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L’enfant, pièce manquante5 minutes de lecture

par Le Regard Libre
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Les plateformes ciné du samedi – Alissa Musumeci

Pour certains, l’arrivée d’un enfant s’exprime par une joie inexplicable, mais pour d’autres elle s’avère de courte durée. Le deuil périnatal chamboule, brise des familles, et peut mener aux situations les plus désolantes. Sorti fin 2020, ce film témoigne, sans aucune enjolivure, de la tristesse, des incompréhensions et de la rage que cette mort subite provoque aux parents.

2h06 de film, mais toute une vie pour se reconstruire

Ce film dramatique s’étend sur un peu plus de deux heures. L’histoire elle-même et son rythme capturent l’attention du spectateur jusqu’au générique final. Les épisodes clefs du film sont datés, ce qui nous fait prendre conscience du temps qu’il faut pour faire face à ce genre de situation. La structure de Pieces of a woman est très bien construite, chaque séquence a sa place. L’accouchement, provoquant la mort de l’enfant, se passe au début du film. La scène, qui dure une vingtaine de minutes, est tournée en plan-séquence, ce qui permet de témoigner de l’attente et de la souffrance de la mère mais aussi de la détresse du père. Le spectateur se sent alors davantage impliqué, car la caméra est fixe. Il faut aussi souligner que la naissance se déroule à la maison, ce qui deviendra, par la suite, un possible élément d’incrimination pour la mort du bébé. Tout le reste du film se base sur les répercussions de cet événement bouleversant.

Une équipe qui se divise

Sean (Shia LaBeouf) et Martha (Vanessa Kirby), les deux protagonistes très fusionnels, se définissent comme une équipe. Les décisions qui affectent leur vie de couple sont discutées et prises à deux. La mort d’Yvette, leur nouveau-né, les font diverger l’un de l’autre. Nous avons d’un côté une mère prête à n’importe quoi pour effacer toute chose lui évoquant ce drame. De l’autre, un père empli de tristesse, qui essaie malgré tout de reconstruire un rapport avec la mère de sa fille. Le couple n’a plus la même vision du futur. Martha décide de laisser ses envies et ses émotions rythmer ses journées, elle «offre» le corps de sa fille à la médecine sans l’accord de Sean. C’est le début de la fin. Le jeune père prend conscience qu’il n’a plus d’influence sur les décisions de sa compagne, ce qui équivaut à un deuxième drame. Rongé par la tristesse et l’alcool, il entretient une courte relation avec Suzanne, avocate et parente de sa belle-famille. Elle se trouve en effet auprès de Martha lors du procès qui accuse la sage-femme de la mort d’Yvette. Ne se sentant plus à sa place à Boston, Sean s’installe à Seattle.

L’inspiration du film

Kornél Mundruczó, réalisateur du film, a lui-même connu le deuil périnatal. Cet épisode est devenu tabou pour lui et son épouse, la peur d’affronter le sujet devenant de plus en plus pesante. Les deux jeunes parents se rendent compte qu’ils n’ont jamais vraiment pris le temps d’en discuter. C’est à ce moment-là que l’idée du long métrage voit le jour. Pieces of a Woman poursuit un but important: encourager les gens à parler de ce deuil. Kata Wéber, scénariste et femme du réalisateur, explique sans aucune honte les thérapies qu’elle a suivies. Elle n’a pas oublié, mais elle a accepté. Elle s’est donné le droit de souffrir ouvertement sans se soucier du regard de la société, mais surtout d’extérioriser à sa manière ses émotions pour recommencer à vivre de manière positive. Ce film est une façon de faire exister leur enfant, comme l’explique Mundruczó.

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Un peu trop de «woman» et pas assez de «man»

En somme, un bon film. L’histoire est poignante et le spectateur se sent impliqué personnellement dans ce deuil. Il y a cependant, un bémol. Le film, comme son titre l’indique, se centre sur la reconstruction et le quotidien de Martha. Ce qui est compréhensible car Mundruczó dit s’être inspiré des écrits de sa femme, rédigés à la suite de la perte de leur fils. Ce long-métrage aurait été encore plus captivant si l’on avait également montré, en détail, la reconstruction de Sean, étant donné que dans ce genre de situation la souffrance est partagée. L’amour qu’une mère porte à son enfant vaut tout autant que l’amour d’un père, et le quotidien de Sean n’est pas mis au premier-plan comme celui de Martha. Il est clair que cette jeune mère endeuillée supporte une plus grande pression familiale et sociale que son compagnon. Etant de famille juive, sa mère compare beaucoup son expérience lors de l’antisémitisme à sa situation actuelle. J’ai tout de même l’impression que le père est encore trop associé à l’image de l’homme qui ne dévoile pas forcément ses émotions et qui doit se montrer fort pour soutenir sa femme, et que la mère devient trop vite la principale concernée face au destin d’un enfant.

Ecrire à l’auteure: alissa.musumeci@leregardlibre.com

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