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«Bâtards»: un «Black Mirror» édition romande5 minutes de lecture

par Fanny Agostino
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Article inédit – Fanny Agostino

Depuis un mois, les résidents suisses peuvent accéder à la nouvelle plateforme de streaming de la SSR baptisée «Play Suisse». Avec son interface similaire à celle de Netflix, elle permet de visionner gratuitement des productions helvétiques. C’est le cas de la websérie Bâtards. Dans un décor lunaire et dystopique, des enfants abandonnés se battent dans une télé-réalité pour être adoptés par un couple de célébrités, jusqu’à ce qu’une prise d’otage fasse tout basculer. Un scénario ambitieux qui aurait mérité de se développer dans un format plus long.  

Dans la poussière et la saleté, une bande de gamins se regroupe autour d’un grand écran. Devant des yeux ébahis, un générique démarre. Se dessine alors un logo aux couleurs pastel et à la typographie habituellement utilisée pour les bandes dessinées. Il ne s’agit pourtant pas d’un programme animé; cette mise en scène enfantine dénote avec l’agressivité de son titre: «Bâtards». Depuis une usine abandonnée – présentée comme l’une des conséquences d’une crise qui a détruit l’humanité il y a de cela cinq ans – des orphelins suivent la progression de leurs semblables dans un jeu télévisé. Et quoi de plus motivant, pour ces marginaux, que de lutter sans répit pour réintégrer la bien-aimée société? Milla (Sasha Gravat Harsch), Rocky (Maoro Maquart) Dylan (Esteban Sicilia) et Harmonie (Maïmouna Kone) sont encore en lice pour remporter le titre «d’incroyable bâtard». A la clé? Sortir de leur condition grâce à la générosité de célébrités disposées à accueillir un mineur chez eux. Mais pour cette quatrième saison, la production dirigée par Marc (Vincent Veillon) a décidé de modifier les règles. Ainsi, à la grande surprise des spectateurs et des finalistes, le couple ne brille pas par son activité sur les réseaux sociaux. Il est tout ce qui a de plus «classique» et de classe modeste. Stupeur et incompréhension chez nos protagonistes, qui se rebellent.

Entre Koh-Lanta et Battle Royale

Ayant remporté l’appel à projets «Fantastic Web Contest» organisé en collaboration par la RTS et le NIFFF, cette série réalisée par le duo formé par Malou Briand et Raphaël Meyer se veut réflexive à plus d’un titre. Elle rappelle fortement la série britannique Black Mirror qui se délecte d’exacerber les travers d’une société toujours plus connectée et informatisée dans des univers parallèles au nôtre. Ceux-ci sont toujours présentés comme une dérive pouvant être empruntée par l’humanité. La télé-réalité «Bâtards» en est une: adulée par son public, seuls certains enfants, à l’instar de sa jeune présentatrice maquillée et dévoilant un sourire trahissant son accoutumance à l’orthodontie, prennent conscience de l’ineptie du programme télévisé.

Avec un format relativement court – 6 épisodes d’une durée de sept à douze minutes – la série ne cesse d’emprunter les codes de formats télévisuels: le vote du public pour sauver «son bâtard préféré», les épreuves d’immunités ou encore l’isolement des candidats vivants dans un camp de fortune et leurs clashs. A cela, il faut ajouter un périmètre délimité entre une zone forestière et une plaine rocailleuse, aux allures d’espace cosmique. Un espace qualifié «d’arène» qui n’est pas sans rappeler le principe du «Battle Royale» inspiré par le roman éponyme de Kōshun Takami dans lequel de jeunes délinquants s’affrontent sur une île, le survivant obtenant le droit de vivre. Un concept largement repris par l’industrie du jeu vidéo ces dernières années. Une multitude de références qui se périclite et manque quelque peu son esprit parodique pour se contenter d’un pastiche grossier.

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L’ère de la célébrité numérique

Elément ostensiblement marquant pour le spectateur, la pratique frénétique des réseaux sociaux des jeunes candidats à l’adoption tranche avec leur mode de vie précaire. Quelque peu dérangeant dans le monde présenté – rappelons tout de même que le format condensé de la série ne permet pas de s’attarder sur ce genre de détails – cette obsession de la célébrité apparaît comme le seul moyen d’intégrer une vie sociale. Tous les événements de l’émission ainsi que ses coulisses sont commentés sur la toile par les téléspectateurs. Milla, candidate favorite du public, se vante de ses quelques quatre millions de followers avant que cette adulation éphémère ne se retourne contre elle grâce au harcèlement massif. Ainsi, alors qu’ils ne bénéficient pas d’électricité courante et vivent reclus, ces jeunes sont tout de même greffés à leur smartphone afin d’acquérir une notoriété, primordiale à leur survie.

Avec son propos axé sur les excès des modes de vie contemporains, Bâtards attise la curiosité des spectateurs et parvient à créer une ambiance – notamment grâce à sa bande son efficace – dérangeante et fantastique. Un scénario alléchant qui mériterait d’être davantage exploité.

Ecrire à l’auteure: fanny.agostino@leregardlibre.com

Crédits photo: © RTS

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