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«Marta et Arthur», sur les lèvres le venin4 minutes de lecture

par Quentin Perissinotto
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Initialement paru en 2019 en Allemagne, Marta und Arthur gagne le public francophone deux ans plus tard grâce à la traduction de Barbara Fontaine aux Editions Zoé. Journaliste établie en Suisse, Katja Schönherr signe ici un premier roman d’une virtuosité remarquable, aussi nocif qu’irrésistible.

Marta. Arthur. Deux individus, deux personnalités opposées, deux trajectoires qui s’éloignent pour finalement se croiser à nouveau, deux destins liés. «Marthur». Un seul amour. Une seule haine. Leur couple: toxique. Rarement j’ai lu un roman qui m’a mis autant mal à l’aise! Il flotte autour de cette histoire une odeur malsaine qui prend aux tripes et qui ne nous lâche plus. Et pourtant, on ne le repose pas. Pire, on le dévore! Dès les premières pages, on sent que quelque chose ne tourne pas vraiment rond.

«Il n’y a personne sur la plage en dehors de Marta. Des centaines de carapaces abandonnées, de fines pattes cassées et de pinces rejetées par les flots sont éparpillées sur le sol; un champ de bataille de crabes morts.»

En très peu de mots, Katja Schönherr noue un climat instable et étrange. Rien ne semble être à sa place, tout paraît dissonant. Marta quitte alors la plage et remonte à l’appartement conjugal, un sac de sable sous le bras. Puis, très consciencieusement, elle recouvre son mari de ce même sable. Peut-être dort-il. Il ne réagit pas, ne bouge pas, ne respire pas. Il est bien mort. Le récit revient alors à l’enfance de Marta, à sa relation conflictuelle avec sa mère, à sa rencontre avec Arthur, son professeur au lycée. Pour ensuite sauter les années et retomber à cet ensevelissement presque cérémonieux.

La narration alternera sans cesse entre le passé de Marta de l’idylle naissante et le présent avec la mort d’Arthur, créant ainsi un roulis. Plus on tourne les pages, plus les contours de leur vie commune se révèlent et surtout, plus on se demande ce qu’ils ont fait quarante ans ensemble. Leur union ne dissimule que les lambeaux d’un cataclysme silencieux. Les débris d’un mutisme vénéneux, qui s’insinue docilement pendant des années jusqu’à scléroser les âmes d’abord. Les corps ensuite. Des peaux desséchées craquellent les douleurs enfouies. De celles impossibles à racler sans tout arracher. 

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Katja Schönherr nous plonge dans les affres d’une relation construite sur le rejet, grâce à une écriture minutieuse et sensible, entre tension et tangage, d’un tapage implacablement silencieux, pour savoir ce qui a pu pousser ces deux êtres l’un vers l’autre. Pas de trash, pas d’explosion, mais tout le glauque du non-dit. Un intense roman noir d’ambiance, qui déroute autant qu’il glace.

Ecrire à l’auteur: quentin.perissinotto@leregardlibre.com

Crédit Photo :  © Pixabay License / innokurnia

Katja Schönherr
Marta et Arthur
Traduit par Barbara Fontaine
Editions Zoé
2021
249 pages

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