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«Mank», la revanche d’un artiste sur le milieu du cinéma7 minutes de lecture

par Ivan Garcia
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Les plateformes ciné du samedi – Ivan Garcia

Un long-métrage présente la genèse de Citizen Kane au travers du portrait du scénariste qui a donné vie à cette œuvre. L’occasion de découvrir l’une des grandes «petites mains» du cinéma et de réfléchir sur les rapports entre l’industrie du cinéma, l’argent et le pouvoir.

Avant de regarder… MANK

Sorti le 4 décembre dernier en exclusivité sur Netflix, Mank est le dernier long-métrage de David Fincher, réalisateur célèbre, entre autres, pour Fight Club. D’entrée de jeu, le cinéaste nous annonce la couleur en expliquant, au moyen d’un texte placé en début du film, qu’Orson Welles, 24 ans, a obtenu de la RKO un contrat qui lui laisse carte blanche pour produire le film de son choix avec qui il veut. Welles, à la recherche du succès, se tourne alors vers un certain scénariste américain que le milieu du cinéma de l’époque juge «fini». Son nom? Herman J. Mankiewicz alias «Mank». Le long-métrage gravite autour du scénariste qui essaie d’écrire le scénario du futur film produit par Welles, ainsi que les mystérieuses raisons qui l’ont poussé à réaliser cette œuvre. Mank relève donc du genre du biopic (film biographique).

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Une histoire de revanche

Mais pourquoi s’intéresser à la vie de ce Monsieur Mankiewicz, me direz-vous? Parce que Mank est l’un des co-scénaristes de Citizen Kane, considéré comme «le meilleur film de tous les temps». En fait, Mank retrace la genèse de Citizen Kane, notamment les éléments qui ont inspiré Mankiewicz pour réaliser le scénario de ce film. Durant le long-métrage, on apprend que, même si Welles est co-scénariste de Citizen Kane, c’est Mank qui s’est tapé tout le boulot et qui en a eu l’idée.

Venons-en désormais plus précisément au scénario de Mank.En 1940, dans une maison de campagne de Victorville, débarque un étrange trio: deux femmes et un homme qui a la jambe dans le plâtre et doit rester alité. Très vite, on comprend que ce dernier est Herman Mankiewicz et que c’est Orson Welles qui l’a envoyé en «résidence d’écriture», dirait-t-on aujourd’hui, à la campagne. Mank, qui a eu un accident de voiture, a rencontré Welles à l’hôpital – cette scène de rencontre présente d’ailleurs Welles comme une sorte d’être maléfique avec son long chapeau noir et son rire satanique – et ce dernier lui a proposé de travailler pour lui. Welles veut un film qui cartonne. Le hic? Il donne seulement 60 jours à Mank pour rédiger le scénario, et puis ce dernier est alcoolique… Nourri par les écrivains classiques (Shakespeare, Cervantès…), Mank  a déjà une idée en tête: il souhaite prendre une sorte de revanche. La revanche de l’art sur le milieu de l’argent et de l’hypocrisie. Pour ce faire, il plongera dans ses souvenirs pour donner vie à sa nouvelle œuvre. Aux spectateurs de découvrir, en visionnant le film, quelles sont les raisons qui le poussent à faire cela et qui sont les «coupables». 

Permettons-nous toutefois une évidence. Il est difficile de bien saisir l’originalité de Mank sans avoir une vague idée de ce qu’est Citizen Kane, l’histoire de ce magnat de la presse Charles Foster Kane qui, sur son lit de mort, prononce un dernier mot «Rosebud» qui entraîne un journaliste dans une quête, auprès de personnes ayant connu Kane, pour connaître la signification de ce terme. Eh bien, dans Mank – en tout cas selon l’auteur de ces lignes – il s’agit de l’histoire d’une revanche sur un certain magnat de la presse investi dans le milieu du cinéma. Un milieu avec lequel Mank n’a que peu d’affinités…

Hollywood et les années 30

Tout d’abord, d’un point de vue esthétique. Mank mise sur des images en noir et blanc (comme Citizen Kane), ce qui donne un aspect «film d’époque» au long-métrage, notamment lorsqu’il est question des différents flashbacks qui rythment la narration. A ce propos, voilà un autre point commun avec Citizen Kane: une narration non-linéaire qui laisse place à beaucoup de flashbacks. Ceux-ci nous entraînent dans l’Hollywood des années 1930. On y suit un Mank, scénariste à succès, qui côtoie régulièrement les stars du show-business et les gros bonnets tels le magnat de la presse William Randolph Hearst, l’actrice Marion Davies, amante d’Hearst, ou encore Louis B. Mayer, le patron de la société de production cinématographique Metro-Goldwyn-Mayer.

Au sein de tout ce beau monde, Mank est certes talentueux et bien entouré, mais il a choisi le rôle du «clown de service». Il boit trop et a une fâcheuse tendance à être trop franc et direct. Or, dans l’Hollywood des années 1930 – comme aujourd’hui d’ailleurs – il est surtout question d’argent. De dîners mondains en discussions scénaristiques, Mank a des opinions dissidentes par rapport à ses fréquentations. L’événement qui mettra le feu aux poudres? Une campagne politique opposant Upton Sinclair, un socialiste, à Frank Merriam, un républicain soutenu par les proches du héros, pour le poste de gouverneur de Californie qui laissera un goût amer à Mank, notamment en lui montrant le «pouvoir du cinéma» et «l’immense responsabilité» que porte celui qui se tient «derrière la caméra».

Il y a donc plusieurs récits intégrés (des flashbacks) dans le récit-cadre (Mank qui écrit le scénario de Citizen Kane). Chaque flashback est introduit avec des éléments chronologiques précis (lieu, année…) comme s’il s’agissait, plus qu’un souvenir, d’une archive. Ce qui est intrigant, c’est le choix du cadrage. Souvent, il y a une alternance entre les plans américains et les plans taille qui mettent en avant la physionomie des personnages et notamment leurs différentes postures. Ainsi, lorsque Mank est «en convalescence», la caméra le montre souvent en plan taille, lorsqu’il travaille, et en plan américain lorsqu’il dort, comme pour mieux souligner ces détails.

Bande-annonce officielle Mank

Mank est un film qui suscite la curiosité. D’une part, par son matériau qui nous permet d’aborder la vie d’Herman Mankiewicz et le milieu hollywoodien des années 30. D’autre part, loin d’être ennuyeux, le long-métrage se regarde aisément, notamment parce que les flashbacks permettent au lecteur de «couper» avec l’intrigue principale et d’approfondir sa connaissance de Mank. Néanmoins, il faut avouer que le film compte un nombre important de personnages et, sans connaissance préalable de ces figures connues, il est difficile de se souvenir de qui est qui dans cette histoire à tiroirs… Un film à regarder patiemment et, si possible, en ayant vu Citizen Kane auparavant.

Ecrire à l’auteur: ivan.garcia@leregardlibre.com

Crédits photos: © Netflix

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