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La Suisse et ses achats en ligne6 minutes de lecture

par Nicolas Jutzet
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Les sites web suisses de vente en ligne? Il en existerait plus de 10’000. En 2015, 4,7 millions de Suisses ont effectué des commandes en ligne pour quelque 9,1 milliards de CHF. Déjà bien développée dans le secteur du tourisme, la numérisation s’attaque désormais au commerce de détail. Dans ce domaine, en 2014, l’online-shoping représentait 5,1 % du chiffre d’affaires total. On annonce une nette progression pour 2015. Loin d’être passager, le phénomène va s’inscrire sur la durée. Les prévisions s’accordent à dire que d’ici 2020, la part du e-commerce va au minimum doubler. Une véritable révolution est en marche.

Quelles sont les raisons profondes de cette migration vers l’online-shop au détriment des points de vente habituels? Et les conséquences? La disparition des commerçants? Sortons-nous gagnants sur toute la ligne?

La digitalisation à l’assaut des commerces de détail

Dans sa dernière publication à ce sujet (2014), l’Office fédéral de la statistique estime que 91% des ménages privés possèdent un accès internet en Suisse. Pour donner un sens à ce chiffre, rappelons qu’il est à peine de 81% au sein de l’UE et qu’à travers le monde, 4,2 milliards de personnes sont privées d’accès internet. De ce fait, le terreau est fertile dans notre pays, et les raisons de se laisser happer par cette nouvelle expérience d’achat sont nombreuses (gain de temps, large choix de produits, prix défiant toute concurrence, possibilité de commande à toute heure, flexibilité de paiement).

Certaines entreprises visionnaires sont à la pointe en la matière. Un exemple : le drive-in de Mediamarkt à Saint-Gall. Il permet au client de venir récupérer sa commande (quelques heures après l’avoir passée en ligne) sans même avoir à sortir de sa voiture ! Un exemple parmi tant d’autres qui pourrait expliquer pourquoi, de manière générale, le secteur de l’électronique (télévisions, ordinateurs, tablettes, etc.) est le plus «atteint» par la web-dépendance. Près d’un quart du chiffre d’affaires des principaux vendeurs (Interdiscount, Mediamarkt, Digitec Galaxus) est réalisé grâce à leur boutique en ligne. Autre secteur, autre entreprise innovante, Zalando a récemment mis en place un service de conseil en direct via l’application mobile de messagerie WhatsApp (qui s’approche du milliard d’utilisateurs) permettant à l’internaute de connaître l’avis d’un expert sur l’adéquation de sa tenue du jour, ou sur ce qu’il faudrait porter dans telle ou telle situation spéciale. Et ce de manière quasi instantanée ! Testé, avec succès, en Allemagne et aux Etats-Unis, ce service devrait arriver sous peu dans notre pays.

Ces nouvelles idées dressent une esquisse de ce que sera la relation avec le client dans un futur proche. Elle sera plus rapide, plus flexible et surtout moins coûteuse en personnel et en place. Elle vient remplacer la traditionnelle visite au magasin et l’échange en direct qui existait avec le vendeur qui, hormis dans le secteur de l’alimentation (où la durée de vie réduite des produits limite le changement), semble obsolète. Mais même dans les magasins alimentaires, le nombre d’employés va fondre, remplacés par de simples caisses de self-check-out de plus en plus performantes. Avec internet, le traditionnel rôle du vendeur comme conseiller perd de la valeur. Désormais, toutes les informations concernant les produits sont disponibles sur le Net, et souvent des notes accompagnées de commentaires des autres consommateurs aident le client à se faire une idée de manière autonome.

Bref, l’horizon semble bouché pour le modèle de commerce type «produit en vitrine et vendeur-conseiller derrière la caisse». D’autant plus qu’une autre pratique pénalisante pour les commerçants s’est généralisée depuis l’apparition en masse de téléphones portables nouvelle génération (du type iPhone, 2008): le Showrooming, qui consiste à venir essayer ou observer un objet dans un commerce, avant de le commander en ligne pour moins cher. Certains magasins mettent en place des techniques pour tenter d’y remédier. Il y a les idées farfelues, telles que le paiement d’une «taxe d’entrée» qui sera déduite d’un éventuel achat et d’autres bien plus intéressantes comme l’application In&Win. C’est «l’application qui vous fait gagner des points cadeaux juste en rentrant dans les magasins !». Elle est l’œuvre d’une start-up genevoise qui souhaite dynamiser le shopping non virtuel. Elle permet d’amasser des points cadeaux à chaque franchissement de porte d’un magasin partenaire (sans obligation d’achat !) qui, accumulés, donnent accès à une liste de récompenses sélectionnées par les magasins partenaires.

C’est dans ce genre d’initiatives que se trouve l’avenir des magasins «physiques». L’innovation est impérative. Les détaillants doivent apporter une valeur ajoutée à la visite «physique» du client. Il faut pouvoir individualiser son offre. Il faut réinventer l’expérience d’achat, vendre un nouveau rêve qui corresponde aux nouvelles exigences du client. En d’autres termes, monter en gamme, ou disparaître. Larmoyer béatement sur les pertes d’emplois peu qualifiés n’est pas une solution sérieuse. On n’arrête pas le progrès. La numérisation de la société va changer notre quotidien, elle va faire disparaître certains métiers, pour en faire apparaître d’autres. Trouvons les moyens de former ces gens à des tâches plus gratifiantes et stimulantes afin qu’ils bénéficient également de cette magnifique spirale appelée «destruction créatrice». Cette évolution permet de faire un tri, de garder uniquement les meilleurs : ceux qui sauront faire face à cette concurrence salutaire venant dépoussiérer un secteur qui s’est longtemps reposé sur ses acquis.

Le tourisme d’achat 2.0

Dopée par la fin du taux plancher en janvier 2015, la tendance au tourisme d’achat a atteint des sommets au cours de l’année (+ 8%). On parle d’une somme record de 11 milliards de CHF dépensée hors de nos frontières. En disséquant ce montant, on constate qu’une manière de profiter de l’augmentation soudaine de son pouvoir d’achat consiste à commander en ligne… à l’étranger. C’est le nouveau visage d’un problème national, une mutation, le tourisme d’achat 2.0, et il s’annonce féroce.

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Notre dessinateur de presse : Elias Jutzet

Des mastodontes comme Amazon, Aliexpress, Showroom ou autre Vente-Privé.fr se délectent, à raison, de l’arrivée massive de ressortissants suisses au pouvoir d’achat renforcé qui viennent commander une marchandise à un prix alléchant pendant qu’en face, les détaillants suisses tirent la langue. La faiblesse de l’offre nationale (livres, produits cosmétiques) justifie parfois à elle seule la désertion. Logiquement, au vu de l’ampleur du phénomène, les grandes entreprises ne sont pas seules à en profiter. Des marchés de niche se créent. C’est notamment le cas pour de nombreux bars, stations-service, tabacs-journaux lambda positionnés proches de la frontière genevoise. Ils font office de point relais pour réceptionner les achats de clients suisses, ces derniers profitant de ce stratagème pour faire baisser les charges douanières à l’importation. Et quand le client va récupérer son paquet, il profite bien souvent de faire ses achats de la semaine… Ce processus démontre la bêtise et les limites des taxes et autres barrières douanières. Comment justifier le fait qu’en se déplaçant de quelques mètres hors du territoire, il soit possible de gagner un avantage commercial substantiel? De l’autre côté du Röstigraben, cette faiblesse est devenue le credo d’une entreprise. «MeinEinkauf.ch» se vante d’offrir à ses clients le même prix final que paierait un citoyen allemand en achetant sur un site allemand, en jouant sur les lieux de livraison. Le succès est évidemment au rendez-vous.

En conclusion, il faut voir le côté positif du constat : la demande existe, et le potentiel de croissance est énorme dans un pays où 91% des ménages possèdent l’accès au marché en ligne. Il suffit d’adapter et d’améliorer notre offre! Sans toute cette concurrence internationale, rien ne bougerait, rien n’évoluerait. L’idée est donc de se battre pour une abolition maximale des freins au commerce que sont les taxes et autres tracasseries douanières. Afin de donner les mêmes chances à tous les acteurs du marché. L’autre impératif est de répondre à ce client toujours plus impatient et ultra-connecté qui exige une réponse rapide à sa demande. Libéralisons et flexibilisons au maximum les horaires de travail, les horaires d’ouverture. Donnons-nous les chances d’être à la hauteur de ce changement!

Ecrire à l’auteur : nicolas.jutzet@leregardlibre.com

Dans notre édition papier: L’opinion de Patrick Kessler, président de l’Association Suisse de Vente à Distance (ASVAD)

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