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J’accuse Polanski d’avoir sorti un film moyen3 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier

J’accuse, le nouveau film de Roman Polanski, vient de sortir dans les salles. Il raconte la condamnation du militaire français et juif Alfred Dreyfus (Louis Garrel) et la découverte de son innocence par le commandant Picquart, promu lieutenant-colonel (Jean Dujardin). Poursuivi par des polémiques sur des faits qu’il aurait commis quarante ans plus tôt et de nouvelles accusations, Polanski signe une œuvre pour le moins moyenne. Et c’est la seule chose qui nous intéressera ici.

Rappelons les faits. A la fin du XIXe siècle, en France, un véritable ouragan politico-judiciaire ébranle le pays et l’Europe tout entière, sous fond d’antisémitisme grandissant et de tensions idéologiques. Le Capitaine Alfred Dreyfus, d’origine alsacienne et de confession juive, est condamné par l’Etat français pour trahison de l’armée. On l’envoie au bagne en Guyane. Une grande erreur judiciaire, en réalité: l’officier est innocent et les preuves invoquées pour son inculpation, basées sur l’écriture d’un manuscrit, sont fausses. L’antisémitisme de l’état-major se verra dévoilé au grand jour.

L’«affaire Dreyfus» à proprement parler, entrée dans l’Histoire sous cette dénomination, est désormais célèbre. Le 13 janvier 1898, Emile Zola publie dans le journal L’Aurore son texte «J’accuse…!», une lettre au président de la République Félix Faure où l’écrivain réputé dénonce le scandale judiciaire et affirme qu’Alfred Dreyfus est innocent. Zola sera alors condamné par l’Etat pour diffamation, au maximum de la peine. C’est la médiatisation de ce procès haut en rebondissements qui donne lieu à scission de l’opinion publique de tout un pays entre dreyfusards et anti-dreyfusards.

Un film d’enquête, mais faible

L’originalité du scénario de Roman Polanski, basé sur cette affaire, est de placer en son centre le commandant Picquart, son arrivée à la tête du servie des renseignements, son doute de plus en plus marqué sur la culpabilité de Dreyfus et son cheminement difficile pour prouver son innocence. Marie-Georges Picquart s’est battu contre son propre camp, celui des institutions de l’armée et de l’Etat français. Sa soif de vérité, digne d’un enquêteur, est en soi un bel objet de film et plonge celui-ci dans la veine des policiers. Avec, certes, tout ce que cela demande de suspense et de sobriété.

Mais même cet élément central qui devait faire la solidité du film n’est pas totalement réussi – en témoigne le jeu raté de Jean Dujardin, un acteur rarement bon hors des comédies et qui pense que le sérieux passe par le froncement des sourcils et la rigidité des membres, sans pathos. Ridicule, le pauvre. Presque autant que dans Le Daim. Pourtant, pas facile de lui en vouloir dans la mesure où tout ce film de 2h12 – beaucoup trop long, d’ailleurs – souffre d’une lenteur inutile et se base sur une vision caricaturale de la fin du XIXe siècle, faite de moustaches, de monocles et de durs à cuire.

Quant au reste du film, qu’on se le dise, il ne tient qu’en très peu de mots: un vide absolu. Une absence totale de choses à dire. Difficile, donc, de rejoindre les inconditionnels de Polanski en louant son génie, comme si le cinéaste franco-polonais, juif de surcroît, était à l’abri de la non-excellence. Mais pour pouvoir dire cela, il faut bien aller voir son cinéma, et donc combattre le boycott de la meute hurlante, populaire et médiatique, qui crache sur l’homme en ignorant des principes fondamentaux tels que la présomption d’innocence, la charge de la preuve ou l’obligation de la défense.

Voilà donc l’affaire, non pas l’affaire Dreyfus, mais mon affaire, et celle qui devrait être la nôtre à tous: qu’il nous soit permis d’aller voir J’accuse pour justement montrer qu’il s’agit d’un long-métrage médiocre et ennuyeux. Qu’il nous soit autorisé de ne pas crier avec les loups de la médisance et de la souillure d’un homme, mais qu’il nous soit aussi autorisé de ne pas tomber dans l’autre face de la médaille bien-pensante voulant que Polanski livre à chaque fois un cinéma prodigieux. J’admire l’artiste Polanski, je ne connais pas l’homme, je hais la meute et surtout je tente de juger à chaque fois une œuvre pour ce qu’elle est, de manière humble et honnête.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Crédit photo: © Frenetic Films

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