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Nous ne sommes pas faciles5 minutes de lecture

par Le Regard Libre
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Le Netflix & chill du samedi – Febe Tognina

En me promenant sur Netflix, j’ai été attirée par un titre assez original: Je ne suis pas facile. Une façon de parler plutôt commune, mais là il s’agit d’un homme. Cette comédie romantique et bien drôle s’intitule en fait: Je ne suis pas un homme facile. Eléonore Pourriat a réalisé ce long-métrage sorti en avril 2018. Qui est d’ailleurs la première production en langue originale française à être parue sur Netflix.

L’histoire d’une femme et d’un homme

Les personnages principaux sont Alexandra et Damien. Ce dernier, c’est le beau gosse. Il a eu une histoire avec la plupart des filles de son entourage, avec lesquelles il croit pouvoir tout se permettre. Plus qu’un Don Giovanni, c’est un séducteur en série. Aucun respect pour ses victimes. Il réussit tout tranquillement à expliquer à une femme ce qu’elle sait déjà et essaie inutilement de monopoliser la parole. Il ne voit pas les mécanismes sur lesquels sa personnalité et ses attitudes sont construites; ses actions et sa manière d’interagir avec les gens sont caractérisées par un fort égocentrisme et un individualisme forcené.

Tout fonctionne selon ses désirs dans le monde patriarcal dont il est le souverain, jusqu’au moment du coup de théâtre qui animera plutôt bien le reste de l’histoire. La situation s’inverse à cause d’un accident: un renversement des genres entre les femmes et les hommes. Dans cette nouvelle réalité, il n’a plus de pouvoir sur les femmes; ce sont désormais les femmes qui le dominent. Il se trouve catapulté dans une société matriarcale. Ce nouveau monde lui fait comprendre, peu à peu,  plusieurs situations que les femmes doivent subir.

Traité comme l’une des femmes, il est harcelé et victime de sexisme au travail comme dans la rue, par des inconnues et des inconnus comme par des amis. Damien se retrouve donc à jouer le rôle habituel des femmes dans son monde à lui, patriarcal. Et que nous connaissons trop bien. Dans ce contexte, une femme le percute dans sa personne et ses convictions. Elle est une sosie de lui, mais dans le monde renversé! Il était bourreau, et devient victime. Je ne vais pas en dire plus pour ne pas spoiler l’histoire.

Deux genres

Bien qu’il y ait des scènes d’une manifestation contre les «clitocrates» (dans notre monde, il pourrait s’agir d’une manifestation contre les «phallocrates»), le film n’est pas militant, et la réalisatrice non plus. Je ne suis pas un homme facile met en évidence une certaine partie des clichés existant sur les femmes et sur les hommes, pour les renverser ensuite. Ce qui pourrait passer pour une promotion de la cause féministe.

Un telle manière d’agir permet de se rendre compte – enfin! – des grandes inégalités de traitement qui existent entre les femmes et les hommes. Moyen comique et plaisant de mettre en lumière les petites et grandes manifestations du sexisme envahissant notre quotidien. La normalisation de la domination masculine est ici mise en évidence par le changement de rôle entre hommes et femmes; la domination féminine en devient donc absurde, drôle et au fond inacceptable. C’est exactement ce qui permet de prendre conscience des inégalités, et de l’impact des distensions entre les deux genres principaux dans notre société.

Nous

Eléonore Pourriat nous emmmène dans deux mondes qui reflètent le même paradigme de domination. Soit elle est masculine – dans le monde de Damien – soit féminine – dans le monde d’Alexandra. La domination se reconnaît en tant qu’imposition d’une catégorie sur une autre. La réalisation de ce film permet de mettre en avant une série de stéréotypes et de comportements masculin et féminin. L’inversion des rôles les rend visibles et les libère de la connotation de normalité que les rend «acceptables».

Au-delà de l’histoire qui lie Alexandra et Damien dans les deux réalités parallèles, le constat sur la complexité du genre humain est particulièrement appréciable. Nous ne sommes pas faciles, en tant qu’êtres humains, peu importe le genre. Nous sommes caractérisés par des données qui découlent d’une socialisation à un genre spécifique, mais elle peut bien être totalement externe, opposée ou inattendue par rapport au standard et à l’attente de la société. Qu’il est fantastique de ne pas être enfermé dans des cases, étiqueté sous des catégories ou défini par des expressions réductrices et stéréotypées! Nous ne sommes pas des catégories, nous ne sommes pas des genres… nous ne sommes pas faciles.

Majorité opprimée

La réalisatrice n’en est pas à son premier film; son court-métrage Majorité opprimée avait déjà connu le succès. Un père se balade dans un quartier et ose se rebeller contre les commentaires vulgaires qui lui sont adressé, et le gang de filles le viole. La police et sa copine lui posent le même type de questions. «C’est peut-être ta faute!? C’est tes habits, tes comportements, tu les as provoquées ou tu les as cherchées. C’est fou, non? C’est pas quelque chose qui se passe tous les jours.» Mais si, c’est bien quelque chose qui se passe tous les jours!

Pour cette raison, des femmes, des hommes solidaires, les féministes d’aujourd’hui s’engagent pour imaginer d’abord et construire par la suite une société sans domination d’un groupe sur ou autre, n’importe quel groupe (déterminé par le sexe, le genre ou l’ethnie). Contrairement au cliché des phallocrates contre les féministes, les personnes qui se battent aujourd’hui pour plus d’égalité ne visent pas à renverser la situation actuelle (et donc dominer les hommes), mais aller vers un monde respectueux et définitivement humain, sans discriminations ni inégalités.

Le film en question met en avant les discriminations sexistes que les femmes vivent dans leur quotidien et permet de prendre conscience de la réalité qui nous façonne et nous entoure. Le pas suivant, c’est-à-dire se libérer des constructions des genres, de la domination sous toutes ses formes et des sexismes, est un travail qui dépend de nous, seulement de nous.

Ecrire à l’auteure: febe.tognina@leregardlibre.com

Crédit photo: © Netflix

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