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«Coronation»: le prix de la grandeur et de la fierté6 minutes de lecture

par Clément Guntern
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Les mercredis du cinéma – Clément Guntern

Documentaire sélectionné en compétition au FIFDH de Genève, Coronation de Ai Weiwei donne la parole et l’image à ceux qui ont vécu au plus près l’avènement d’une nouvelle forme d’oppression: la dictature sanitaire mise en place à Wuhan le 22 janvier 2020, sa brutalité et ses mensonges.

Ai Weiwei n’est plus à présenter: artiste chinois de renommée internationale, associant naturellement art et politique, porte-voix exilé d’une opposition démocratique chinoise chaque jour davantage étouffée. Cela sonne comme une évidence de le voir explorer un événement majeur de notre histoire contemporaine: la pandémie de coronavirus apparue pour la première fois à Wuhan, dans le centre de la Chine.

Produit et réalisé depuis l’Europe par Ai Weiwei, ce long-métrage est né d’une collaboration discrète et à longue distance entre l’artiste et un réseau de cinéastes chinois, plus ou moins amateurs. En effet, ces derniers lui ont fourni des centaines d’heures d’enregistrement.

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Les vies à l’intérieur du confinement

Le film raconte, depuis les premiers jours, l’invention du confinement moderne à la chinoise: brutalité, démesure, mensonge et propagande. A travers de courtes séquences amatrices prises – notamment à l’aide de smartphones – au moment du confinement, plusieurs protagonistes illustrent tantôt leur combat contre la maladie, tantôt contre les griffes du Parti-Etat, parfois contre les deux: le personnel soignant, un travailleur immigré qui ne peut plus rentrer chez lui et dort dans sa voiture, une ancienne membre décorée du parti, son fils plus libéral qui l’exaspère, des patients retenus de force, des proches de personnes disparues…

Des premiers jours du confinement jusqu’à la levée des mesures, le documentaire se structure à travers des portraits variés, révélés à demi-mot. Au compte-goutte arrivent également de rares dialogues entre les protagonistes, par le biais des scènes de leur vie quotidienne devenues dramatiques ou apocalyptiques sous le nouveau régime de confinement. Toute une diversité est présente, entre ceux qui marchent avec le régime et qui assurent à ces jeunes venus par dizaines qu’il n’y a rien à craindre, et ceux qui se battent pour qu’on leur octroie une miette de la vérité officielle, celle du discours prononcé par les représentants des autorités.

La violence et la peur

A plusieurs reprises, on se demande quels risques ces personnes ont pris pour nous faire parvenir ces images, souvent poignantes d’intensité ou révoltantes par leur brutalité. Elles laissent surtout transparaître la violence d’une nouvelle forme de dictature et l’histoire de ces deuils broyés; autant le courage de certains protagonistes qui mettent leur vie en péril pour lutter contre le virus que la lâcheté d’un Parti-Etat aux ressources phénoménales de ses membres et adeptes du mensonge et de la censure au lieu de protéger et de secourir. C’est l’absurdité au service du pouvoir. Rien n’illustre mieux ce constat que cet homme, à qui l’on impose la présence d’un membre du parti pour la cérémonie à la mémoire de son père, mort du Covid-19, mais à qui l’on propose «30% de rabais sur les pierres tombales».

Coronation nous fait voir l’endoctrinement et la peur, qui aurait dû rester celle du virus, mais qui devient aussi celle du régime. Il n’a pas fallu longtemps avant que la violence publique et les nécessités de la propagande ne prennent le dessus. En plein cœur du confinement déjà, il fallait que le Parti reprenne la main et assure le rôle qu’il s’est toujours donné: celui de seul garant de la stabilité, de l’ordre et de la vérité publique. 

https://www.youtube.com/watch?v=7dsEdqqDnwM
Rencontre avec Ai Weiwei – Chine: les paradoxes de la réponse à la pandémie

Quelle victoire?

N’en déplaise à cette femme âgée, décorée à de multiples reprises pour ses efforts en tant que membre, une fois l’urgence levée et les gains de l’action amoindris, le Parti communiste ne se soucie guère des plus faibles. Elle qui assurait quelques semaines plus tôt que le Parti donnerait tout à son peuple – contrairement aux pays étrangers – elle paraît ne pas comprendre lorsque son fils lui dit que désormais, aucun frais ne serait plus remboursé.

A la fin du documentaire, le contraste est saisissant entre cet homme à qui l’on refuse de faire son deuil et une certaine jeunesse, biberonnée aux réussites du Parti de ces deux dernières décennies qui, dans les murs mêmes de l’hôpital, prête serment au régime. Une pandémie dévastatrice ne doit pas détourner la Chine du chemin qu’elle s’est tracée vers la puissance, quitte à écraser son peuple: le coronavirus a été vaincu.

Si, comme l’affirme le réalisateur et producteur, plusieurs festivals à travers le monde ont refusé son œuvre, on peut mesurer tout le chemin qu’il reste à parcourir pour l’Occident avant de pouvoir relever la tête et défendre réellement nos valeurs.

Ecrire à l’auteur: clement.guntern@leregardlibre.com

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