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Rétrospective des années 2010: faut-il voir le verre à moitié plein ou à moitié vide?4 minutes de lecture

par Le Regard Libre
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Les lundis de l’actualité – Baptiste Michellod

En cette fin de décennie 2010, beaucoup d’entre nous sont tentés de dresser une liste des grands événements ayant marqué la période écoulée. Cette liste, évidemment non-exhaustive, inclura probablement certains des faits suivants: printemps arabes, guerre civile syrienne, crise des réfugiés, attentats de Paris, catastrophe nucléaire de Fukushima, annexion de la Crimée par la Russie, épidémie d’Ebola, crise de la zone euro, succès de mouvements populistes en Inde, au Brésil, aux Philippines ou encore aux Etats-Unis, Brexit, incendies records de la forêt amazonienne, grèves pour le climat.

Pourquoi, parmi les centaines de milliers d’informations assimilées durant une décennie, décidons-nous de nous rappeler avant tout des plus dramatiques? Selon l’auteur de Factfulness, le médecin et conférencier suédois Hans Rosling (1948-2017), il ne s’agit pas d’un choix, mais d’un instinct: nos cerveaux sont conditionnés à se souvenir des informations dramatiques. Toute nouvelle véhiculant une peur est automatiquement filtrée par notre cerveau comme une information importante, car perçue comme l’expression d’un danger immédiat. Si vous relisez ma liste d’événements marquants de la décennie, vous constaterez que je ne fais évidemment pas exception à la règle.

Cependant, au lieu de se laisser guider par l’instinct de la peur, de la généralisation, ou encore du gap instinct, Rosling nous propose de développer un esprit critique pour évaluer toute information reçue avec recul. Son message n’est pas d’ignorer nos instincts et de considérer avec froideur tous les maux frappant notre monde. Des atrocités sont commises tous les jours, et jamais nous ne devrions devenir sourds à la souffrance d’autrui. Le message de Rosling est tout autre. Pour être capable de garder foi en notre humanité, nous devons être capables de faire le constat mental suivant: la situation est mauvaise, mais en amélioration.

Des millions d’avions arrivés sans encombre

Prisonniers de notre instinct de la peur, nous sommes incapables de constater les progrès silencieux que l’humanité a accomplis durant les dernières décennies. L’accès à l’électricité et à l’eau potable, la vaccination et l’éducation sont autant de facteurs en progression constante, sans pour autant être médiatisés. Aucun journaliste n’écrirait d’article au sujet des millions d’avions arrivés sans encombre à destination. Les accidents d’avion sont quant à eux très médiatisés, parce que ces informations vendent mieux.

Ainsi, malgré les guerres en cours en Syrie, au Yémen ou encore en Ukraine, les incendies, tremblements de terre et inondations – autant de drames dont la gravité ne devrait jamais être mise en doute – la part de la population touchée par la guerre ou par des catastrophes naturelles n’a jamais été aussi basse au cours de l’histoire humaine. Malgré les défis globaux tels que la persistance de la pauvreté extrême dans certaines régions du monde, la raréfaction des ressources naturelles et la montée des inégalités, l’espérance de vie humaine n’a jamais été aussi élevée. L’état du monde est évidemment préoccupant, mais des progrès sont réalisés.

Une autre cause de pessimisme découle de l’utilisation de concepts et de généralisations aujourd’hui dépassées. L’idée de «Tiers Monde» est sans doute l’une des plus tenaces d’entre elles. Ce concept, créé dans les années cinquante et encore largement utilisé en 2019, englobe la plupart des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. Ces nations seraient destinées à garder à jamais un retard économique et social considérable par rapport aux pays industrialisés.

Or, le concept de «Tiers Monde» ne reflète plus la réalité d’aujourd’hui. Prenons, pour illustrer cela, deux indicateurs de pauvreté: la mortalité infantile, qui reflète la disponibilité et la qualité des systèmes de santé, et le nombre de bébés par femme, indicateur de niveau de développement – il est universellement observé que le taux de natalité décroît lorsqu’un pays s’industrialise. Comparons ces deux indicateurs, entre 1970 et 2018, faute de données disponibles pour l’année 2019. Nous y avons en outre ajouté une troisième dimension: la population par pays, indiquée par la taille des bulles de couleur, qui nous donne une meilleure idée d’où la majorité population se «situe» sur le graphique.

Source: gapminder.org
Source: gapminder.org

Vers la fin du «Tiers monde»?

En 1970, on distingue clairement deux mondes. D’un côté, un monde industrialisé, où les femmes ont en moyenne deux à trois enfants dont le taux de mortalité est très faible. La majorité de l’humanité vit dans le «Tiers Monde», caractérisé par un haut taux de natalité et une forte mortalité infantile. Le monde d’aujourd’hui est bien différent. L’immense majorité de l’humanité a atteint un bas niveau de natalité, et la mortalité infantile a significativement diminué, tant et si bien que le «Tiers Monde» se confond avec le monde industrialisé.

Une telle progression, sans précédent dans l’histoire humaine, devrait être plus souvent célébrée. Je ne peux que conseiller aux lecteurs curieux ou sceptiques de se rendre sur gapminder.org et à comparer d’autres indicateurs. Vous constaterez la largeur du fossé qui sépare notre perception du monde et sa réalité.

A l’heure du numérique où le partage d’information est devenu instantané, nous sommes en permanence accablés de nouvelles dramatiques. Si nous ne nous retenons que celles-ci, notre perception de la situation sera erronée, sinon incomplète. C’est pourquoi, en ce moment de bilan de la décennie 2010, il est plus que jamais important de rester attentif aux progrès silencieux accomplis par l’humanité. Des milliers d’avions arrivés sans encombre à destination.

Ecrire à l’auteur: Baptiste.michellod@gmail.com

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