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«L’amour par temps de crise» ou le devoir douloureux du choix5 minutes de lecture

par Lauriane Pipoz
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Les bouquins du mardi – Lauriane Pipoz

Si les femmes ont acquis certaines libertés après les avoir durement gagnées, ces dernières restent parfois difficilement compatibles avec la société dans laquelle nous vivons. Ce constat est la ligne directrice de l’ouvrage de Daniela Krien, formé des récits de cinq femmes extrêmement différentes les unes des autres, toutes reliées par cette problématique et évoluant dans le même cercle. Un livre intelligent et émouvant.

«Les libertés sont compliquées à assumer». Cette idée est partie de discussions avec des femmes de son entourage, toutes issues du même cercle et pourtant si différentes, révèle l’auteure dans une interview. A l’image des femmes qui ont aujourd’hui la quarantaine, les protagonistes sont déchirées entre les choix de vouloir mener une carrière, fonder une famille ou s’épanouir dans leur couple. Les trois étant incompatibles, chacune choisira ce qui est le plus important pour elle – ce qui sera frustrant…ou non.

Les cinq personnages sont des femmes éduquées, qui ont eu l’habitude de se poser des questions cruciales déjà dans leur éducation. Elles proviennent du même milieu et ont toutes été élevées par des parents socialistes, au sein de la RDA. Mais elles ont des destins très différents. Ainsi, Paula se focalisera sur ses enfants et son mari, ce qui semble capital pour ce dernier. Mais lorsqu’elle se rendra compte qu’elle ne peut pas complètement renier ses propres désirs, sa relation prendra lentement l’eau, pour s’achever définitivement lorsqu’elle perdra sa fille. 

Une complexité qui reflète la réalité

A l’opposé, son amie Judith décidera que sa carrière est ce qui lui importe. Un mode de fonctionnement qui lui a convenu toute sa vie… et qui la mènera peut-être à sa perte lorsqu’elle se demandera si elle veut continuer à placer sa liberté au premier plan ou si elle souhaite s’engager avec un homme et porter son enfant. On rencontre aussi Brida, chez qui cette déchirure est peut-être encore la plus visible: elle vit pour l’écriture mais, oppressée paradoxalement (ou non) par un homme qu’elle adore, ne peut pas vivre de sa passion, que ce dernier considère comme un «simple passe-temps».

Une autre encore choisira la famille et l’amour, mais se heurtera dans un premier temps à l’évolution de la société: elle ne pourra pas réaliser son rêve tel qu’elle l’imaginait. Autant d’histoires qui mettent en lumière la diversité de points de vue des femmes d’aujourd’hui. Ce qui leur est commun? Elles doivent aujourd’hui faire des choix. Un constat d’autant plus douloureux qu’il est mis en perspective avec la situation de leur mari. 

Des «pensées parasites»

Pour nous aider à nous mettre dans les baskets des personnages principaux, l’auteure de ce livre très particulier a choisi de faire appel aux retours en arrière. Ces derniers sont intégrés aux cinq histoires sous forme d’analepses, comme si des «pensées parasites» s’invitaient dans la tête des protagonistes. Un procédé qui ne semble pas du tout artificiel, car chacune de ces parenthèses sont signalées dans le récit et ont un point commun avec les événements qui sont en train de se dérouler: un épisode douloureux qui remonte soudain à la surface ou simplement un souvenir joyeux.

Ces retours en arrière ont aussi une autre fonction: celle d’instaurer un certain suspense dans la découverte des aventures de ces cinq femmes, qui sont racontées au temps du récit. Même si, au final, difficile de savoir ce qu’on leur souhaite en lisant ce livre: un simple happy ending aurait paru trop facile.

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En guise de conclusion, un seul reproche pourrait être adressé au livre: à première vue, les personnages masculins manquent légèrement de nuances et de profondeur par rapports aux protagonistes féminines. Or, nous découvrons le récit à travers le prisme de ces dernières: il ne s’agit peut-ête que de leur point de vue. On remarque d’ailleurs bien leur difficulté à se prendre position face aux hommes qui partagent leur vie: il ne leur est pas toujours facile de départager ce qui peut leur nuire ou non. Par exemple, si l’une se refuse à rester à la maison pour éduquer ses enfants, c’est le rêve de l’autre: grâce aux liens entre les personnages, on constate que ce qui est bon pour l’une ne convient pas forcément à l’autre. Mais elles ont toutes un point commun: elles devront faire des choix extrêmement difficiles et les assumer coûte que coûte.

Ecrire à l’auteure: lauriane.pipoz@leregardlibre.com

Crédit photo: © Albin Michel

Daniela Krien
L’amour par temps de crise
Traduction de Dominique Autrand
Albin Michel
2021
336 pages

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