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«Duel»: l’un des rares films à la fois intellos et populaires5 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Spielberg, connu pour les requins, extraterrestres et autres dinosaures qu’il a mis en scène dans ses films, a-t-il finalement jamais fait mieux que son téléfilm de 1971? Duel, son deuxième longtrage, est un classique aux yeux du grand public. Pourtant, il a toutes les caractéristiques du cinéma conceptuel. Comment comprendre cette magie? Plongée dans l’un des meilleurs films de tous les temps, encore très actuel.

Un film unique en son genre. Duel, c’est le trajet en voiture d’un représentant de commerce, David Mann (Dennis Weaver), qui se retrouve la cible d’un poids lourd qui le poursuit pour on ne sait quel motif. Sans presque aucun dialogue, Spielberg montre dans son deuxième long métrage la puissance des outils cinématographiques pour tenir le public en haleine derrière son écran: caméra tournant autour de la voiture, changements de plan, expressions du visage de l’acteur, bruitages, sans oublier bien sûr la musique oppressante d’un autre -berg, une autre montagne, Billy Goldenberg, qui alterne avec des moments de grand silence.

On oublie aussi souvent que s’il y a très peu de dialogues, ceux que le réalisateur a décidé de placer dans son film sont à relever tant ils sont drôles. Pour preuve, cette discussion à laquelle se livrent David et le premier garagiste chez qui il s’arrête sur sa route:

«– Dis donc, il serait temps de changer une durite du radiateur.
– Je sais, on me le dit à chaque fois. Je verrai ça plus tard, merci.
– C’est vous le patron.
– Non, le patron, c’est ma femme.»

Interprétations multiples du poids lourd

Mais ces répliques revêtent une importance supplémentaire que leur humour décalé. Elles creusent une voie vers plusieurs interprétations possibles du film. Car si cette histoire de poursuite sans raison par un camion est absurde, il y a sans doute des raisons à cette histoire. Comment comprendre cette course-poursuite terrifiante et aberrante? Sans doute faut-il prendre le problème par le bout le plus basique: le poids lourd. Imposant, ce quarante tonnes est vécu comme une menace. C’est plus qu’une personnification: ce monstre de ferraille est plus dangereux que n’importe quel être vivant. L’humain devient secondaire, tant et si bien qu’on ne verra jamais vraiment le visage du chauffeur du camion.

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Le camion est donc une menace et cette menace est un personnage. Les coups de klaxon sont ses folles prises de parole, principalement pour narguer David. Ses phares, des yeux offensifs, qui s’allument dans un tunnel lors de la scène du bus avec les enfants. Le développement de cette personnification suffit déjà à faire du film un chef-d’œuvre, où l’effacement de l’humain côtoie un suspense purement cinématographique. Ce n’est pas un hasard si ce film est si populaire: l’action et la tension y sont au premier plan. Bien qu’il ne se passe pour ainsi dire pas grand-chose, difficile de s’ennuyer. Et en plus, c’est original!

Mais il y a plus. Ce motif de femme qui commande, lequel revient d’ailleurs à plusieurs reprises, est éloquent. Il ne faut pas oublier que David sort d’une dispute familiale et que sa femme a insisté pour qu’il rentre à l’heure le soir, pas comme les autres fois. Il est aussi question de problèmes de mariage dans les émissions radio que l’on entend au début du film. Ce thème du rapport de force au niveau matrimonial n’y est sans doute pas pour rien dans l’apparition d’un rapport de force démesuré entre un immense poids lourd et une voiture frêle au niveau du scénario. L’un est le reflet de l’autre. Le caractère soumis et «je ne veux pas d’ennui» du personnage principal et le caractère castrateur de son épouse, qui se manifeste dans les attaques du camion, donnent à penser.

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Ce qui nous amène à la plus grande force du film: celle de présenter le camion comme une menace vécue presque uniquement par le protagoniste principal. Comme si en fait elle n’existait que dans son esprit. Bien que le poids lourd interagisse avec d’autres personnages à deux reprises, son comportement sur la route n’est attesté par personne d’autre que David. On se moque même de lui quand il raconte que quelqu’un cherche à le tuer. Le décor magnifique du désert californien nous invite finalement à voir dans Duel une subtile représentation de l’imagination. Et donc de la fiction. Les chaleurs désertiques ne sont-elles pas propices à l’hallucination?

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

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