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«Un homme pressé», l’art du chef-d’œuvre3 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier

Fabrice Luchini endosse dans ce nouveau film d’Hervé Mimran le rôle d’un homme d’affaires surchargé, toujours en mouvement, entre réunions de travail et conférences, un homme à la course, comme une automobile, domaine dans lequel il a d’ailleurs fait carrière suite au décès de son épouse. Bref, c’est un homme pressé. Un beau jour, il est victime d’un AVC. Sa vie change: des troubles du langage et de la mémoire vont désormais le forcer à réapprendre à parler avec une orthophoniste. C’est la rencontre avec cette femme, Jeanne (Leïla Bekhti), qui va l’aider à non seulement retrouver la maîtrise de la parole, mais aussi à reconnaître ses erreurs du passé et rattraper le temps perdu.

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Un film sur la (re)connaissance

C’est avant tout cette composante qui fait de ce film un chef-d’œuvre: en partant du prétexte d’une situation singulière, il nous en dit long sur des thèmes plus qu’importants, à savoir fondamentaux. Sans parler de la dimension formelle d’Un homme pressé, que nous aborderons plus bas, sa portée thématique est impressionnante. Qui de mieux que Fabrice Luchini pour donner corps au drame que représente la perte de la langue, tant la parole est tout. Oubliez le Luchini déjanté des plateaux de télévision, ou plutôt ajoutez-y ce qui le caractérise encore plus: un véritable sens du tragique. Rares sont les films français où un acteur est capable d’émouvoir autant par la qualité de son interprétation.

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La connaissance est au centre de cette œuvre: connaître, c’est savoir, mais le savoir peut se perdre. D’où la nécessité d’une entreprise de reconnaissance, qui prend tous les sens possibles dans ce film bouleversant. Reconnaître les mots – les connaître à nouveau, les retrouver –, reconnaître sa maladie – la regarder en face –, reconnaître que l’on a manqué d’aimer sa fille – avouer ses fautes. Ce douloureux chemin prend au fil d’Un homme pressé des allures de plus en plus marquées de récit initiatique, aboutissant en une scène finale hautement symbolique, le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle.

Qu’est-ce qu’on rit!

Passée la dimension thématique, il serait avilissant de ne pas mentionner la puissance comique de ce film, puisque s’il s’agit bien d’une comédie dramatique. Dans ce genre, le cinéma français excelle et rayonne dans le monde entier. N’en déplaise aux bobos à la mode répétant comme des perroquets que «le cinéma français, c’est nul». Soyons un minimum objectif: qu’est-ce qu’on rit devant l’écran! Et ce, dès le début (quel début!) où la cuisinière, personnage secondaire ô combien réussi, chante en décalé Papaoutai de Stromae, occupation ploukissime qu’elle reproduira à plusieurs reprises dans le film, avec Le Mal-aimé de Claude François notamment (quel burlesque!).

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Et les troubles de langage du personnage principal, quelle source inépuisable de rire familial! «Il faut que j’aille voir la psychopathe» (au lieu de la «psychologue»), «salope» au lieu de «galope», «cimer» au lieu de «merci» et, comble du drôle car cela s’inscrit en plus dans le comique de répétition, «bonjour» au lieu de «au revoir» et «au revoir» au lieu de «bonjour». Bien sûr, impossible de considérer cette trame plaisantine sans son pendant plus profond, d’où la réflexion sur l’importance des mots: «Il faut que vous m’aimiez», dit Alain à Jeanne, au lieu (ou pas) de «Il faut que vous m’aidiez».

Qualité formelle et dimension humaine

Enfin, le film effectue un tour de force, celui d’allier une qualité formelle indéniable à une dimension très humaine. Il n’y a rien de hollywoodien dans ce cinéma et c’est cela qui le rend exceptionnel en son genre: la musique, omniprésente, n’est pas originale, mais elle est magnifique et rassembleuse; le rythme de la caméra suit simplement celui du personnage; la fille d’Alain n’est pas un canon de beauté et pourtant elle a quelque chose. Au final, cette simplicité artistique (la simplicité n’est pas la facilité) sert un film qui est bien plus que ce qu’il est: un film sur l’absence, sur le deuil, sur le pardon et sur la (re)connaissance.

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Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Crédit photo: © JMH Distributions

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