veerle Baetens).

Rufus et Guillaume Canet dans «Au nom de la terre» d’Edouard Bergeon © Filmcoopi

Vingt-trois ans plus tard, la réalité de plus en plus difficile de l’agriculture traditionnelle s’est fait sentir et les dettes s’agrandissent. Pourtant, Pierre investit massivement dans de nouvelles infrastructures dans le but, justement, de s’adapter à l’époque et rentabiliser la ferme. L’espoir fait vivre. Mais quand il n’y a plus d’espoir, noir c’est noir. L’élevage d’une grande population de volaille devient vite un désastre quand l’installation neuve qui a coûté un saladier se met déjà à dysfonctionner. C’est le début d’une descente en enfer pour Pierre Au sens propre, puisque l’infrastructure en question va être dévorée par les flammes.

L’excellence incontestable des acteurs, jusqu’au fils de Pierre, Thomas (Anthony Bajon), s’allie à l’autre grande force de film, qui est justement la thématique du rapport père-fils. «Pierre», c’est le père; le père est une pierre, un roc dur, un rock dur. Pierre, père de famille de plus en plus désœuvré malgré l’amour des siens, souhaite avant tout ne pas être l’héritier de la dureté et de la sévérité de son paternel, même s’il hérite de sa ferme. Celles-ci ne sont pas seulement à mettre sur le compte d’une monde ancien et difficile; elles sont aussi dues à une authentique méchanceté, comme un malin plaisir à critiquer la manière de faire des autres et à ne jamais exprimer de l’amour inconditionnel pour son épouse ou ses enfants.

Nul doute que cette relation père-fils éternellement difficile, que nous sommes tant et tant à connaître et qui est donc proche de l’impasse universelle, joue un grand rôle dans l’issue tragique de Pierre et du film. Au nom de la terre s’impose ainsi comme œuvre importante sur la thématique ô combien actuelle de la gravité du monde agricole, mais la dépasse même en y intégrant un air de drame familial sous fond d’intimes frustrations sans solution, de père en fils. Devant l’écran, impossible de se tromper: on voit que le réalisateur parle de son vécu. Et la manière de l’avoir rendu sous forme de fiction, avec un tel talent, est plus que remarquable.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Crédit photo: © Filmcoopi

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