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«Le bonheur des uns» fait le malheur du spectateur4 minutes de lecture

par Fanny Agostino
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Les mercredis du cinéma – Fanny Agostino

L’axiome est renversé, mais tout le monde reconnaîtra le proverbe. D’une logique désespérante et cumulant les clichés affligeants, le film de Daniel Cohen est aussi attendu et démonstratif que son titre. Dans cette comédie où le succès du premier roman d’une femme attise la jalousie de ses proches, tout se rapporte à l’aposiopèse.

L’exception ne fera pas la règle. Le film ne fait que confirmer l’impossibilité en France, ces dernières années, de produire des comédies sans se morfondre dans l’affligeant. Léa (Bérénice Béjo) mène une existence paisible: elle travaille dans le centre commercial de Beaugrenelle situé dans le 15e arrondissement. Un détail prenant toute sa valeur dans le film, puisque ce temple de la consommation bénéficie de la meilleure image du long-métrage: travellings, contre-plongées, effet miroir… même les panneaux publicitaires sont réemployés en placement de produits.

Cette carte postale dépassée, nous nous retrouvons donc au dîner parisien de deux couples d’amis formés d’un côté par Léa (Bérénice Béjo) et Marc (Vincent Cassel) et, de l’autre, Karine (Florence Foresti) et Francis (François Damiens). Léa y dévoile avoir débuté l’écriture d’un roman. Stupeur et incrédulité! Personne ne comprend ce soudain élan artistique. Pourtant, il coïncide parfaitement avec les occupations de ces bobos parisiens pour deux raisons: occuper l’ennui quotidien et briller aux yeux des autres.

Le culte de la réussite

C’est précisément ce dernier paradigme qui sous-tend toute la fiction. La reconnaissance sociale, l’exhibition du bonheur et de l’accomplissement personnel sont au cœur de ce qui ébranle le monde des protagonistes. Karine et Francis ont une vie accomplie. Traduire: des enfants, une agréable position sociale et professionnelle. Léa vient donc perturber leur vie hégémonique grâce à l’art, un domaine où le couple ne s’est pas révélé. Les deux comédiens se voient attribuer un rôle sur mesure puisqu’ils enchaînent des scènes sous la forme de sketchs. Attendus et répétitifs, ces scènes de ménage débordent de bêtise, au point où l’on espère, las, que le prochain gag soit moins stupide que celui qui le précède.

L’antithèse de cette course à la compétition est donc représentée par Léa. Vendeuse en prêt-à-porter, elle aime s’installer sur les canapés du centre commercial et «observer les gens». Munie de son carnet et de sa plume, elle sait «raconter les gens du dedans», une qualité qu’elle emploie d’ailleurs à bon escient dans son métier. Sans vice ni jalousie, Léa est effacée. Elle est prévenante avec les autres, douée d’une telle crédulité qu’on a parfois envie de se ranger du côté de ses bourreaux. Des prédispositions que le film s’emploie à rattacher à la pratique de l’écriture. L’écrivain est un cliché: il observe, aime se placer en retrait du monde, travaille dans le secret. Un système qui est pourtant loin de triompher dans le film.

Triomphe du capitalisme

Bien sûr, il s’agit d’une comédie. Je vous vois venir: nous ne sommes pas dans le cadre d’une analyse où la fresque sociale aurait eu davantage sa place. Il me semble néanmoins que la comédie est indéniablement un lieu de dévoilement de la société. En effet, elle joue sur les clichés, les stéréotypes et donc sur nos aprioris. Or, son discours sur ceux-là doit pouvoir être dépassé.

C’est tout le contraire ici. Le film ne fait qu’enfoncer ses personnages dans la caricature, jusqu’à en vomir. En témoigne Marc, le mari beauf et emmerdeur. Cadre dans une société d’aluminium, il ne supporte pas la nouvelle occupation de sa femme, ni sa manière de prendre des décisions en fonction des autres. Il se bat pour conserver sa position dominante dans son couple, mais tout s’écroule: le succès en librairie de sa femme, la menace d’un nouvel employé formé à l’étranger et lorgnant sur la promotion qui l’attendait. Heureusement, il lui reste sa secrétaire… Plus affligeant encore, il est conscient de son image. Il se reconnaît dans l’un des personnages du roman de sa femme.

Sans en dévoiler l’épilogue, c’est pourtant lui que le film désignera comme gagnant. Quant à Léa, elle se transformera en machine à écrire des best-sellers. Elle pourra profiter de son nouvel appartement à la belle hauteur sous-plafond et moulures pour justifier sa nouvelle posture sociale, sans pour autant faire de vagues.

Ecrire à l’auteure: fanny.agostino@leregardlibre.com

Crédit photo: © Praesens Film

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