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Un «Pinocchio» dans la continuité, mais raté4 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci

Matteo Garrone revient. Roberto Benigni aussi. Et évidemment la fable de Pinocchio (1881) de Carlo Collodi, déjà tant de fois portée à l’écran. L’événement s’annonce donc par la réunion de ces trois retours. Dogman (2018), véritable chef-d’œuvre à mes yeux, a confirmé Garrone, déjà remarqué à Cannes pour Gomorra (2008), en cinéaste brillant dont les sorties sont attendues avec impatience par le public. Benigni, l’éternel père sacrifié de l’immense La vie est belle (1997), fait un retour encore plus attendu sur le grand écran après huit années consacrées à la scène. Et Pinocchio, ça reste Pinocchio, à chaque nouvelle adaptation. Tantôt plus libre, tantôt fidèle, toute adaptation prouve que les années ne passent pas pour les fables. Elles demeurent; parlant à chaque époque, à tout le monde.

https://www.youtube.com/watch?v=bqo4j55MLLc

Garrone s’est emparé d’une histoire qu’il a intimement fréquentée depuis l’enfance. Lui qui considère ses précédents films comme des fables noires des temps modernes s’attèle cette fois à une véritable fable. La plus italienne des fables, l’une des plus connues. Il part en terrain connu: ce qui lui permet de se concentrer davantage sur le style de la photographie et sur l’agencement de la narration. Le film s’insère aussi dans le mode de la continuité pour Benigni incarnant Geppetto, après avoir interprété Pinocchio dans son propre Pinocchio (2002), qui malgré les coûts faramineux n’avait pas rencontré le succès attendu.

La continuité et pour Garrone et pour Benigni va plus loin que leur simple filmographie; elle s’inscrit dans un thème, celui de l’amour paternel. Amour paternel dans La vie est belle pour un Guido qui va jusqu’à donner sa vie pour sauver son fils Giosuè de l’horrible réalité des camps de concentration. Amour paternel dans Dogman pour un Marcello qui, malgré les problèmes en tout genre, ne sait que sourire face à sa fille, sans jamais laisser transparaître son angoisse, pour lui permettre de rêver, de vivre dans un monde fabuleux. Et amour paternel dans Pinocchio pour un Geppetto qui donne vie à un morceau de bois pour en faire un enfant, son fils. Il ira jusque dans la gueule d’une baleine afin de le retrouver. Le père se retrouve en outre dans ces trois films en posture du loser – le genre de personnage que je préfère en cinéma comme en littérature – mais un loser qui ne lâche rien, par amour de ses proches, de son enfant.

Avec Garrone, la photographie est toujours très soignée. Si, pour Pinocchio, elle se présente à mon sens sous une forme moins caractéristique que dans Dogman, elle reste néanmoins agréable, forte et entraînante. Le filtre pâle sur les couleurs qui rend une ambiance tragique, accompagné des teintes légèrement délavées des costumes qui donnent à l’image du naturel et de la douceur. Sous les costumes, les personnages, leur maquillage, leur voix et leurs expressions faciales. Là, on se retrouve chez Fellini. Des figures inspirées du monde du cirque, aux traits très grossis, aux airs soit démoniaques soit angéliques, aux voix complètement décalées. Ces personnages qui sont des caricatures d’eux-mêmes accentuent le contexte de la fable. Sans compter que plusieurs d’entre eux sont des animaux aux traits humains, sans devenir kitsch pour autant. C’est de la fantaisie, sans de surplus grossier.

Donc, tous les éléments sont au rendez-vous pour une œuvre réussie, n’est-ce pas? Non, pas du tout en fait. Malgré l’indéniable talent scénaristique du réalisateur, malgré le jeu toujours touchant de Benigni, malgré le jeune acteur à croquer qui interprète la marionnette «qui veut devenir un vrai petit garçon», le film se solde par un échec, malgré toutes ses qualités. Fade, ennuyeux, il se contente sans originalité de nous livrer, l’une après l’autre, chaque aventure de Pinocchio. Face à l’écran, on sent que Garrone a tout voulu mettre dans son film; il en a malheureusement négligé l’agencement. Succession de scènes pénibles à la longue, dont les dialogues ne volent pas très haut. A part quelques piques plus politiques, le scénario se contente citer des banalités déjà entendues et réentendues. Dommage, parce qu’avec Dogman notamment, le réalisateur avait su concilier l’aspect fabuleux à la modernité de son message.

Par affection pour Garrone, pour Benigni, pour la fable, j’ai tout de même envie de recommander le film malgré ses graves défauts. Avais-je trop d’attentes? Ai-je été trop sévère dans cette critique? Que le nez m’en pousse si j’ai dit des bêtises.

Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © Ascot Elite Entertainment

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