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Entre destruction de plaines sauvages et manifestations sociales3 minutes de lecture

par Alexandre Wälti
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Les lundis de l’actualité – Alexandre Wälti 

L’actualité absolument indispensable des deux dernières semaines, c’était la quarantième édition du Dakar, ex-Paris-Dakar. Celui-ci s’est terminé le dimanche 21 janvier 2018. Une course automobile dont le parcours, comme son nom l’indique avec une précision redoutable, va évidemment de Lima au Pérou jusqu’à Córdoba en Argentine, en passant par la Bolivie, logique. Mais oui, vous savez, Dakar, cette ville sur un continent loin de l’Europe, là-bas. Ici ou là, finalement. Tant qu’on peut émettre le CO2 en masse dans des zones naturelles extrêmement sauvages, telles que le désert de sel d’Uyuni, normalement protégé, et écraser les sols fragiles de l’Altiplano avec de grosses roues bien grasses, tout va bien.

La seule utilité du Dakar 2018 est d’avoir donné la possibilité à la population discrète d’un pays oublié d’exprimer son mécontentement contre les abus du pouvoir en place. Le président Evo Morales et son vice-président Alvaro Garcia Linera espèrent en effet glâner un quatrième mandat alors même que la constitution de 2009 n’autorise que deux mandats présidentiels consécutifs. Concrètement, les deux dirigeants sont déjà dans une zone de légalité grise très foncée. En novembre 2017, le chef de l’Etat bolivien a pourtant obtenu le droit de se représenter à la prochaine élection présidentielle grâce au Tribunal constitutionnel bolivien. Ne pipons même pas mot, à cet instant précis de l’article, de la corruption qui grangrène le pays entier, l’affaiblit toujours plus.

Mais il y a plus étonnant : lors d’un réferendum en février 2016, la population avait déjà refusé à 51.3% un mandat supplémentaire à son président. Selon Le Bilan du Monde 2017, les conflits sociaux entre les mineurs des coopératives et l’Etat ont notamment mené à plusieurs morts, dont un vice-ministre en août 2016. De surcroît, le classement mondial de la liberté de presse 2017 de Reporters sans Frontières classe la Bolivie à la 107ème place sur 180 pays et stipule la chose suivante :

« En Bolivie, les médias sont fortement incités à éviter toute remarque négative à l’encontre du gouvernement et du président Evo Morales, au pouvoir depuis 2006. En vertu du décret suprême 181 de 2009, les journalistes qui « mentent », « font de la politique partisane » ou « offensent le gouvernement » peuvent se voir privés des revenus liés à la publicité officielle. Ces pressions financières ont un rôle d’autant plus important que la Bolivie demeure le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud. Les arrestations, poursuites judiciaires abusives et l’impunité favorisent également un climat d’autocensure dans l’ensemble du pays. »

C’est pourquoi les habitants de la ville de Santa Cruz, poumon économique du pays, ainsi que de huit autres régions, sont descendus dans la rue. Ils ont même littéralement cessé toute activité – magasins fermés, routes bloquées, etc. – le vendredi 12 janvier 2018. Ils ont observé un paro civico (grève civique) dans tout le pays, une forme de contestation civile populaire et passive en Bolivie – tout le contraire des conflits sociaux entre les mineurs et l’Etat deux ans auparavant. Même si les revendications n’ont certainement pas tellement changé.

Rien d’alarmant, n’est-ce pas ? Encore moins quand on pense que la Bolivie a toujours été politiquement proche du gouvernement vénézuélien. On connaît la crise terrible qui affame et embrase ce pays actuellement. Ce n’est finalement qu’un petit dérapage sur le parcours du Dakar. Ça n’intéresse sûrement pas le spectateur lambda de cette course passionnante et d’une utilité assurément sans conteste. Le sable pur du désert y gicle en tas de granules fabuleux sous les gros moteurs et, en arrière-plan, des paysages andins à couper n’importe quel pot d’échappement. Si seulement le Dakar pouvait définitivement les couper. La course était en HD, contrairement aux réalités sociales et politiques de la Bolivie jusque-là.

Ecrire à l’auteur : alexandrewaelti@gmail.com

Crédit photo : © Alexandre Wälti

Sources :

https://www.arcinfo.ch/articles/monde/evo-morales-face-a-la-pression-de-la-rue-728957

http://www.paginasiete.bo/nacional/2018/1/15/regiones-alistan-protestas-contra-cdigo-sistema-penal-166559.html

Rapport 2017 de Reporters sans frontières : https://rsf.org/fr/bolivie

http://www.paginasiete.bo/nacional/2018/1/15/regiones-alistan-protestas-contra-cdigo-sistema-penal-166559.html

Le Bilan du Monde 2017 : https://www.infolibre.es/noticias/mundo/2016/02/24/se_confirma_una_nueva_reeleccion_evo_morales_con_de_los_votos_45436_1022.html

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