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«Mary Shelley»: l’élégance à l’état pur3 minutes de lecture

par Virginia Eufemi
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Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) – Virginia Eufemi

Rares sont les fois où l’on sort du cinéma bouleversé par la qualité du long-métrage que l’on vient de visionner. Ce fut le cas avec le biopic Mary Shelley, présenté cette semaine en première suisse, dans la catégorie “Films of the third kind” au NIFFF.

Tout est remarquable dans ce film, à commencer par la plus que convaincante Elle Fanning qui interprète l’écrivaine anglaise, une jeune femme à l’esprit extrêmement fin et aux idéaux d’acier. Au niveau formel, Mary Shelley est un pur plaisir pour les yeux. Les tableaux s’enchaînent, présentant des natures mortes aux clairs-obscurs saisissants et des intérieurs d’une exactitude historique maniacale. Les décors sont d’un soin si minutieux qu’ils nous font voyager dans le temps. Rares sont les films « historiques » qui arrivent avec une telle justesse à reproduire les costumes, les ambiances, les couleurs d’une époque. Mary Shelley alterne les verts et bleus froids à la chaleur du rouge et du bordeaux, des couleurs qui contribuent à conférer au film cette élégance qui le caractérise.

La poésie de la vie

Quant à l’histoire, les événements du passage de l’adolescence à l’âge adulte pour Mary Shelley sont présentés avec rythme, en allant droit à l’essentiel et nous permettant de comprendre ce qui l’a amenée à écrire l’œuvre magistrale de Frankenstein ou Le Prométhée moderne (1816). Point de longueurs ou de lenteurs, tout est savamment calculé, pour que nous ayons une vue d’ensemble sur les années qui précédèrent l’écriture de Frankenstein. C’est d’abord une rencontre, celle avec le brillant poète Percy Shelley (interprété par Douglas Booth) qui changera sa vie. Il en a vingt-et-un, elle en a seize, vite – mais pas précipitemment – leur amour naît sous nos yeux, sans que cela nous paraîsse étrange ou inattendu. Deux esprits se rencontrent avant tout et c’est peut-être cela qui les a tant liés, malgré les épreuves de la vie.

Ce film sublime est aussi l’occasion de (re)découvrir les vers romantiques et nobles de Percy Shelley, souvent récités en voix-off et contribuant au raffinement des scènes. Mary Shelley semble reproduire fidèlement les ambiances du début du XIXe siècle, faites d’ennui et d’art. C’est donc avec grand étonnement que la jeune femme, alors âgée de dix-sept ans, rencontre le “galvanisme”, une découverte scientifique qui consiste à stimuler électriquement un corps inerte afin de raviver ses muscles.

Les sources d’inspiration de Frankenstein sont toutefois multiples : le galvanisme a sa part de responsabilité, mais les dures épreuves que Mary Shelley a subies, telles que la mort de sa petite fille Clara, ont inspiré son roman sur l’abandon et l’isolement, sur la trahison, l’égoïsme et la vanité. Mais comme le disent ces mots de Lord Byron: « L’amour se fraie des passages là où les loups n’oseraient pas passer ». C’est un film profond et non pas superficiel qui nous est livré, où le fantastique ne surgit jamais : les rêves sont toujours bien distingués de la réalité par le brusque réveil de la jeune femme, afin d’éviter toute ambiguïté.

De Wollstonecraft à Al-Mansour

Mary Shelley était fille de la femme de lettres Mary Wollstonecraft, auteure du pamphlet avand-gardiste Défense des droits de la femme  (1792). Nous sommes donc aux prémices du mouvement féministe et Mary Shelley est une femme terriblement moderne et ouverte d’esprit, qui prône la tolérance et l’acceptation de la différence. Encore une fois, cela est amené avec subtilité, sans engagement explicite : rien dans ce film ne pourra vous déranger.

N’oublions pas que la réalisatrice, Haifaa Al-Mansour, est la première femme à avoir réalisé un long-métrage en Arabie Saoudite (c’était Wadjda en 2012). L’aura de femme forte, digne et courageuse de Mary Shelley est en transparence tout au long du film, même lorsqu’elle doit faire face aux refus de publier son livre par des éditeurs qui ne croient pas qu’une jeune femme de dix-huit ans ait pu produire un tel chef-d’œuvre. Haifaa Al-Mansour s’inscrit avec ce film dans la lignée des Mary Wollstonecraft et Shelley, car elle est l’héritière d’un savoir-faire artistique qui la distingue des autres et qui œuvre avec élégance pour les droits des femmes.

MARY SHELLEY (Haifaa Al-Mansour) – NIFFF – Films of the third kind
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FFFFFFFFF
Fantastique !
Virginia EufemiFFFFF
Thierry Fivaz
Jonas Follonier
Hélène Lavoyer

Ecrire à l’auteur : virginia.eufemi@leregardlibre.com

Crédit photo : © NIFFF

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