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Société

Editorial

#jesuismaurice5 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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L’affaire a fait grand bruit dans le Royaume de France. C’est l’histoire d’un coq nommé Maurice et dont le cri matinal gêne un couple de retraités. Ceux-ci sont des citadins venant passer leurs vacances à Saint-Pierre d’Oléron. Le cocorico de leur voisin Maurice les incommode tellement qu’ils sont allés jusqu’à envoyer des plaintes à répétition et entamer des visites d’huissier. Face à eux, la propriétaire du gallinacé, Corinne Fesseau, et le maire de la commune, Christophe Sueur. Ceux-ci ne l’entendent pas de cette oreille: vouloir interdire le bruit du coq, c’est imposer le mode de vie citadin à la campagne. Pourquoi ne pas interdire les bruits de cloche et les oiseaux qui chantent, pendant qu’on y est?

Une vague de personnes s’est exprimée sur les réseaux sociaux pour soutenir le coq Maurice et sa propriétaire. Cette dernière a même lancé une pétition «Il faut sauver Maurice le coq de l’île d’Oléron», atteignant pas moins de 139’000 signatures à l’heure où j’écris ces lignes. Moi aussi, bien sûr, je soutiens Maurice. Quelle est cette société qui semble vouloir éradiquer l’ordre naturel? Après tout, cela n’est pas étonnant: à l’heure des «réflexions sur le genre», des développements du transhumanisme ou encore de la chirurgie esthétique extrême, la nature semble une vieille ringarde qu’il s’agit de nier.

Dépasser la nature en la complétant, oui; cela s’appelle la culture et la civilisation. Mais nier la nature, cela mène aux pires dérives. Alors quoi, les campagnes ne seront-elles bientôt plus que des cités-dortoirs habitées et gouvernées par des citadins dans l’âme? La nature se rétrécit-elle? Rien de surprenant à cela: le phénomène est en route; l’exode rural est en marche… Mais dans l’affaire du coq Maurice, une autre donnée est en jeu: notre relation au bruit. Et là, il faut dire que la discussion devient plus intéressante. Car généralement, c’est le bruit de la ville qu’on aime critiquer. Certes, Saint-Pierre d’Oléron n’est pas non plus un minuscule hameau, mais le cocorico appartient par définition au monde rural. Il n’est le fait ni de l’urbanisation, ni de l’empire du divertissement, ni de la sonorisation galopante de nos espaces de vie.

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Quelle once de comparaison pourrait-il y avoir entre le chant du coq et la musique insupportable qui envahit nos ascenseurs et nos restaurants? Aucune. J’ai tendance à penser que le chant du coq apaise, au même titre que les bruits de cloches ou la mélodie de la pluie s’abattant sur la terre. Ce qui pourrit notre sérénité ne vient souvent pas de l’extérieur, mais de nous-mêmes! Ayons le courage d’accepter l’idée selon laquelle notre tranquillité augmenterait si nous réduisions notre temps passé à regarder des vidéos, à écouter de la musique d’ambiance en permanence ou… à crier sur nos voisins.

Parce qu’en fin de compte, il y a une invention qui rend bien service aux personnes qui ne souhaitent pas être réveillées le matin par quelque bruit que ce soit: cela s’appelle les protections auditives, mieux connues sous le nom de boules Quies. Que d’énergie perdue à nous en prendre aux autres alors que nous pouvons augmenter notre bien-être nous-mêmes. Retrouver un mode de vie sain, ce serait non seulement tolérer le bruit du coq, mais même l’apprécier quand nous en avons l’occasion. Les animaux de campagne n’ont pas à être civils; à l’être humain de faire preuve de civilité envers leurs propriétaires.

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Pour toutes ces raisons, #jesuismaurice. Le coq: un animal qui symbolise la France plus que n’importe quel autre. Or, le Français est-il l’être qui par excellence est justement capable de s’en plaindre? En Suisse, force est de constater que nous dormons les yeux ouverts, à l’image des bovins. Car oui, les Helvètes aiment bien surveiller leurs voisins. Et râler n’est pas l’apanage des Gaulois. Pour exemple, des Zurichois s’étaient plaints en 2015 du bruit des cloches de vaches qui paissaient dans les alpages voisins. La Cour d’Appel leur avait donné raison, alors même que les cloches sont utiles pour retrouver les fuyardes, comme l’avait rappelé le propriétaire des vingt-sept vaches laitières.

Attaquons-nous au vrai bruit et célébrons ses deux contraires: le silence, certes, mais aussi la musique.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Crédit photo: Wikimedia CC 3.0

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