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«Obi-Wan Kenobi», du contenu pour Disney+7 minutes de lecture

par Danilo Heyer
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L’un des personnages principaux de Star Wars est revenu, ces dernières semaines, dans une mini-série: Obi-Wan Kenobi. L’ordre Jedi décimé, l’ancien Maître Kenobi veille à présent d’un œil terne sur le jeune Luke Skywalker. Une rocambolesque aventure vient toutefois le tirer abruptement de sa végétation sur Tatooine, le temps de six piquants épisodes. Le résultat équivaut au pire que peut engendrer l’obsession des créateurs contemporains pour l’air du temps. Critique coup de gueule.

Il faut avouer qu’il reste très agréable de revoir plusieurs acteurs de la prélogie reprendre leur rôle 17 ans après la Revanche des Sith, dans un enthousiasme qui transparaît clairement au fil de ces épisodes diffusés sur la plateforme Disney+. Une confirmation supplémentaire que George Lucas avait très bien fait de confier à Ewan McGregor le rôle du Maître d’Anakin Skywalker. Voilà pour ce qui est du positif.

Un scénario qui ne vole pas haut

Car rien ou presque rien ne fonctionne dans cette série. En premier lieu, son scénario qui s’attaque à la santé même de votre esprit, procédé artistique courant chez Disney. L’histoire, fondée sur des  facilités scénaristiques et des plot holes de toutes sortes, fait du visionnage une intense mais régulière procession de facepalm (de baffes qu’on s’assène à soi-même) que n’arrêtent que les crédits ou une cannette, accessoire vital pour survivre à un nouvel épisode: des gens qui meurent, mais ne meurent pas vraiment; d’autres qui se téléportent comme par magie d’une planète à l’autre; d’autres encore qui savent ce qu’ils ne peuvent connaître; une gamine qui sème des adultes à la course à pied; des scènes où l’on croit entendre en fond jouer la musique de Benny Hill, etc.

Les trois arcs narratifs principaux ne volent pas plus haut que le mètre vingt de la jeune Leia Organa, devenue petite peste trop gâtée pour l’occasion. Manifestement, la société de production Lucasfilm et sa présidente, la virtuose Kathleen Kennedy, ont été ravis d’appliquer à Obi-Wan le même traitement «Spécial Héros Blancs» qu’à Luke Skywalker, à Han Solo, à Boba Fett et à d’autres encore depuis 2015. Et, ici, Disney a mis le paquet: dans la loque que campe McGregor, il ne reste rien du personnage captivant des années 2000. Adieu sagesse, humour, flegme et Q.I.; bienvenue culpabilité, faiblesse de corps et d’esprit!

Star Wars à la sauce woke

Bonjour aussi à l’obligatoire passivité aux côtés des personnages féminins dont l’impérieux rôle revient à sauver notre homme déconstruit de toutes les mauvaises passes et de le remettre à sa place subalterne, celle qui revient à son groupe dans les phantasmes politico-sociaux des scénaristes. Parmi elles, la princesse Leia, âgée de seulement 10 ans, mais douée d’un comportement, d’un entendement et des aptitudes d’un adulte. Personnage cocasse pour des gens qui prétendent tourner le dos aux clichés, alors qu’ils tombent ici dans celui de l’enfant-adulte, confirmation de ce qu’Hollywood paraît ne jamais avoir saisi la psychologie de l’enfant, de E.T. à La Guerre des mondes.

Aucune gêne chez la souris pour poursuivre cette tradition des tropes sans saveurs dans le personnage de Reva, fétichisme woke de la série. On se souviendra des paroles prophétiques du youtubeur de «The Critical Drinker», qui avait deviné l’arc narratif de cette femme forte avant même la diffusion du premier épisode: bien qu’au service des méchants, cette dure à cuire issue de la bonne tranche de la démographie américaine ne saurait par nature être mauvaise.

Aussi découvrira-t-on qu’elle s’est laissé manipuler par un représentant d’une autre classe démographique, la mauvaise, pour finir par se racheter et par effacer, par une bonne action, la responsabilité qu’elle porte pour des années de massacres et de forfaits sans nom. Un plan sans queue ni tête entre les mains pour réaliser une vengeance personnelle, la «magnifique et courageuse» Reva s’en va essayer, à coup d’éruptions sentimentales et de «badassitude», de voler la vedette d’Obi-Wan Kenobi dans sa propre série.

Point de surprise, ce qui n’est pas surprenant

La plaie qu’est devenue la méthode de production à la chaîne des studios Disney vient enrichir le projet. Vous étiez venu voir de l’originalité ou des scènes d’action intéressantes qui témoignent d’une attention portée aux détails? Passez vite votre chemin. La réalisation, le découpage, la mise en scène, la bande-son et les décors sont tous plats, comme il convient. Le plus remarquable reste toutefois la photographie fait maison de Disney, que la société applique maintenant à tous ses produits afin d’en faciliter la postproduction distribuée entre plusieurs boîtes d’effets spéciaux: terne, grise, sans couleurs et sans contraste. Obi-Wan Kenobi est bien un produit standardisé, du contenu pour enrichir le service de streaming de Disney; et sous l’angle du principe de moindre surprise, quelle réussite!

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On peine à concevoir comment de pareils moyens financiers et techniques parviennent à produire autant de néants. On voit tous les jours des quidams, des youtubeurs sans formation, qui auraient pu faire un bien meilleur travail que les scénaristes aux ordres de la brave Kathleen Kennedy. Et pourtant, les premiers n’ont avec eux rien d’autre que de la révérence envers les personnages et les canons de la narration saine, celle qui respecte les principes élémentaires de la logique et qui explore les archétypes universels de l’âme humaine.

Conclusion provisoire (ou pas)

Ainsi se scelle la faillite créative et intellectuelle du parasite en lequel s’est transformé Disney et de l’Hollywood à bout de souffle, où l’on fait des films pour Twitter et des critiques jugeant les œuvres selon la facilité avec laquelle on arrive à en déduire des éléments qui confortent les positions politiques à la mode. Naufrage aussi de Lucasfilm et de ces studios de productions trop souvent ennemis acharnés de l’art et du bon divertissement, qui font violence aux films en les rendant incohérents sous l’angle du ton et de la logique, par une réécriture à présent coutumière.

«Ne pose pas de questions, consomme le produit, puis réjouis-toi du prochain!» dit le meme. Le faut-il encore quand une nouvelle entrée n’apporte aucune profondeur à une histoire déjà fermement établie et aux personnages qu’elle déforme? Quand tout ce qu’on croit voir à l’écran, ce sont des étudiants en sociologie option «étude du genre» qui jouent avec des figurines Star Wars et semblent leur faire ingérer de force une bonne moitié de leur cursus? Mais restons positifs: plus le rapt de Star Wars se poursuit, plus la prédiction de Nerdrotic approche: «Disney n’a pas commencé les Star Wars, mais vous pouvez être certain que Disney va les finir.» Rendez-vous cet automne pour la série d’Amazon sur le Seigneur des Anneaux qui s’annonce déjà très, très prometteuse!

Ecrire à l’auteur: danilo.heyer@leregardlibre.com

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obi-wan kenobi (affiche)

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