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«This much I know to be True»: apprivoiser la souffrance7 minutes de lecture

par Fanny Agostino
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Les mercredis du cinéma – Fanny Agostino

Véritable amuse-bouche avant la venue de Nick Cave au Montreux Jazz Festival le 2 juillet prochain, This much I know to be True signe la troisième collaboration entre le leader des Bad Seeds et le réalisateur Andrew Dominik. Ce documentaire oscille entre performance scénique et anecdotes de Nick Cave. S’il ne dévoile rien de surprenant, les captations vidéo des titres issus des albums Ghosteen et Carnage sont de véritables bijoux.

Alors qu’il enchaîne les projets musicaux et les tournées, on serait bien en droit de se demander où Nick Cave puise son énergie. En 2020, il publiait sur les plateformes une performance solo enregistrée au Alexandra Palace de Londres. Il y interprétait différents titres de Ghosteen, dernier album en date avec les Bad Seeds et des classiques de son répertoire comme The Mercy Seat, Jubilee Street ou encore Stranger than Kindness.

Mais cette fois-ci, c’est son ami de longue date Andrew Dominik – pour lequel il avait composé la musique du film L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford en 2007 – qui est aux commandes. Le réalisateur s’était déjà prêté à l’exercice avec One More Time with Feeling en 2016. Ce dernier intervenait à un moment tragique de la vie de Nick Cave. En effet, il suivait la production de Skeleton Tree, seizième album des Bad Seeds. Album noir puisqu’il avait été profondément bouleversé par le décès d’Arthur, son fils cadet. La caméra d’Andrew Dominik entrait dans la sphère intime du deuil de la famille Cave. Un témoignage poignant, mais aussi incommodant pour le spectateur en position de voyeuriste face à un père accablé par le poids du deuil.

Pour ce deuxième documentaire consacré à son ami, Dominik Andrew est libéré de ces circonstances pesantes, tout comme l’est sa muse.

Vivre avec ses fantômes 

Dans un atelier exigu, le réalisateur et son ami discutent. Vêtu d’une blouse blanche, Nick Cave présente à Andrew des statues représentant le diable. Evoquant l’époque victorienne avec un certain kitch, chaque relique symbolise une étape de vie de la figure des enfers. La dernière pièce de ce chemin de croix se nomme «Le pardon du diable», nous explique Cave. La créature gît à terre. Un petit garçon est accroupi près de lui et lui tend la main. La paume ouverte, en guise de pardon. Les premiers loops de Spinning Song, titre d’ouverture de l’album Ghosteen, se superposent à l’image. Puis le plan bascule dans un entrepôt aux voûtes décrépites. On se ravise. On distingue des tuyaux d’acier, vestige d’un orgue. L’image a souvent été employée. Les concerts de Nick Cave ressemblent à des messes.

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Telle une constellation, la caméra pivote autour de Nick Cave et de ses musiciens. Certains plans dédiés au crooner à la voix envoûtante sont fixes. La spectacularisation n’est pourtant pas de la partie. Les plans tirent en longueur, s’adaptent au rythme des titres de cet album mystique et étonnamment dénué de percussions et de riffs fougueux. Quant à l’image, elle varie entre le format large et celui plus restreint du 4/3, propre aux téléviseurs cathodiques. On note que les plans resserrés sur l’artiste aux 40 ans de carrière bénéficient principalement de ce traitement d’image. Dans cette bulle, Cave est en quête d’absolution. Non, il n’est pas cette créature à cornes qui le fascine. Libéré de ses démons, l’Australien a une posture qu’on ne lui connaissait pas. Celle d’un homme qui a apprivoisé la souffrance et les blessures béantes. Les paroles du titre «Hollywood» l’attestent:

«And I’m just waiting now, for my time to come
And I’m just waiting now, for my time to come
And we hide in our wounds and I’m nearly all the way to Malibu
And I know my time will come one day soon
I’m waiting for peace to come»

La méthode Ellis

L’un des reproches qui pouvaient être faits à l’interprète connu du grand public grâce à son duo Where the Wild Roses Grow avec Kylie Minogue réside dans la mise en scène constante de son personnage. Tantôt vampire, tantôt poète, le documentaire-fiction 20,000 Days on Earth (2014) exploitait ce filon en intervertissant des vérités à des mensonges sur le parcours de l’homme. Dans This much I know to be True, Nick Cave est aussi décentré. A l’écran, on aperçoit Marianne Faithfull, qui pose sa voix sur le titre Galleon Ship. Les deux artistes ont collaboré notamment sur Negative Capability, l’ultime album de la chanteuse britannique. Ayant échappé de peu à la mort suite au Covid, la diva britannique ne perd rien de son humour. Son apparition furtive dans le documentaire la fait dialoguer avec Warren Ellis, musicien et compositeur.

Parachuté au sein des Bad Seeds au tournant des années 2000, les compositions de Warren Ellis se sont imposées peu à peu dans les choix artistiques du groupe. Dans le documentaire, Nick Cave reconnaît l’influence qu’exerce ce musicien aux allures de marin. A partir de l’album Push the Sky Away (2013), sa mainmise sur les compositions est évidente. Sa patte fait s’atténuer la saturation des guitares. Elle disparaît complètement avec Skeleton Tree. Ce sont désormais les boucles sonores distordues qui priment. Autant habile au violon qu’au bouzouki, ce magicien engage Nick Cave dans des territoires inexplorés.

Une collaboration amenée à se poursuivre

La collaboration est si fructueuse que les deux acolytes composent pléthore de bandes originales. La dernière en date étant celle de La panthère des neiges (2021). Dans la dernière partie de son documentaire, Andrew Dominik capte également des interprétations de l’album Carnage (2021), projet des deux gourous des Bad Seeds. Les titres Hand of God ainsi que White Elephant accordent deux sublimes moments d’euphorie, marqués par un jeu de lumière éblouissant. Sorti en 2021, soit deux ans après Ghosteen, il démontre que la puissance créative des deux compères n’est pas près de s’éteindre.

This much I know to be True ravira les fans de Nick Cave and the Bad Seeds. Il constitue aussi une porte d’entrée pour les non-initiés. L’ancien punk des Birthday Party est en quête d’une rédemption insatiable, alors que le fantôme adolescent qu’il décrit dans Ghosteen l’habite. Dans l’une des prises du documentaire, Cave est assis en face de son ordinateur. Face caméra, il évoque son site The Red Hand Files, où les internautes peuvent lui adresser remarques et questions. Il en sélectionne certaines, puis y répond par voie d’e-mail à ses abonnés.

Le sujet de la perte et du deuil est récurrent. Il définit cette activité comme un exercice spirituel. Coïncidence tragique, l’horreur frappe à nouveau le chanteur. Agé de 30 ans, son fils Jethro vient de mourir dans des circonstances encore indéfinies. Le site de question réponse est un confessionnal à l’ère du web où le chanteur se fait prêtre et pécheur. Nous l’avons dit, la messe est dite. Rendez-vous est pris le 2 juillet prochain.

Ecrire à l’auteure: fanny.agostino@leregardlibre.com

this much i know to be True» (affiche)
This much I know to be True» (affiche)

Image d’en-tête: Nick Cave et Warren Ellis dans This much I know to be True © Charlie Gray

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