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Société

Chronique

L’Homme est un sujet et donc un héritier4 minutes de lecture

par Ralph Müller
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Chaque mois, le youtubeur Ralph Müller livre son analyse cinglante d’un phénomène typique de l’époque. Ce mois-ci, il s’attaque à l’idée que l’individu pourrait se développer seul.

Dans Une folle solitude (2006), le philosophe Olivier Rey, avec un flair dont on peut aujourd’hui lui faire crédit, s’attaquait à une illusion fondatrice de la modernité: celle d’un sujet qui se ferait seul, affranchi des lois, des figures d’autorité et des traditions. A rebours de ce fantasme d’auto-engendrement, il rappelait à juste titre qu’on ne devient humain qu’en s’inscrivant dans un ordre symbolique qui nous précède.

L’ambivalence du terme sujet (à la fois ce qui est soumis, et ce qui soumet) suggère que l’homme conquiert sa liberté par le biais d’une sujétion. Du latin sub-jectum, littéralement «placé dessous», le sujet est en respect de quelque chose qui le dépasse. Sujet d’une communauté, de rites, d’une religion, d’une loi, d’une culture, etc. – «[d]ans tous les cas, d’une structure qui comporte, au sens étymologique du terme, une dimension ‘‘symbolique’’ d’emboîtement, de reconnaissance réciproque».

Etre un sujet, cela implique de s’insérer dans un cadre que personne n’apporte avec soi ni ne construit par ses propres moyens. Ainsi, la naissance biologique doit être rejouée sur le plan symbolique, la filiation charnelle doublée d’une filiation morale. 

Aujourd’hui, l’individu est invité à se construire seul et sommé d’être «lui-même». Or, il y a une contradiction fondamentale entre le culte de l’autosuffisance et l’idéal de l’être soi: car être soi-même suppose la tenue de la parole et de l’engagement. Je suis ce que j’ai avoué être devant les autres, aussi ne puis-je être sans eux.

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La loi, c’est-à-dire le symbolique, a pour première fonction de civiliser une perte, celle de la complétude fusionnelle qui marque notre entrée dans la vie. Jean-Pierre Lebrun (Un monde sans limites, Erès, 1997) soutient que la limite, c’est d’abord le père – non en tant qu’homme ou géniteur, mais en tant que figure qui introduit l’enfant dans l’ordre du langage et du manque. Le père, dit Lebrun, fait office de «premier étranger». Il est celui qui vient dire à l’enfant tu n’es pas tout et tout ne t’est pas dû. Autrement dit: il introduit la loi de l’altérité.

Le symbolique – tout ce qui est institué par les compétences symboliques de l’homme, soit aussi les coutumes et les valeurs, et en premier lieu le langage – rend l’absence supportable pour que le vide et le manque ne soient pas destructeurs. Par son entremise, le négatif ne se présente pas sous la forme brutale de l’impossibilité, mais sous la forme civilisée des lois et des interdits que le sujet est appelé à respecter. L’interdit n’est pas un instrument de coercition, il est le répondant symbolique d’une impossibilité structurelle, «la transposition d’un état de fait en un fait de parole. Il est là pour faire passer du ‘‘tout est possible’’ fantasmatique aux limitations imposées par la réalité, autrement que par un heurt empirique et bestial à la résistance des choses. Il est là pour donner sens au négatif, et par là le rendre acceptable, à défaut d’être agréable.»

Par leur poursuite aveugle d’un idéal d’émancipation, nos sociétés ont sapé les conditions de leur propre promesse. Elles oublient que transmettre la loi, c’est transmettre ce qui seul donne un sens à la liberté. Refuser toute extériorité structurante, c’est condamner chacun à bricoler seul une humanité qui ne peut que lui tomber des mains.

Le formateur Ralph Müller livre dans chaque numéro son analyse cinglante d’un phénomène de société. Retrouvez ses vidéos sur la chaîne YouTube «La Cartouche».

Vous venez de lire une chronique tirée de notre édition papier (Le Regard Libre N°117). Débats, analyses, actualités culturelles: abonnez-vous à notre média de réflexion pour nous soutenir et avoir accès à tous nos contenus! 

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