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«Grâce à Dieu» et aux paroles creuses4 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci

«Au fond, je savais; on savait tous, et on n’a rien dit.» 

Les faits sont désormais bien connus. Pour l’affaire Preynat, comme pour d’autres affaires de pédophilie concernant l’Eglise catholique à travers le monde. Un film au cœur de l’actualité, donc. François Ozon a pour autant voulu rester dans la fiction, plutôt que de se diriger vers le documentaire. Inspirée directement et étroitement de la réalité, l’histoire d’Alexandre, et celle d’autres victimes d’abus sexuels lorsqu’elles étaient scouts dans le diocèse de Lyon, est portée à l’écran pour provoquer le choc nécessaire à faire bouger les choses. A «libérer la parole».

La pédophilie à l’écran

Gare toutefois à ne pas tout considérer comme acquis par une telle thématique. Difficile de s’en prendre à un film sur la pédophilie. En l’occurrence, il n’y a pas grand-chose à reprocher à François Ozon. Contrairement aux Chatouilles sorti en automne dernier, qui parlait aussi de pédophilie, mais sous un angle niais, pleurnichard et maladroit à mon avis. Et pourtant, Grâce à Dieu aurait eu tout pour rassembler les éléments idéaux à faire un film idéologique, sans mesure et excessivement anticlérical.

Une chose est certaine, on a là affaire à un exercice impressionnant de justesse. Même si le film compte quelques défauts, à savoir des retours dans le temps pas si mauvais, mais mal accompagnés soit de voix angéliques de chœurs d’enfants soit de petites mélodies douces et fines. Cela surfait le contraste entre la monstruosité du prêtre et l’innocence des enfants. Les images parlent d’elles-mêmes, sans besoin d’en rajouter. 

En outre, la progression de la trame se charge d’une certaine lourdeur qui n’est pas due à la thématique grave, mais à la lenteur exagérément méditative de petites scènes du quotidien qui rendent le spectateur davantage las qu’ému. Petit bémol encore; j’ai cru comprendre que la pédophilie était une maladie: non, c’est un vice diabolique qui touche ceux dont la méchanceté la plus sale est enfouie dans le cœur. Dieu les jugera, mais après nous.

Les paroles creuses

Tout le reste n’est que réussite. Au niveau du jeu des acteurs, chacun est à sa place; dans sa différence et sa nuance. Parmi les victimes, on trouve un bouffeur de curés laïcard et un bourgeois catho très pieux. Le père Preynat lui-même n’a pas l’air si méchant sous son regard de chien battu et son sourire gêné de celui qui soi-disant regrette et qui demande pardon. Le cardinal Barbarin, quant à lui, se confond entre indignation et volonté d’agir, et mensonges et paroles creuses.

Telles sont d’ailleurs les clefs du film. Les paroles creuses. Bien sûr, celles d’ecclésiastes bienveillants, qui se disent affligés et lancent des «Je prierai bien pour vous», «Le pardon est au centre» ou «Dieu vous accompagne dans votre chemin courageux» à tout-va. Comme celles des victimes elles-mêmes qui essaient de mettre des mots sur leurs maux en se réfugiant dans des petites expressions toutes faites. Cela est sans doute volontaire de la part du scénario. En tout cas, l’effet est percutant.

La lumière blanche

Au niveau de la photographie, on sent la patte d’un vrai cinéaste. Parce que la lumière blanche est très révélatrice de l’état d’âme des personnages. Aussi discrète soit-elle, elle plonge le spectateur dans une ambiance nauséabonde dans ces salles paroissiales envahies d’un halo blanc ou l’on prie pour le pardon. Les entretiens chez Monseigneur Barbarin, aussi bienveillant soit-il, laissent ressortir le même malaise d’un air étouffant et blanchâtre. En contraste: la lumière blanche du soleil qui libère, lorsqu’Alexandre sort avec ses enfants, qui jouent.

Enfin, les deux plans finaux sont humblement saisissants. On aurait pu s’attendre à un procès en grandes pompes, une déclaration éclatante, mais non. La simplicité de la basilique de Fourvière, où l’on ressent la figure de Marie qui pleure ses enfants abusés, pour passer au visage d’une victime, marquée de douleur à jamais. C’est à pleurer. C’est d’une puissance qui envoie tout à la fin. On est en effet pas forcément très ému tout le film durant; là, tout ressort dans un sentiment mêlé de détresse et d’espoir de guérison.

«J’étais un enfant.»

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © Filmcoopi

GRACE A DIEU
France, Belgique, 2019
Réalisation: François Ozon
Scénario: François Ozon
Interprétation: Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud, Eric Caravaca, François Marthouret, Bernard Verley, Josiane Balasko
Production: Mandarin Cinéma, Scope Pictures
Distribution: Filmcoopi
Durée: 2h17
Sortie: 20 février 2019

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