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«Le Corniaud»: des vacances pour le peuple5 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les mercredis du cinéma – Edition spéciale: Le coronarire avec Louis de Funès – Loris S. Musumeci

«Ce qui me plaît chez vous, c’est votre simplicité.»

Mon film préféré avec de Funès. L’un de mes films préférés tout court. Je ne savais pas ce qui me plaisait tant dans cette comédie. Ce qui me touchait. De Funès et Bourvil? Oui, ils sont fantastiques. La traversée de la péninsule italienne et ses merveilles? Oui, c’est beau. La trame? Simple et entraînante. La musique? Sublime à pleurer.

Désormais j’y vois un peu plus clair. L’analyse cinématographique n’enlève rien aux films, elle n’y ajoute rien non plus. Mais elle est leur continuité. Et elle les traduit afin de voir en quoi ils nous parlent, nous révoltent, nous réjouissent ou nous émeuvent. En analysant Le Corniaud, j’ai compris pourquoi je l’aimais tant. Et même si je l’ai compris, je ne suis pas moins ému par cette œuvre délicate et authentique.

Oury, un réalisateur populaire

C’est à nouveau Gérard Oury qui est aux commandes. Réalisateur de comédie, au regard infiniment sensible et doux. Réalisateur populaire. Mais qu’est-ce que cela signifie «réalisateur populaire»? Qui fait des films pour le peuple, d’accord. J’en connais cependant d’autres qui se vantent de réaliser pour le peuple – qu’ils méprisent – et qui ne voient dans leur public qu’une bonne occasion d’encaisser et si nécessaire de l’abrutir. Panem et circenses, n’est-ce pas? De la baise et du sang, hein?

Un réalisateur populaire, c’est celui qui fait des films pour le peuple, mais en pensant à ce peuple, à ses désirs, ses plaisirs, ses rêves, à ce qui le rend vraiment heureux. Le réalisateur populaire offre un cadeau au peuple. Le Corniaud est un cadeau de comédie offert en 1965 au peuple. Cadeau qui en son sein compte d’ailleurs plusieurs cadeaux.

Bourvil, de Funès, la musique, la danse et le cinéma

Le premier cadeau, c’est la réunion de Louis de Funès et de Bourvil. Ensemble, ils sont imbattables. Ils n’ont pourtant pas beaucoup joué ensemble. Ce ne sont pas des Laurel et Hardy. Il n’empêche que dès 1965, sur le plateau du Corniaud, ils sont devenus très proches. Des amis fous de tendresse l’un pour l’autre. Des complices. Des compagnons. L’amitié naissante se sent tout de suite à l’écran. Elle n’a duré que cinq ans; Bourvil est mort en 1970. Malgré tout, avec La Grande Vadrouille (1966), Oury nous a offert ce couple de génie. Et eux nous ont offert leur amitié par-delà l’écran.

Le deuxième cadeau, c’est la musique originale de Georges Delerue, avec le morceau Le Départ de Naples. Une mélodie douce à caresser; une mélodie parfumée d’eau de mer. Légère. Sereine. Je n’ai pas les mots. Mais écouter ce morceau, c’est se retrouver dans les bras de la femme que vous aimez, dans un road trip sucré et riche en aventures, face au soleil couchant. Cette mélodie, c’est les vacances pour les personnes qui travaillent dur. La détente émerveillée. Les rencontres. L’amitié. La joie d’un corniaud, pas si corniaud que ça. Un corniaud heureux.

Le troisième cadeau, c’est l’œuvre à proprement parler de cinéma. Une photographie soignée et agréable. Un scénario simple, mais intelligent – et efficace. De la danse. De l’action, juste ce qu’il faut. Des courses-poursuites, comme elles nous plaisent. Des jeux comiques avec la langue dont Oury, de Funès et Bourvil sont coutumiers. Et deux grands moments d’anthologie du septième art: la scène où de Funès, en véritable Chaplin auquel il rend majestueusement hommage, répare la Cadillac chez un garagiste romain au beau milieu de la nuit, pas précis spontanés, gestes enjoués. Ou encore la scène du jeu de muscles sous la douche dans un camping: le bellâtre culturiste agite tous les muscles de son corps comme s’il levait le bras; le personnage de Louis de Funès veut l’imiter, mais le résultat est comment dire… différent.

Des vacances pour le peuple

Le quatrième et dernier cadeau, c’est les vacances. Le plus beau cadeau, le plus fort, le plus cordial, le plus vrai. Le Corniaud offre des vacances au peuple, et pas n’importe quelles vacances, mais des vacances de rêve, en filmant les paysages italiens les plus gracieux. Ces paysages qui font du bien au cœur. Le personnage de Bourvil, un petit homme du peuple, reçoit une descente en Cadillac de Naples à Bordeaux pour deux semaines avec 500’000 lires pour les frais.

Et c’est tout le peuple derrière lui qui reçoit aussi ces vacances en cadeau. Les fils d’ouvriers des années soixante ont vu les merveilles de l’Italie avec Bourvil. Les familles de la classe moyenne ont voyagé en Cadillac avec lui. Ils ont rencontré les jeunes amourettes avec lui. Ils ont dormi dans les hôtels luxueux avec lui. Ils ont été heureux avec lui. Ils ont profité de ce cadeau, mais pour deux heures plutôt que deux semaines. Peu importe; il n’y a que les riches qui ont toujours à redire. Les gens simples ont voyagé en Italie pendant deux heures avec Oury, Bourvil et de Funès. Ils en sont ressortis les yeux remplis de lumière. Ma famille et mon entourage – en somme, ceux que j’aime – étaient des leurs, face au téléviseur. Voilà ce qui m’émeut. Voilà pourquoi j’aime Le Corniaud.

«Oh Rome, Rome… Vous et moi ici c’est improbable. C’est fou ce que je me sens bien.» 

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © Tamasa

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