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Festival Agapé, un festival du sacré et du partage6 minutes de lecture

par Le Regard Libre
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Le Regard Libre N° 52 – Bernard Frossard

Le festival de musique sacré et baroque porte son nom à merveille: Agapé, en grec, c’est l’amour transcendant, mais aussi le partage. Ce sont ces deux vertus que l’on ressent très fortement lorsqu’on assiste à l’un de ses concerts. On remarque rapidement le plaisir que les artistes ont d’être présents et qu’ils ne sont pas là tant pour la performance que pour nous offrir ce qu’il y a de plus beau dans leur art et leur interprétation. Cet événement a pu bénéficier de la présence d’artistes notables de la musique ancienne tel que Jordi Savall, Bernard Héritier, Jean Tubéry avec son ensemble La Fenice, Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique, la maîtrise de Colmar dirigée par Arlette Steyer, James Bowman et tant d’autres qu’il serait long de tous les énumérer.

Le vendredi 31 mai, j’ai eu le plaisir insigne d’assister aux Leçons de Ténèbres de Michel-Richard de Lalande entrecoupée de motets de François Couperin interprétés magnifiquement par l’ensemble Il Carravaggio avec les voix d’Anna Reinhold, Amel Brahim Djelloul et dirigé par la claveciniste Camille Delaforge. L’écho de l’église redonnait à ces compositions du XVIIIe siècle leur caractère spirituel et leur force.

Le concert débute dans un noir quasi complet sous l’imposante voûte de l’église Sainte-Croix de Carouge (canton de Genève), l’audience se fait extrêmement silencieuse, dans ce noir, la mélodie se développe avec l’apparition progressive de la lumière. Au fur et à mesure des morceaux, des cierges sont allumés devant les marches de la scène pour rappeler le lucernaire de la semaine sainte dans la liturgie catholique. Cette mise en scène est un souffle puissant qui nous élève dans la contemplation des réalités supérieures.

A lire aussi: La musique: du silence à la mystique

Au festival, la joie et la grâce sont venues se poser sous la main de maître de Leonardo Garcia Alarcón et son interprétation unique d’Il diluvio universale de Falvetti. Lors de ce concert, je pourrais presque dire ce spectacle, Alarcón dirige cette pièce en vivant charnellement de la musique, il l’exprime ainsi que ses solistes avec beaucoup de transport et nous emmène avec lui sous la chaleur du soleil sicilien du XVIIe siècle.

Je ne peux que vous recommander cet événement, et particulièrement Alarcón. Les artistes s’y expriment généreusement, incarnant des rôles comme La Justice Divine, la Mort – magnifiquement maquillée! –, Noé et Rad – le couple qui a survécu au Déluge – et où les artistes s’expriment énormément. A la fin du spectacle, une rencontre entre le public et les artistes est favorisée, comme celle avec notre invitée Ariane Schwizgebel, directrice artistique du festival.

Le Regard Libre: Pouvez-vous nous narrer un peu l’histoire de ce festival?

Ariane Schwizgebel: Ce festival a été fondé en 1992 en partant de l’intuition d’un ami religieux et ma propre interrogation sur la place des artistes et celle de la musique ancienne. Nous trouvions que cette musique était jouée dans des lieux trop anonymes et qu’elle devait retrouver son milieu, un milieu d’amis, un lieu d’amitié qui ne soit pas proposé uniquement pour une élite ou des connaisseurs. Le premier festival a été subventionné par un ami qui partage cette vision d’un festival qui soit avant tout un lieu de rencontre avec les artistes. Il a été comme le signe qu’il fallait poursuivre cette folle aventure! D’ailleurs, depuis ses débuts, le festival a toujours suscité l’intérêt de la radio. Au niveau des relations avec les artistes, depuis tant d’années, on peut dire que même les petits ratés – il y en a eu! – ont fait partie de ce lien toujours fort et de grande confiance avec les artistes! Toutes les occasions n’ont fait que l’agrandir et le faire fructifier.

Qu’est-ce qui fait sa spécificité sur la scène classique?

Cela nous tient à cœur d’avoir des concerts qui instaurent un dialogue entre des cultures différentes. Jordi Savall, invité à de très nombreuses reprises, nous a appris en maître ce dialogue si riche et si intéressant entre les différentes cultures. Avec la culture de son pays et Les chants de la Sibylle qui sont un dialogue, c’est une parole révélée! Avec les Routes de l’esclavage, c’est la musique africaine qui prenait vie, avec la Route de l’Orient et l’épopée de saint François Xavier, le monde de l’Asie s’est imposé, avec la noblesse et le chatoiement de ses musiciens, venus du Japon, notamment. Nous aimons énormément les musiciens qui réussissent à redonner vie à des musiques plus anciennes et souvent oubliées. Ces musiciens sont des Jordi Savall, des Marcel Pérès… Ils font vivre ces œuvres, qui sont actuellement jouées d’une manière morte. On a l’impression qu’elles revivent et que c’est la plus contemporaine des musiques. C’est un patrimoine qui nous est redonné, qui est remis à l’honneur.

Comme la pièce jouée par Alarcón?

Oui, mais c’est le cas aussi de cette musique de Lalande qui n’est pas souvent jouée sauf au Centre de Versailles, par des maîtrises très qualitatives qui savent donner cette musique. Sinon, il faut reconnaître que c’est une musique qui n’est pas prioritaire. La musique ancienne de manière générale est encore un petit peu en déficit, par exemple à Genève. Ici, c’est plutôt la musique symphonique, c’est l’opéra; l’orchestre de chambre de Genève a beaucoup de répertoire du XIXe siècle; pour nous, c’est très clairement Bach et ce qu’il y a avant. Sinon, nous avons toujours proposé des spectacles complets avec de la musique, du théâtre, de la poésie et même de la danse. La danse était malheureusement très critiquée. Le festival a aussi proposé le répertoire du jazz lors d’un concert avec Christina Pluhar, l’ensemble Arpeggiata et initié par Philippe Jaroussky mêlant des morceaux jazz et des œuvres de Purcell. Un concept qui a merveilleusement bien marché.

Quel retour avez-vous eu des artistes?

Les artistes nous disent qu’ils se sentent aimés, entourés d’attention. Dernièrement, Mariana, la femme de Leonardo Alarcón, nous disait: «On se sent à la maison». C’est une remarque qu’on nous a très souvent fait par ailleurs. Jean Davy, grand comédien français nous avait dit: «Agapé est ma famille». Je me souviens bien aussi de Gabriel Garrido, qui a beaucoup fait pour la musique ancienne à Genève et qui m’avait dit: «Chez vous, c’est une fête, on a l’impression d’être à Naples ou en Amérique latine. A Genève, on n’a pas le sens de la fête, mais chez vous oui, tout le monde est joyeux et on passe de très bons moments.»

Ce festival a une dimension spirituelle. Pouvez-vous nous en dire plus?

Déjà par le répertoire choisi, la plupart de nos concerts étant de la musique religieuse, de la musique sacrée, cette musique en soi est spirituelle. Pour nous, l’art est sacré s’il touche le cœur de l’homme et de tout homme. L’art est un vecteur particulier de la spiritualité mais qui aujourd’hui est moins honoré. Dans les églises, on entend des horreurs musicales et ces artistes-là, on ne les accueille pas dans nos églises, c’est terrible. On se coupe de notre patrimoine spirituel et nous voulons lui redonner une place centrale comme une église au milieu du village.

Cela a donc une certaine importance que vous fassiez cela dans des églises?

Nous avions fait l’expérience ailleurs comme au Bâtiment des Forces Motrices, mais c’est vraiment une question d’acoustique. Les Vêpres de la Vierge de Monteverdi par Jean Tubéry, les acousticiens ont dû sonoriser le lieu car il ne sonnait pas du tout et cela gênait considérablement les artistes. Les salles de concerts ne conviennent pas pour la musique religieuse et cette musique a sa place dans une église car il s’agissait de son but originel.

Ecrire à l’auteur: bernard_frossard@hotmail.ch

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1 commentaire

Angelilie 6 août 2019 - 23 11 09 08098

J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.

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