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Pourquoi (re)lire San-Antonio?6 minutes de lecture

par Ivan Garcia
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San Antonio

Les bouquins du mardi – Ivan Garcia

Les Editions Pocket se sont lancées dans une réédition au format poche des œuvres du mythique commissaire français. L’occasion de découvrir quelques-uns de ces récits policiers hauts en couleurs et au verbe grivois. La preuve par l’exemple avec une réédition du volume De l’antigel dans le calbute.

Ces dernières années, les auteurs de polars et de thrillers ont le vent en poupe: une adaptation d’un roman de Maigret à l’écran, la parution de L’affaire Alaska Sanders de Joël Dicker (dont on raconte que, malgré ses ventes faramineuses, il est très ennuyeux)… On peut s’en rendre compte en flânant dans les librairies: les nouvelles parutions policières et les étagères dédiées à ce genre sont bien remplies. C’est en librairie justement (et assez récemment) que l’auteur de ces lignes fit connaissance avec une légende du policier, le commissaire San-Antonio dit «Sana» ou «San-A» pour les fans.

Une série à succès

Série policière écrite par l’écrivain français Frédéric Dard, mort en 2000 à son domicile de Bonnefontaine, dans le canton de Fribourg, les «San-Antonio» symbolisent un étonnant succès éditorial avec pas moins de 175 volumes (sans compter les hors-séries) s’étalant sur environ cinq décennies (le premier tome Réglez-lui son compte paraît en 1949 et le dernier, Céréales killer, de manière posthume en 2001).

«San-Antonio, c’est de la littérature de kiosque de gare. Pour moi, tenir la distance, c’est pouvoir être lu entièrement sur le trajet Paris-Lyon.» (Frédéric Dard, dans le grand format Frédéric Dard, délit d’imagination, que lui a consacré la RTS).

A chaque série policière son commissaire. Il y en a pour tous les goûts: du play-boy californien roulant en décapotable à l’inspecteur lunatique suédois (avec sa barbe de trois jours), en passant par le commissaire Maigret, le panel est large. Mais si, comme l’auteur de ces lignes, vous n’êtes pas forcément charmé par les lunatiques commissaires et, disons-le franchement, que vous cherchez plus la rigolade que la fine analyse psychologique des personnages, alors San-Antonio est fait pour vous. D’où le fait que l’auteur considérait que ses récits étaient parfaits pour être lus dans le TGV entre Paris et Lyon.

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San-Antonio, homme cultivé, habile, amateur de bonne chère et de plaisirs, macho aussi, se voit confier diverses missions au cours des multiples tomes, allant de l’espionnage à des enquêtes sur des meurtres en passant par des enlèvements ou la lutte contre des sociétés secrètes. Missions qu’il mène, évidemment, toujours à bien et que l’auteur relate avec humour et autres grivoiseries.

San-Antonio en Namibie

De l’antigel dans le calbute, numéro 167 de la collection, initialement publié en 1996, et son illustration de couverture signée Johann Sfar tapent d’entrée de jeu dans l’œil du curieux. Comme il est écrit sur la quatrième de couverture, «ça se chicorne à mort dans ce book». Preuve en est que Frédéric Dard, auteur qui écrivait pour Monsieur Tout-le-Monde, intégrait volontiers l’argot, les anglicismes, les calembours et les jeux de mots dans les enquêtes du commissaire français.

«Soucieux de remplacer ses effectifs anéantis, Nautik Toutanski chargea différents correspondants, avec qui il était en contact de lui dénicher de nouvelles recrues. Sa déception fut grande quand il apprit que cette louable profession se perdait. Tout ce qu’il réussit à obtenir d’un “impressario” africain ce fut trois aux hommes aux états de service convenables. C’est l’aventure de ces trois individus que nous nous proposons de relater.»

Ce tome voit San-Antonio et ses deux acolytes, Alexandre-Benoît dit Bérurier, et Jérémie Blanc, inspecteur de police d’origine sénégalaise, kidnapper un dictateur insulaire du nom de Nautik Toutanski (on remarquera l’inventivité burlesque du nom). Ce dernier est responsable de la disparition de plusieurs caissons d’uranium en Namibie et le trio d’inspecteurs est chargé de retrouver cette mystérieuse cargaison. Suite à la confession et au rapide décès de Toutanski, les inspecteurs s’envolent pour la Namibie où ils feront la connaissance d’une guide germanique nymphomane, Fräulein Gretta Dübitsch, qui les aidera à mener l’enquête.

L’enquête se lit aisément: les chapitres sont courts et alternent entre le récit, les réflexions de San-Antonio («nous roulâmes à travers une nature où le mètre carré de terrain doit valoir moins cher qu’à Times Square») et quelques dialogues, parfois incongrus, entre les protagonistes. En bref, on rit, qu’est-ce qu’on rit, à la lecture des récits de Frédéric Dard.

«Je lui propose une autre tasse de caoua, mais elle refuse:
– Sans façon: je lui trouve un drôle de goût.
– Y’a rien de plus pernicif que le café, décrète Sa Majesté bedonnante. Moive, si je m’écouterais, je boirais qu’çui de ma bourgeoise. J’veuille pas médire, mais Berthe fait le
mélieur jus du monde et d’sa périphérance.»

Pourquoi (re)lire San-Antonio?

Par rapport à notre époque et à certains sujets, on constate que la série des «San-Antonio» est un peu datée. Mais pas totalement. Les lecteurs sont toujours avides d’histoires d’aventures, d’actions ou de grands frissons. Et c’est peut-être la raison qui a poussé Pocket à se lancer dans des rééditions en petits volumes unitaires des œuvres de Dard.

Outre le style de l’auteur, ce qui a fait le succès de la série et qui reste valable aujourd’hui, c’est la capacité que possède l’écrivain à insérer quelques réflexions, digressions philosophiques (qui, on l’avouera, semblent bien impropres au genre policier), dans ses récits et qui leur donnent une touche d’humanité. Et aux lecteurs, matière à réflexion.

«Décidément, j’aurai rencontré de curieuses créatures au cours de ma carrière. Note que les frappadingues tu les trouves partout. Tu les côtoies sans t’en rendre compte. Ils passent, sinoqués à outrance, tu n’y prêtes pas attention. Y a que lorsque tu marques une pause en leur compagnie que tu découvres l’araignée qui tisse sa toile dans leur encéphale, entre l’hypothalamus et le plexus choroïdien. A la longue, ça ne veut plus rien dire, un jobastre de plus ou de moins, c’est tout pour l’équarrissage final. Nous finissons par rendre notre uniforme à la terre qui nous a produits.»

Ecrire à l’auteur: ivan.garcia@leregardlibre.com

Image d’en-tête: © Photo San-Antonio

Frédéric Dard / San-Antonio
De l’antigel dans le calbute
Editions Pocket 
2022 [1996]
238 pages 

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