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«Marie Madeleine»5 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci

«Dieu souhaiterait que tu deviennes mère.»

Judée, trente-troisième année de notre ère. Le paysage est sec; l’eau le vivifie. Deux femmes pêchent au filet. Elles sont interrompues en urgence, une autre femme de la maisonnée doit accoucher. Marie Madeleine (Rooney Mara) seule réussit à trouver les mots et l’attitude du soulagement. Cependant, elle n’a jamais vécu d’accouchement. Ce n’est pourtant pas faute de ne pas avoir voulu la marier. Sa famille lui cherche l’homme qu’il lui faut, mais jamais elle ne trouve satisfaction. En réalité, le mariage en lui-même semble la révulser.

On fait venir un guérisseur; sans doute est-elle possédée par quelque démon. D’ailleurs, au vu de sa situation et de sa différence, tout le monde la prend pour une folle. La guérison violente et acharnée échoue. Un autre guérisseur «qui n’est pas comme les autres» vient la trouver: il s’appelle Jésus. «Je ne trouve aucun démon ici», lui dit-il. Séduite, elle veut le suivre à travers ses voyages de prédication. Détachement abrupt de la famille, crise, mais elle n’a pas le choix. Marie Madeleine se sent appelée au plus profond d’elle par Jésus. Elle a trouvé sa voie: le suivre. Jusqu’à la croix et au-delà.

Des débats idéologiques et théologiques

Marie Madeleine fait grand bruit. Le réalisateur, Garth Davis, est vu dès lors comme l’un des réformateurs du cinéma d’inspiration biblique. Sa réforme touche aussi des points historiques et théologiques concernant la vie celle qui fut «apôtre des apôtres». D’aucuns y voient le rétablissement d’une vision plus juste des femmes et de leur rapport à Jésus; d’autres, une œuvre gratuitement idéologique. En fait, le débat est plutôt stérile, dans la mesure Garth Davis est libre de son art. Les droits d’auteur sur la vie du Christ sont depuis longtemps à disposition de qui veut, croyant ou athée qu’il soit.

Il reste néanmoins à constater que le réalisateur a bel et bien décidé de livrer un message plutôt féministe dans son film. N’en déplaise aux ecclésiastes choqués, le regard porté sur Marie Madeleine est plutôt conforme à la doctrine chrétienne actuelle. En effet, elle n’est plus forcément considérée comme une prostituée convertie; en effet, les femmes étaient de fidèles disciples, habitées par une foi plus directe et solide. N’en déplaise aux iconoclastes en jouissance, Marie Madeleine n’est qu’un film et tout n’y est pas à considérer comme parole du Saint-Esprit.

Des considérations théologico-morales au cinéma

En outre, le choix de montrer Judas en illuminé rêvant de rejoindre sa femme et sa fille défuntes au paradis est intéressant, mais autre sujet à débat. Il en va de même pour la distribution, comptant des acteurs de peau noire parmi les apôtres – c’est le cas de Pierre. Là encore, libre au réalisateur de livrer son propre regard sur l’affaire. En revanche, il est de réels défauts comme des qualités du film qui ne relèvent que de l’art cinématographique. Il est nécessaire de les évoquer. Sans quoi le spectateur tomberait dans le piège d’une considération uniquement théologico-morale du film.

Le jeu des acteurs, pour parler cinéma, est très hétérogène dans sa qualité. Si les femmes – particulièrement Rooney Mara dans son interprétation de Marie Madeleine et Irit Sheleg en Marie, mère de Jésus – réussissent à toucher par un jeu propre, expressif et sobre, ce n’est pas le cas des hommes. Judas (Tahar Rahim) surjoue les illuminés; Pierre (Chiwetel Ejiofor) exagère les mecs durs, forts, insensibles mais quand même bouleversés parce que la foi c’est trop bien! Tout en haut du palmarès du ridicule figure néanmoins le personnage de Jésus (Joaquin Phoenix). Alors que l’acteur aurait dû exceller au service du sujet, il se limite à faire les alcooliques criards au regard vide. Profondément décevant.

Un film médiocre

Du côté de la musique, les mêmes excès du trop spirituel et mystique sont à remarquer. Les violons en ascendances veulent marquer les heures graves, mais ils finissent par en devenir absolument pénibles. Quant à la photographie, contrastant avec l’ensemble du travail technique pour le film, elle est réussie. La pureté de son grain et de ses couleurs fades, virant à la chaleur du orange par moments, est un vrai régal pour les yeux. Hormis le talent de Garth Davis face aux paysages, le plan figé de la crucifixion séduit. Comme un tableau, l’instant la mort ressuscite le film, lui donnant une puissance indicible.

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Malgré tout, le long-métrage reste médiocre au final. Il ne s’inscrira pas dans la lignée des chefs-d’œuvre d’inspiration biblique comme la récente Passion du Christ de Mel Gibson, le Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli ou Les Dix Commandements de Cecil DeMille. Le film de Garth Davis ne leur arrive malheureusement même pas à la cheville. Contrairement à l’éternité du sublime personnage de Marie Madeleine, Marie Madeleine sera vite oublié.

«Je l’ai vu. Ce n’était pas un rêve.»

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © Universal Pictures

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